Un Huissier de Justice exerce rarement son activité seul dans son étude. Il délègue un certain nombre de ses tâches à ses clercs. Parmi ces derniers, le clerc assermenté. Cette profession n'existait pas jusqu'au lendemain de la Grande guerre lorsqu'il a fallu trouver une solution pour remplacer les huissiers de justice blessés. Le clerc assermenté fait alors son apparition avec une loi du 27 décembre 1923.
Ce clerc va pouvoir s'adonner à certaines des activités qui étaient jusqu'alors dévolues exclusivement à l'Huissier de Justice. Et encore aujourd'hui, alors que le texte n'a fait l'objet d'aucun remaniement récent, la Cour de cassation doit souvent se prononcer sur le fait de savoir si tel ou tel acte peut être signifié par un clerc ou obligatoirement par un huissier de justice.
Pour rappel, la loi précitée dispose que "les procès-verbaux [...] d'exécution [...] resteront de la compétence exclusive des huissiers". Les clercs quant à eux pourront intervenir pour tous les autres actes judiciaires et extrajudiciaires. La distinction semble aisée.
En l'espèce, la contestation porte sur un commandement de payer avant saisie vente. Cet acte, devenu très anodin dans les études d'huissier de justice, est le dernier avertissement avant la saisie du mobilier. Mais il sert aussi le plus souvent et surtout à prendre contact avec le destinataire. La signification de cet acte en tout état de cause n'emporte aucune aliénation des biens du saisi et n'aggrave pas sa situation. Il ne saurait donc constituer un acte d'exécution.
Le demandeur au pourvoi a cependant tenté de faire annuler cet acte, signifié par un clerc assermenté, au motif qu'il s'agit d'un acte engageant la procédure d'exécution forcée.
La deuxième chambre civile rejette le pourvoi en rappelant le principe et le critère de la nature de l'acte, à savoir l'acte d'exécution.
Il est tout de même regrettable que la Cour ait eu à se prononcer sur un commandement de payer, avertissement ultime avant l'exécution forcée alors que tant d'autres actes peuvent être litigieux.
L'acte de saisie conservatoire par exemple n'est pas moins complexe qu'un acte de saisie "classique" qui doit être dressé par un huissier de justice. Et pourtant, une saisie conservatoire n'est pas un acte d'exécution qui devrait par définition pouvoir être signifié par un clerc assermenté.
Que dire également de certains professionnels qui ne s'embarassent pas d'une telle distinction en permettant à leurs clercs (souvent même non assermentés), de signifier ou dresser absolument tous les actes (des saisies de comptes bancaires aux saisies de meubles en passant par les constats). Ignorant dans le même temps les risques d'inscription de faux, de faux en écritures publiques, etc.
Arrêt n° 762 du 13 mai 2015 (14-12.089) - Cour de cassation - Deuxième chambre civile