Motif légitime et sérieux du congé pour reprise

Publié le Modifié le 01/03/2023 Vu 3 177 fois 0
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L’article 15 I de la loi du 6 juillet 1989 permet au bailleur d’un logement de reprendre ce bien pour lui ou l’un de ses proches. Le motif de reprise doit être légitime et sérieux. Des arrêts montrent une certaine tolérance sur ce point.

L’article 15 I de la loi du 6 juillet 1989 permet au bailleur d’un logement de reprendre ce bien pour lui

Motif légitime et sérieux du congé pour reprise

 

Carte scolaire

Des parents de deux enfants habitant en Seine-Saint-Denis se sont inquiétés de la qualité des établissements d’enseignement dans leur département. Aussi, ils ont donné congé à leur locataire dans un logement de 28 m2 qu’ils possédaient à Paris.

Ce congé était émis sur le fondement de l’article 15 I de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 permettant au bailleur de reprendre le logement pour lui-même ou pour une personne avec laquelle il est lié (ascendants, descendants, conjoint ou compagnon, ascendants ou descendants du conjoint ou compagnon).

Le locataire a protesté, en remarquant que le logement était trop petit pour une famille de 4 personnes. Il a aussi remarqué que les considérations sur la qualité des établissements scolaires de Seine-Saint-Denis étaient discriminatoires.

Pourtant, la Cour d’appel de Paris a validé de congé (arrêt du 21 juin 2022, n° 19/19149, AJDI, nov. 2022, p. 756, obs. Sylvaine PORCHERON). Les magistrats ont considéré qu’ils n’avaient pas à jugé de la qualité des établissements d’enseignement mais que les parents étaient libres de choisir le lieu de scolarité de leurs enfants, y compris en faisant des sacrifices au plan de leur confort.

 

Enfant majeur

Dans le même esprit, une bailleresse avait un fils de 26 ans titulaire d’un master qui avait des revenus modérés. Elle a donné congé au locataire pour pouvoir fournir le logement à son fils à un loyer inférieur à celui du marché.

La propriétaire ne détenait que son propre logement ainsi que l’habitation mise en location. Les magistrats ont estimé que le motif de reprise était donc légitime et sérieux (Cour d’appel de Paris, 21 juin 2022, n° 19/17282, AJDI, nov. 2022, p. 755, obs. Sylvaine PORCHERON).

Cette décision se situe dans le sillage d’un autre arrêt (Cour d’appel de Paris, Pôle 4, ch. 3, 13 nov. 2020, n° 18/04373). Un bailleur avait exercé son droit de reprise sur un bien situé à Paris au bénéfice de son fils faisant des études à Montpellier. Le locataire prétendait que le logement était devenu un simple pied-à-terre. Le congé avait été validé car le fils prouvait qu’il accomplissait des missions d’intérim sur Paris.

Dans une affaire plus ancienne, des magistrats avaient même été encore plus indulgents.

La Cour d’appel de Lyon, dans un arrêt du 8 févr. 2011 (n° 09/05365) avait validé un congé délivré par une bailleresse voulant loger son fils à proximité d’établissements scolaires dans lesquels il était inscrit, même si, finalement, il n’a pas suivi les études projetées. Au moment du congé, le motif était sérieux et légitime.

 

Liberté de choix

Tout ceci est le corollaire de l’alourdissement des obligations pesant sur les propriétaires de biens loués. L’attractivité du congé pour reprise augmente. Les contentieux sont très nombreux et les propriétaires, sauf particulière maladresse ou extrême mauvaise foi, l’emportent quasiment toujours.

En effet, la charge de la preuve d’une éventuelle fraude pèse sur le locataire. Un logement dégradé sur lequel le propriétaire a émis un congé pour reprise n’a pas à être occupé immédiatement, puisque des travaux de réhabilitations sont nécessaires. Le propriétaire est libre du choix des entreprises et de leurs délais d’intervention. Un congé de reprise a donc été validé dans de telles circonstances malgré l’inoccupation du logement le temps des travaux (Cour d’appel de Paris, 11 sept. 2020, n° 18/04012).

De la même manière un propriétaire a fait délivrer un congé pour reprise au motif que son propre logement était trop grand pour ses propres besoins et qu’il préférait aller vivre dans le logement loué, plus petit. Le congé a été validé, le propriétaire étant libre de choisir librement le bien où il souhaitait résider tout en faisant des économies. Le souhait d’occuper un logement plus adapté à sa propre situation est donc un motif légitime et sérieux (Cour d’appel de Paris, Pôle 4, ch. 3, 21 avr. 2022, n° 19/18002).

 

Forme du congé

Dès lors, pour les locataires, la meilleure manière de se défendre est de vérifier avec attention le respect des exigences procédurales pesant sur le bailleur.

Notons que, selon l’alinéa 10 de l’article 15 I de la loi du 6 juillet 1989, « le congé doit être notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, signifié par acte d'huissier ou remis en main propre contre récépissé ou émargement. Ce délai court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée, de la signification de l'acte d'huissier ou de la remise en main propre. »

En cas de lettre recommandée, la réception doit être personnelle. Si l’accusé de réception n’a pas été signé personnellement par le locataire, le congé est donc nul (Cour d’appel de Nancy, ch. civ. 2, 15 avr. 2021, n° 20/01685. C'est l’arme fatale du locataire !

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