Les faits : Le 30 avril 2024, lors d’un Conseil urbain de sécurité, la recrudescence des cas d’empoisonnement a été inscrite à l’ordre du jour. Le maire de Lubumbashi, préoccupé par signalements sur les réseaux sociaux, a lancé un appel en faveur d’enquêtes approfondies pour élucider ces incidents. Ce phénomène alimente une psychose sociale qui perturbe la vie quotidienne et ébranle la confiance au sein de la communauté en RDC. Les rumeurs, amplifiées par de nombreux récits anecdotiques et des interprétations subjectives, puisent leur origine dans des événements tragiques ou des décès suspects. Par exemple, la mort du bourgmestre de Lubumbashi a été associée à un possible empoisonnement, renforçant la perception qu’il est employé pour régler des différends ou éliminer les prétendus adversaires. De plus, certains habitants attribuent décès ou maladies à l’empoisonnement plutôt qu’à des causes médicales. Le manque de preuves réelles complique la vérification des faits et favorise la diffusion de rumeurs alarmistes.
En Droit : L’empoisonnement est de prime abord un phénomène social, un problème de société que le législateur a ensuite récriminé. Il s’impose d’abord comme un fléau social aux ramifications multiples, révélant à la fois des aspects culturels, politiques et économiques qui se conjuguent avec un enjeu juridique complexe. Ce phénomène, désormais présent chez -nous, se nourrit d’un modus operandi sophistiqué dans lequel le lien de causalité entre l’acte et le résultat apparaît difficile à établir. En l’absence de témoins et face à la discrétion opératoire du délinquant, prouver l’intention de nuire demeure souvent hypothétique, compliquant ainsi l’engagement effectif de la responsabilité pénale. Sur le plan juridique, le Code pénal, notamment via l’article 49 du Livre II, définit l’empoisonnement comme le meurtre commis par le moyen d’une substance susceptible d’entraîner la mort. L’infraction se caractérise ainsi par la réunion de trois éléments fondamentaux : l’élément matériel, consistant en l’administration ou l’emploi d’un poison ; l’élément intentionnel, qui traduit la volonté délibérée de provoquer la mort ; et enfin le résultat fatal. Même lorsque l’intervention d’un antidote ou le refus d’absorption des substances permet d’éviter le drame, la tentative reste punissable dans les mêmes termes que l’infraction consommée, soulignant ainsi la fermeté de la législation.
Les causes de l’empoisonnement révèlent une dimension multifactorielle. Sur le plan politique, il est instrumentalisé pour éliminer un opposant ou taire une voix critique susceptible de compromettre des ambitions personnelles ou collectives. Dans le milieu professionnel, la rivalité ou la jalousie conduit parfois à l’utilisation du poison comme arme discrète et meurtrière. Enfin, sur le plan social, le climat de méfiance et de vengeance occasionne la diffusion de rumeurs et alimente une véritable psychose collective, où l’exagération des faits contribue à banaliser la gravité de l’acte. Il n’épargne personne car même dans les églises, l’empoisonnent ou du moins la tentative d’empoisonnement tend à devenir un de modes d’éliminations de son confrère, sa consœur, etc...
Face à ce contexte délétère, il est indispensable d’endiguer la propagation des rumeurs et de la désinformation par des stratégies coordonnées. La mise en place de programmes de sensibilisation, visant à informer la population sur le fonctionnement des enquêtes judiciaires, ainsi que la création de cellules d’expertise associant psychologie sociale, experts médico-légaux, criminologues et juristes, permettraient de distinguer les faits établis des rumeurs infondées. Parallèlement, l’hygiène de vie personnelle constitue un rempart essentiel ; adopter et maintenir des pratiques d’hygiène rigoureuses, que ce soit dans le domaine alimentaire ou dans les comportements quotidiens, aide à réduire le risque d’intoxication accidentelle ou malveillante. En définitive, la lutte contre l’empoisonnement en RDC nécessite une approche pluridisciplinaire, mêlant répression, prévention et éducation pour restaurer la confiance et préserver le tissu social.
Me Joseph YAV KATSHUNG