Article créé le 23/11/13.
Il existe une très abondante jurisprudence en matière d'absence d'identification du conducteur d'une automobile ou d'une moto au cas de contrôle de la vitesse sans interception dudit conducteur.
Le Ministère Public ayant la charge de la preuve et la personne poursuivie contestant avoir été aux manettes de son véhicule au moment du contrôle et n'ayant pas l'obligation de dénoncer le véritable conducteur, elle a de fortes chances d'être relaxée du chef des poursuites.
En revanche, comme j'ai déjà eu l'occasion de l'évoquer, le titulaire de la carte grise devra acquitter le montant de l'amende, conformément à l'article L121-2 du code de la route, mais personne ne verra son permis suspendu ou amputé de quelconques points, ce qui reste souvent l'essentiel pour l'automobiliste.
Quand, en outre, la personne poursuivie, démontre, témoignages à l'appui, qu'elle ne conduisait pas le véhicule incriminé au moment des faits, alors ses chances de relaxe sont d'autant plus accrues.
C'est normalement ce qui aurait dû se passer pour ce motocycliste « flashé » à 228 km/h sur une route départementale dont la vitesse était limitée à 110 km/h (ce qui ne constitue pas, en France, une limitation de vitesse classique pour une départementale) dans une affaire appelée le 6 novembre 2013 devant la Cour de Cassation, en sa formation criminelle.
Sur le cliché pris par le radar, on pouvait distinguer une moto de couleur noire, son numéro d'immatriculation, et la tenue du conducteur, casque blanc, veste noire, d'un pantalon bleue et baskets de couleur blanche.
Munis de l'immatriculation de la moto, les gendarmes se rendent au domicile de son propriétaire, apparemment un hôtel dont il était gérant, et y constatent la présence de la moto impliquée.
Le propriétaire, M.X., se présente et il est vêtu « d'un teeshirt noir, d'un jean bleu et d'une paire de chaussures de type basket de couleur blanche avec un sigle N... » (le logo à la virgule).
Telle une révélation, les gendarmes s'aperçoivent que « M. X...correspondait d'un point de vue vestimentaire à l'auteur de l'excès de vitesse ».
Concédons au passage que cette description vestimentaire peut, sans difficulté, correspondre à celle de plusieurs millions de personnes, hommes et femmes, en France, voire de centaines de millions dans le monde.
Le propriétaire avait donc encore toutes ses chances d'éviter la condamnation pour grand excès de vitesse.
Pour sa défense, M.X :
-niait avoir été le conducteur de la moto au moment des faits,
-faisait observer que l'identification du conducteur par la photo était impossible
-produisait l'attestation d'une personne, Mme Z., indiquant qu'elle était en sa compagnie au moment des faits.
Il invoquait donc l'absence de preuve de sa commission de l'infraction par le Ministère Public et le bénéfice du doute.
Alors, que s'est-il passé pour que ni le tribunal, ni la cour d'appel, ni la Cour de cassation n'ait suivi ses moyens de défense et n'aient prononcé sa relaxe ?
La Cour d'appel a statué ainsi, par des motifs repris par la Cour de cassation :
« il résulte des débats que la description du prévenu par les forces de Gendarmerie concorde en tout point avec la photographie ; que l'attestation fournie au dossier n'a pas suffisamment de force probante pour mettre à néant les constatations du procès-verbal qui font foi et ne pourra donc qu'être écartée du fait notamment de la relation commerciale existante entre le prévenu et Mme Z...; qu'il n'existe, dès lors, aucune difficulté quant à l'identification du conducteur du véhicule comme étant M. X ».
On sait, et j'en ai déjà parlé également, que les attestations écrites ne sont pas nécessairement accueillies de manière favorable, efficace et probante, face à un procès-verbal qui fait ont foi jusqu'à preuve contraire, celle-ci ne pouvant être rapportée que par écrit ou par témoin et ces preuves étant admises de manière très restrictive par la Cour de cassation.
Dans cette espèce, l'attestation produite a été considérée comme étant de pure complaisance, Madame Z. étant a priori une cliente de M.Z.
La tenue vestimentaire a été considérée comme étant la même que sur le cliché (sauf qu'on ne voit pas comment un tee-shirt pourrait être confondu avec une veste...).
Mais un élément qui semble avoir influencé les Juges, s'ajoutant à ce faisceau d'indices, a été consigné dans le procès-verbal :
« Sur question des gendarmes de savoir si le prévenu venait de prendre sa motocyclette, il a d'abord acquiescé d'un signe de tête, avant de contester l'infraction ».
Or, toujours selon le principe que procès-verbal fait ont foi jusqu'à preuve contraire, ce qui le rend difficilement attaquable, un peu comme le dicton « ce qui est écrit est écrit », comment contester valablement la constatation de l'agent selon laquelle la personne entendue aurait « acquiescé d'un signe de tête » ?
Alors un conseil, sans être un expert de la synergologie, si vous êtes interrogé dans le cadre d'un procès-verbal, méfiez-vous de votre langage corporel !