Vivement l’Etat de Droit, 63 ans après l’indépendance : La Cour Constitutionnelle et sa Compétence Résiduelle

Publié le 28/07/2023 Vu 787 fois 0
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L’article 162 (2) de la Constitution de la RDC n’est plus la base exclusive de la compétence en matière d’appréciation de la constitutionnalité sur recours individuel direct en RDC. Qui arrêtera le gardien?

L’article 162 (2) de la Constitution de la RDC n’est plus la base exclusive de la compétence en matière

Vivement l’Etat de Droit, 63 ans après l’indépendance : La Cour Constitutionnelle et sa Compétence Résiduelle

Classiquement, l’ineffectivité du Droit renvoie à l’idée qu’il n’est pas appliqué par les autorités chargées de son contrôle et/ou par le juge compétent pour sanctionner les violations dont il fait l’objet. L’effectivité d’une norme repose, dès lors, soit sur la conformité des comportements suivis par ses destinataires ou par les autorités chargées de sa mise en œuvre, soit sur la sanction prononcée contre ceux qui ne respectent pas la règle.[1]

 

Ainsi, la justice est un acteur principal pour la réalisation du Droit voire de l’État de Droit, pour être précis. Pour ce faire, le juge doit être bien formé d'une part, et d’autre part, il doit véritablement être indépendant quand bien même l'institution à laquelle il appartient, ne le serait pas. Il lui faut donc du courage !

 

En effet, si l’on s’attache à dégager le sens et la portée des multiples textes et déclarations qui tendent à assurer la promotion de l’État de Droit, on constate alors qu’il ne s’agit pas seulement de la soumission de l’État, personne juridique spécifique, au Droit. L’État de Droit, dans cette acception, est réalisé lorsque ses organes sont soumis à des mécanismes de contrôle juridictionnel - relevant, dans le cas d’espèce, de la juridiction constitutionnelle-. À cet égard, l’instauration d’un contrôle de constitutionnalité des lois transforme l’État légal en État de Droit

Les compétences étant d’attribution par principe, la Constitution   en attribue à la Cour constitutionnelle, lesquelles compétences résultent des dispositions des articles 74, 76, 99, 128, 139, 145, 160, 161, 162, 163, 164, 167 alinéa 1er et 216 de la Constitution.

 

L’examen des dispositions constitutionnelles relatives aux compétences des Cours constitutionnelles africaines[2]montre que le contrôle de constitutionnalité s’insère dans un ensemble de compétences souvent très nombreuses dont les effets et les implications ne sont pas négligeables loin de là. Ces compétences sont complémentaires du contrôle de constitutionnalité et en favorisent l’exercice car, in fine, ce qui importe c’est la réalisation de l’État de Droit. La Cour constitutionnelle devient donc le principal contrôleur et de ce fait s’érige en organe régulateur de l’ensemble de la vie publique.[3]  

 

En vrai majordome de l’État de Droit, la Cour constitutionnelle congolaise s'est déclarée compétente dans plusieurs affaires en se fondant sur l'idéal d'un État de Droit et ce, en vertu de sa compétence résiduelle[4].

Toutefois, est-elle libre de le faire au gré des vagues ou vents comme cela semble être le cas en RDC ?

Questionnement pertinent car 63 ans après l’indépendance, le ciel congolais s’assombrit et de plus en plus l’on constate des poursuites annoncées à grand fracas, procès soigneusement médiatisés, exception d’inconstitutionnalité des lois présentée comme une exigence impérieuse répondant à l’attente de la société, (...) l’État de Droit se nourrit d’apparences et semble oublier la justice, son rempart, celle qui intéresse le citoyen quotidiennement confronté aux dysfonctionnements de l’ordre juridique.

Et aux citoyens lambda de s’écrier « Qui va alors garder les gardiens ? ». Car, la question la plus aiguë est celle des limites posées à l’intervention de la Cour constitutionnelle, surtout les limites à l’exercice de son pouvoir décisionnel qui s’affirmerait comme totalement discrétionnaire et insusceptible de contrôle… 

L’office du juge constitutionnel affecte ainsi l’État de Droit puisque pour qu’il y ait ordre juridique, il faut que sa décision soit prise sur la base d’une règle préalablement énoncée mais qu’également que les décisions de justice ne subissent pas de recours en inconstitutionnalité. Il en résulte donc ce que C.M. PIMENTEL qualifie d’un « État de jurisprudence », qui fait écho à l’« État de justice constitutionnelle ». [5]

 

 

Que Dieu nous en garde des pires !



[1] Leroy, Yann. « La notion d'effectivité du droit », Droit et société, vol. 79, no. 3, 2011, pp. 715-732.

[2] Guinée, le Bénin, la Cote d’Ivoire, le Mali, le Cameroun, le Togo, le Niger … 

 

[3] Lire à ce sujet, Marie-Madeleine MBORANTSUO, La contribution des cours constitutionnelles à l’État de droit en Afrique, Editions Economica, Paris 2007, p.XV. 

[4] A ce sujet, plusieurs cas peuvent être invoqués à ce stade dans lesquels la Cour Constitutionnelle s’est déjà fait une constante et abondante jurisprudence en cette matière lorsqu’elle décida sous R.Const.0038 du 28 août  2015 ;  R. Const.356 du  10 mars  2017, Cyprien LOMBOTO LOMBONGE contre  l’Assemblée provinciale de la Tshuapa ; R.Const. 469 du 26 mai 2017, Jean-Claude KAZEMBE MUSONDA contre  l’Assemblée provinciale du Haut-Katanga; R.Const. 516 du 02 février 2018 ; R.Const. 866 du 02 Août 2019 ; R.Const.1133 du 07 Février 2020, Jean BAMANISA contre l’Assemblée provinciale de l’Ituri, inédit ;  R.Const. 1242 du 17 juin 2020 ; R.Const. 1442 du 19Juin 2020, Jean Marc KABUND-A KABUND contre l’Assemblée Nationale, inédit ; R.Const. 1255 du 08 Janvier 2021, Louis Marie WALE LUFUNGULA contre l’Assemblée provinciale de la Tshopo, inédit ; que la Cour s'était déclarée compétente en se fondant sur l'idéal d'un État de droit proclamé au préambule de la Constitution du 18 février 2006, telle que révisée à ce jour et repris à son article 1er en ce que les cours et tribunaux, dont la Cour Constitutionnelle, sont les garants des droits fondamentaux (Art. 149 et 150 de la Constitution) ;  (…) qu’en tant que gardienne de la Constitution, elle est appelée à s’assurer du respect par les pouvoirs publics et les citoyens de ses dispositions, mais aussi à exercer un rôle de régulation de la vie politique.  Elle est, de ce fait, compétente pour connaitre d’un recours introduit par un citoyen qui s’estime lésé par une décision qui viole ses droits et libertés constitutionnellement garantis… 

 

 

[5] C.-M. Pimentel, « De l’Etat de droit à l’Etat de jurisprudence ? », in La séparation des pouvoirs. Théorie contestée et pratique renouvelée, A. Pariente (dir.), Paris, Dalloz, p. 12.

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