L’expertise médicale est le point crucial de la procédure d’indemnisation dans la mesure où elle va conditionner le montant des sommes qui seront allouées à la victime au titre de ses préjudices. En d’autres termes, toute séquelle ou toute incidence de celle-ci sur la vie de la victime qui n’aurait pas été évaluée lors de l’expertise ne sera pas indemnisée ou à minima.
On peut d’ores et déjà relever que la charge de la preuve repose sur la victime ; c’est donc à cette dernière de rapporter la preuve de ses séquelles ainsi que leur imputabilité à l’accident.
Cela serait chose aisée si la victime était médecin, avocat et qu’elle n’était pas expertisée pas un médecin conseil mandaté par la compagnie d’assurance qui doit l’indemniser… Ce dernier point révèle un véritable conflit d’intérêt au détriment des victimes ! En effet, ces médecins conseils sont formés par les assurances alors même que ces dernières appliquent des méthodes d’évaluation et des barèmes bien inférieurs à ceux appliqués par les tribunaux. Or, 98% des indemnisations se traitent en transaction sans l’intervention d’un conseil extérieur impartial. Le mot est lâché : l’impartialité n’a visiblement pas sa place en matière de réparation de dommages corporels.
En phase amiable tout d’abord par une expertise souvent bâclée : minimisation des heures de tierce personne, préjudice psychologique oublié, incidence professionnelle non évaluée …
Ainsi le cas d’une femme indiquant la persistance des douleurs aux lombaires pour se voir répondre « de rester assise pour éviter les douleurs » ou encore le cas de ce peintre en bâtiment victime d’une rupture de la coiffe à l’épaule droite ayant nécessité une opération mais dont le médecin conseil n’a pas jugé bon de retenir une incidence professionnelle. D’ici un an, cet homme ne pourra probablement plus exercer son métier.
De plus, il existe une dépendance forte entre les assurances et ces médecins conseils tant dans la formation où ils sont invités à minimiser systématiquement les préjudices que sur un plan financier, les assurances représentant la majorité de leur clientèle.
Il est donc nécessaire pour la victime de se faire assister lors de l’expertise au risque de devoir solliciter une expertise judiciaire.
Hélas, là où l’on pourrait s’attendre à être expertisé par un médecin expert judiciaire et donc impartial, il s’avère que ces derniers travaillent tout au long de l’année pour … des compagnies d’assurances, parfois celle-là même partie adverse à l’instance !
Il existe au niveau des tribunaux une véritable banalisation de la pratique dans la mesure où les juges en ont une parfaite connaissance mais n’en discernent pas toujours les implications. Cela s’explique en grande partie par leur ignorance des règles d’évaluation des dommages corporels déléguant cette fonction au médecin expert en omettant dans le même temps leur rôle d’appréciation souveraine des faits et leur fonction de juger. Ils deviennent alors des calculatrices se bornant à chiffrer les préjudices retenus par l’expert en appliquant des barèmes pré établis.
Cette situation s’explique également par le manque d’informations réclamées par les Cours d’appel lors des demandes d’inscription sur les listes d’experts judiciaires. En effet, il s’avère que certains questionnaires ne demandent que le nom des compagnies d’assurances avec qui l’expert collaborent sans en spécifier le cadre et l’étendue. Pourtant, l’article 105 du code de déontologie (article R4127-106 code de la santé publique) dispose qu’un « médecin ne doit pas accepter une mission d’expertise dans laquelle sont en jeu ses propres intérêts, ceux d’un patient […] ou d’un groupement qui fait habituellement appel à ses services ».