Définition européenne du lanceur d’alerte
Selon la directive de l’UE du 23 octobre 2019, la protection des lanceurs d’alerte est devenue indispensable.
Dans son point 1, cette directive explique, en effet :
« Les personnes qui travaillent pour une organisation publique ou privée ou qui sont en contact avec une telle organisation dans le cadre de leurs activités professionnelles sont souvent les premières informées des menaces ou des atteintes à l’intérêt public qui surviennent dans ce contexte. En signalant des violations du droit de l’Union qui portent atteinte à l’intérêt public, ces personnes agissent en tant que ‘‘lanceurs d’alerte’’ et jouent ainsi un rôle clé dans la révélation et la prévention de ces violations et dans la préservation du bien-être de la société. Cependant, les lanceurs d’alerte potentiels sont souvent dissuadés de signaler leurs inquiétudes ou leurs soupçons par crainte de représailles. ».
La définition du lanceur d’alerte induite par la directive repose donc sur quatre points :
1/ Être en lien économique avec une organisation publique ou privée ou travailler pour elle.
2/ Avoir obtenu des informations dans un cadre professionnel (que ce soit en tant que salarié, travailleur indépendant ou actionnaire).
3/ Signaler une violation du droit de l’Union
4/ La violation signalée doit porter atteinte à l’intérêt public
Définition française plus large
Selon la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 (art. 1) ayant modifié la loi 2016-1691 du 9 décembre 2016 (art. 6-1) (relative à la lutte contre la corruption) :
« Un lanceur d'alerte est une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l'intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d'une violation d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, du droit de l'Union européenne, de la loi ou du règlement. ».
Les conditions sont plus souples que celles du droit de l’Union Européenne.
Le lanceur d’alerte :
1/ Est une personne physique
2/ Est de bonne foi
3/ Signale une infraction ou un acte préjudiciant à l’intérêt général ou aux engagements internationaux de la France
4/ Ne perçoit pas de contrepartie financière directe pour ce signalement
Concernant l’activité professionnelle, la loi française cite explicitement le cocontractant ou le client d’une entreprise.
Publicité ou non de l’information signalée
Dans tous les cas, la directive du 23 octobre 2019 s’applique à tous les lanceurs d’alerte reconnus par le droit français (art. 1 point 3 de la loi du 21 mars 2022).
Or, la directive n’exige pas que l’information sur laquelle se fonde le lanceur d’alerte soit secrète.
Un document malveillant qui a été publié discrètement peut faire l’objet d’un signalement pour que le grand public soit avisé. Celui qui opère ce signalement est un lanceur d’alerte lorsqu’il avait un lien économique avec l’éditeur ou l’auteur initial.
La colère de l’éditeur ou de l’auteur initial lorsque leur action est révélée montre que le lanceur d’alerte était fondé à opérer son signalement.
De la même manière, la directive n’exige pas que le lanceur d’alerte donne son nom lorsque le signalement est opéré.
Le lanceur d’alerte bénéficie d’une protection s’il subit des représailles après que l’auteur de la violation signalée ait reconnu ses actes (article 6 point 3 de la directive).
Protection du consommateur et pressions économiques
Selon le point 13 de cette directive du 23 octobre 2019 :
« Les signalements de violations effectués par les lanceurs d’alerte peuvent être essentiels pour détecter et prévenir, réduire ou éliminer les risques pour la santé publique et la protection des consommateurs résultant de violations des règles de l’Union, qui pourraient autrement rester cachées. »
La semaine dernière, le présent blog a rappelé combien les associations de protection des consommateurs participent d’une mission de service public (trafic d’influence et paralysie du débat immobilier).
Toute pression économique sur ces structures est donc à éviter, notamment concernant la promesse d’embauche de salariés de ces associations ou les avantages économiques aux membres de ces associations pour les faire taire. Dans le cas contraire, on peut craindre un trafic d’influence réprimé par les articles 432-11 et 433-1 du Code Pénal.
La protection des lanceurs d’alerte ajoute au trafic d’influence une faute pénale et une faute civile.
Celui qui tente de museler un lanceur d’alerte en l’empêchant de prévenir les autorités hiérarchiques internes à l’entreprise fautive et, éventuellement, les autorités ordinales, judiciaires ou administratives compétentes, risque un an de prison et 15 000 € d’amende.
L’amende civile prévue en cas de procédure pénale injustifiée et punitive est alourdie lorsqu’un lanceur d’alerte est attaqué (art. 13 II de la loi du 9 déc. 2016).
Charge de la preuve de la mauvaise foi
Le bénévole, donc non rétribué, opérant au sein d’une association de défense des consommateurs ou d’habitants, est toujours un lanceur d’alerte selon le droit français lorsqu’il signale un agissement dans le cadre de cette activité, sauf mauvaise foi prouvée.
Ce n’est pas à l’auteur du signalement de prouver sa bonne foi.
C’est à la personne dont les agissements ont été signalés de démontrer la mauvaise foi qui supprimerait le statut de lanceur d’alerte, et c’est très difficile ! Le mis en cause dans le signalement doit démontrer que celui qui signale les faits savait qu’ils étaient faux.
Un employeur avait ainsi licencié une lanceuse d’alerte qui avait signalé à l’inspectrice du travail des faits d’agression sexuelle sur des enfants commis dans une unité éducative. L’employeur a prétendu que la lanceuse d’alerte était de mauvaise foi car la Justice avait finalement considéré les faits comme non établis. La lanceuse d’alerte s’étant basée sur des documents internes dont elle n’avait pas les moyens de douter de la véracité, elle était de bonne foi et ne pouvait donc pas être licenciée. En effet, « il n'était pas démontré qu'elle savait que les faits qu'elle dénonçait étaient faux » (Cass. soc., 15 févr. 2023, n° 21-20.342, qui sera publié).
Cette jurisprudence vaut aussi pour les militants du DAL, y compris ceux qui participent à l’élaboration du présent blog, dont les articles préfigurent un rapport qui sera remis au conseil national de l’habitat.
Toute pression économique contre un militant du DAL pour tenter de changer le contenu du présent blog lorsqu’il évoque des faits préjudiciables à l’intérêt général constitue donc une faute pénale répréhensible au titre de l’article 13 II de la loi du 9 décembre 2016 modifiée.
Ajoutons que tout professionnel de l’immobilier qui se livrerait à de tels agissements y ajouterait une faute civile spécifique liée à sa déontologie.
Discrimination des lanceurs d’alerte et déontologie
Suite au décret 2015-1090 du 28 août 2015, un code de déontologie des professionnels de l’immobilier a été promulgué.
Dans l’article 3 alinéa 2 point 1° de ce code, on lit que les professionnels de l’immobilier s’obligent à :
« ne commettre aucune des discriminations mentionnées à l’article 225-1 du code pénal, tant à l'égard des personnes physiques que des personnes morales ».
L’article 225-1 du Code Pénal dispose, dans son alinéa 1 :
« Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur perte d'autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur qualité de lanceur d'alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d'alerte au sens, respectivement, du I de l'article 6 et des 1° et 2° de l’article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, de leur capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée. »
Les lanceurs d’alerte sont donc explicitement cités.
Professionnels de l’immobilier, attention aux paroles vindicatives contre les adhérents des associations de défense de consommateurs et d’habitants, en particulier lorsque ces dernières signalent des faits qui vous dérangent (notamment concernant des abus commerciaux, des paroles discriminatoires ou des problèmes de décence dans des immeubles) !
Quant aux représailles de nature économique, elles sont encore plus dangereuses pour vous, au vu des sanctions que vous encourrez… Tenez-le pour dit !