Le monopole des fédérations délégataires et les titres réglementés
Pour chaque discipline sportive, une seule Fédération reçoit la délégation ministérielle pour la durée d’une Olympiade (article L131-14 du Code du Sport). En revanche plusieurs fédérations simplement agrées peuvent coexister avec la fédération délégataire.
Cela n’est pas sans causer des problèmes d’articulation entre les prérogatives des unes et des autres.
I. Les fondements législatifs et réglementaires
Les prérogatives des fédérations délégataires sont visées aux articles L131-15 et suivants.
Il résulte de l’article L131-15 CS que « les fédérations délégataires :
1/ organisent les compétitions sportives à l’issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux et départementaux ;
2/ procèdent aux sélections correspondantes ».
Les articles L131-17 et L131-18 CS viennent préciser le monopole des fédérations délégataires en prévoyant que :
« A l’exception des fédérations sportives agréées à la date du 16 juillet 1992, seules les fédérations sportives délégataires peuvent utiliser l’appellation « Fédération française de » ou « Fédération Nationale de » ainsi que décerner ou faire décerner celle d « ’Equipe de France » et de « Champion de France de », suivie du nom d’une ou plusieurs disciplines sportives et la faire figurer dans leurs statuts, contrats, documents ou publicités.
Le fait pour le Président, l’administrateur ou le directeur de toute personne morale d’utiliser ces appellations en violation des dispositions du premier alinéa est puni d’une peine d’amende de 7.500€ » (L131-17)
« le fait d’organiser, sans être détenteur de la délégation prévue à l’article L131-14, des compétitions à l’issue desquelles est décerné un titre de champion international, national, régional ou départemental ou un titre susceptible de créer une confusion avec l’un de ces titres en infraction aux dispositions de l’article L131-17 est puni d’une peine d’amende de 7.500€.
Toutefois, les fédérations sportives agréées peuvent délivrer des titres de champion national ou fédéral et des titres régionaux ou départementaux en faisant suivre ces titres de la mention de la Fédération. La liste des titres visés au présent alinéa est fixé par Décret en Conseil d’Etat ». (L131-18)
L’ensemble des dispositions réglementaires fixant le cadre de l’exception prévue à l’article L131-18 al 2 figure aux articles R131-13 et suivants du Code du Sport.
Article R131-13
« Les fédérations agréées en application de l'article L. 131-8 peuvent délivrer les titres suivants :
1° " Champion national de " ou " Champion fédéral de " suivi du nom de la fédération et de celui de la discipline ;
2° " Champion régional de " suivi du nom de la fédération, de celui de la discipline et de celui de la région ;
3° " Champion départemental de " suivi du nom de la fédération, de celui de la discipline et de celui du département.
L'ordre des mentions est déterminé par la fédération »
Les conditions de présentation sur les affiches sont relativement strictes (pour la typographique voir article R131-14 CS), par exemple, le nom de la fédération ne doit pas être moins lisible que celui du titre délivré et il faut obligatoirement et préalablement informer la fédération délégataire de l’intention de précéder à l’issue de la compétition à la délivrance d’un titre mentionné à l’article R131-13 et indiquer le libellé exact.
II. La délivrance des titres : un quasi-monopole des fédérations délégataires
Il ressort des textes susmentionnés que la Fédération délégataire dispose d’un monopole relativement large.
Dans l’optique de mieux gérer le sport en France, et avec plus de transparence, le législateur a considéré que seule la fédération délégataire de la discipline pouvait organiser les compétitions à l’issue desquelles sont décernés les titres internationaux, nationaux, régionaux et départementaux.
Afin d’éviter les confusions et que d’autres fédérations ne se fassent passer pour la fédération légitime, reconnue par l’Etat, le Législateur a expressément réservé certaines dénominations pour la Fédération délégataire.
La Loi interdit l’organisation de compétitions à l’issue desquels sont décernés les titres internationaux, nationaux, régionaux et départementaux. Passer outre cette interdiction en décernant un tel titre est pénalement sanctionné d’une amende de 7.500€.
Ce qui est intéressant à remarquer c’est que ce ne sont pas seulement les titres de champion de France de etc. qui sont interdits mais tous les titres susceptibles de créer la confusion avec les titres qui ne peuvent être décernés que par la fédération délégataire.
La question est donc celle de savoir ce que recouvre la notion de titre réglementé. Concrètement quels sont les dénominations susceptibles d’entrainer la confusion ?
A défaut de jurisprudence clairement établie en la matière, deux instructions ministérielles & adressées aux préfets de région et préfets départementaux ont retenu une acceptation très large.
En effet, alors que le principe d’interprétation stricte de la loi pénale aurait laissé présager une appréciation stricte des titres interdits, le Ministre a rappelé que : « la notion de confusion s'apprécie notamment lorsqu'il est délivré un titre quel qu'il soit, qui associe un niveau territorial à une discipline (exemple : ceinture mondiale, titre mondial, niveau européen, coupe de France, championnat de Bretagne, trophée d'Ile-de-France,…). ».
Le Ministre a appelé les Préfets à la plus grande vigilance en relevant que sous des manifestations aux intitulés neutres type gala international il arrivé fréquemment que ceux-ci changent pour devenir des championnats du monde. Il leur a demandé d’interdire ces manifestations et / ou d’engager les poursuites.
Ainsi, seraient par exemple interdits :
- Les galas internationaux à l’issue desquels seraient attribuées des ceintures européennes ;
- Les manifestations intitulées Championnat d’Europe
- Coupe nationale
- Championnat du monde
- Finaliste mondial
- Ceinture mondiale etc.
Toutefois, l’analyse fait également ressortir une exception à ce principe qui concerne les fédérations agréées.
Les fédérations agréées peuvent, par exception, organiser des compétitions à l’issue desquels certains titres limitativement énumérés seront décernés. L’appellation doit rigoureusement respecter le cadre législatif et réglementaire et, surtout, il faut absolument en informer la fédération délégataire de cette discipline. Il s’agit des titres de champion national, fédéral, régional ou départemental.
En revanche, il s’agit d’une exception d’interprétation stricte. Les fédérations non délégataires et non agréées ne peuvent organiser que des compétitions type « soirée », « gala ».
En conclusion : il faut distinguer les fédérations délégataires - qui disposent d’un monopole très étendu et protégé par des incriminations pénales – des fédérations agréées – qui peuvent à titre exceptionnel délivrer certains titres nationaux, régionaux ou départementaux après en avoir informé la fédération délégataire – et des simples fédérations non reconnues par l’état – qui ne peuvent organiser que des petits galas ou petites soirées dédiées.
III. Le cas particulier des titres mondiaux
Il peut arriver qu’une fédération internationale organise des titres internationaux, des mondiaux. Certaines fédérations simplement agréées peuvent adhérer à ces fédérations internationales et se prévaloir des titres internationaux décernés à ses licenciés. Que se passerait-il ?
La jurisprudence a déjà eu l’occasion de se prononcer . Elle a décidé qu’une fédération ne peut à bon droit faire publier dans une revue une annonce publicitaire faisant état de titres de champion du monde acquis à la suite de compétition se déroulant à l’étranger, dès lors que la fédération délégataire de la discipline qui, conformément à l’article L131-15 CS, a seule le pouvoir de sélectionner les sportifs admis à se présenter aux épreuves à l’issue desquelles sont décernés les titre de champion du monde, n’est pas intervenue dans le choix des participants.
La Cour de cassation a ainsi validé la décision de faire interdire ces publications.
Ainsi, une fédération non délégataire ne peut pas faire état d’un titre de champion du monde décerné à l’étranger si la fédération délégataire n’a pas participé à la sélection des candidats admis à concourir. Cela résulte du monopole des fédérations délégataires pour sélectionner les athlètes admis à participer aux compétitions décernant des titres internationaux.
Laura Nowak
Juriste en droit du sport
Sous la direction de Redouane Mahrach
Avocat en droit du sport
Cabinet RMS Avocats