Épouvantail de la réquisition citoyenne
Dans un arrêt du 12 décembre 2017, la Cour administrative d’appel (CAA) de Bordeaux (2ème chambre) (arrêt 15BX01291) a rendu une décision utile dans le contexte actuel d’élections HLM.
Les représentants des locataires au conseil d’administration d’un organisme public d’HLM (OPHLM) à Toulouse devaient être élus en décembre 2014.
Une association a présenté une liste de candidats.
L’OPHLM a rejeté cette liste, car l’association en question indiquait dans sa charte pouvoir pratiquer « l’occupation, le campement et la réquisition citoyenne ».
L’association a saisi le Tribunal administratif qui lui a donné raison dans un jugement du 19 mars 2015.
Cette décision a été confirmée par la CAA de Bordeaux.
Objet compatible
Selon l’OPHLM, les pratiques de l’association auraient été incompatibles avec le rôle et les missions d’un bailleur social.
Or, l’article L. 411 du Code de la Construction et de l’Habitation dispose : « La construction, l'aménagement, l'attribution et la gestion des logements locatifs sociaux visent à améliorer les conditions d'habitat des personnes de ressources modestes ou défavorisées. Ces opérations participent à la mise en oeuvre du droit au logement et contribuent à la nécessaire mixité sociale des villes et des quartiers. »
La CAA de Bordeaux a néanmoins noté que l’association dont la liste avait été refusée a pour objet, selon ses statuts, « d'unir et organiser les associations et comités adhérents de la fédération et leurs membres, dans le cadre de la défense du droit au logement des familles et personnes locataires ou non, confrontées à des difficultés économiques(...) de les représenter auprès des instances et institutions politiques, sociales, administratives (...) faire appliquer un droit au logement pour toutes et tous, accessible, décent, choisi (...) améliorer les conditions de vie et d'habitat des familles et personnes démunies ».
Selon la CAA de Bordeaux, cet objet et la mission du logement social sont compatibles. L’OPHLM ne pouvait donc pas, de lui-même, refuser une liste parce qu’il n’aimait pas les idées portées par l’association en question.
Il faut ajouter que la réquisition demandée par des citoyens est parfaitement licite et qu’elle peut être accordée par le préfet. Quant un bien possédé par une personne morale est vacant depuis 18 mois dans une zone tendue au plan du logement, le préfet peut attribuer le bien pour 1 à 6 ans à une structure qui ensuite loue le bien à des personnes défavorisées (art. L. 642-1 du Code de la Construction et de l’Habitation).
On voit mal en quoi demander l’application d’un texte de loi serait illicite.
Des règles désormais précises
Aussi, désormais, les OPHLM savent qu’ils ne peuvent pas rejeter une liste de candidats dont les idées ne lui plaisent pas.
Le législateur a d’ailleurs évité toute ambiguïté en soulignant que peuvent se présenter aux élections HLM les associations affiliées aux organisations siégeant à la Commission Nationale de la Concertation Locative (CNCL), au Conseil National de l’Habitat (CNH) ou au Conseil National de la Consommation (CNC) (Loi n° 2017-86 du 27 janv. 2017, art. 93).
L’association qui a gagné devant la CAA de Bordeaux siège au CNH. Aucun OPHLM ne peut plus refuser une liste présentée par cette association puisque sa nomination au CNH n’a pas été contestée.
Un mécanisme inclusif
Une association de locataires indépendants a pu s’en plaindre et obtenir d’une sénatrice qu’elle pose des questions au gouvernement à ce sujet (Question 09757 de Mme ESTROSI-SASSONE, JO Sénat 4 avr. 2019, p. 1792, réponse JO Sénat 22 août 2019, p. 4342).
Avec raison, le gouvernement a répondu que l’association en question était affiliée à Familles de France qui siège au Conseil National de la Consommation (JO Sénat, 12 août 2021, p. 4963). Elle pouvait donc présenter des candidats.
Notons l’extrême diversité des structures siégeant au CNH, au CNC ou à la CNCL. Les idées vont de la défense intransigeante de la propriété individuelle à l’appel le plus ferme aux droits des exclus puisque peuvent présenter des listes l’UNPI, Familles Rurales, Familles de France, la CGC, la CFTC, la CFDT, l’AFOC, l’UFC Que Choisir, la CLCV, l’ADEIC, la CGL, la CSF, la CNL, la CGT, le DAL ou ATD Quart Monde. Ce système est donc très inclusif puisqu’aucun sympathisant d’une mouvance représentée au Parlement n'est empêché de se présenter en s’affiliant à l’une de ces organisations. Il faut juste rester indépendant des partis politiques.