L'Union Européenne veut toujours la Turquie, mais la Turquie veut du respect!
Le long processus d'adhésion de la Turquie à l'Union Européenne, qui pourrait prendre encore une décennie voir plus, a pris un nouveau pas de chaque coté. Si l'UE croit toujours en cette adhésion, la Turquie rappelle que les pays européens avec des résidents d'origine turque devraient respecter leur identité et assurer leurs droits au travail tout comme dans la société. La Commission Européenne, tout comme la présente et la future présidence de l'UE, a réitéré son soutien à l'entrée de la Turquie dans l'UE, malgré la résistance de la France et de l'Allemagne. Et cela, même si la Turquie déclare qu'elle n'ouvrira pas ses aéroports et ses ports à Chypre, pourtant membre actuel de l'UE.
Le Commissaire européen à l'élargissement, le finlandais Olli Rehn, après des discussions à Bruxelles avec le ministre turque des affaires étrangères Ahmet Davutoglu, a déclaré que la Commission européenne donnait son accord au processus d'adhésion de la Turquie sur la base du cadre de négociation adopté par tous les États membres de l'UE et la Turquie en octobre 2005. Concédant que la Turquie faisait face à un long et difficile parcours, le Commissaire a souligné que l'adhésion turque est dans l'intérêt exprès de l'UE.
Ces commentaires ont été suivis par la présidence tchèque et son successeur suédois, Carl Bildt, qui a déclaré qu'ils continueront de travailler sur le programme débuté sous la présidence de la France, et poursuivit par celle de la République Tchèque, soulignant que les discussions de paix avec Chypre étaient la question la plus importante cette année.
Les commentaires à Bruxelles sont arrivés immédiatement après que les leaders français et allemands aient questionnés la question de l'adhésion de la Turquie dans l'UE. Pendant un meeting avec les jeunes leaders politiques, la Chancelière allemande Angela Merkel a déclaré que permettre l'adhésion d'un pays de plus de 70 millions d'habitants dans l'UE risquait de rendre l'union inopérante. Le Président français Nicolas Sarkozy a quant à lui déclaré au journal allemand Bild ce samedi que nous avions besoin d'une Europe bien organisée, signifiant qu'il ne fallait pas s'étendre en dehors de nos frontières actuelles, ni faire de promesses inutiles à la Turquie.
Jusqu'à présent, l'adhésion turque a progressé de manière chaotique, avec soit-disant dix chapitres de négociations sur trente-cinq qui auraient été ouverts. Néanmoins, la présidence tchèque a déclaré qu'elle espérait qu'un nouveau chapitre sur la politique de taxation turque en accord avec celle de l'UE pourrait être ouvert avant la fin de juin, soit juste avant la fin de son mandat.
Monsieur Davutoglu, en visite à Bruxelles pour la première fois depuis sa nomination au ministère des affaires étrangères Turque, a déclaré que personne ne devrait continuer à se questionner sur les avantages et désavantages de l'adhésion de son pays. Il a rajouté que l'entrée de la Turquie dans l'Europe aiderait à améliorer la question de la sécurité énergétique, citant l'exemple de la construction du pipeline de Nabucco destiné à amener du gaz en provenance de la mer Caspienne a travers la Turquie vers l'Europe, dont il soutient activement la réalisation. L'UE dépend actuellement de la Russie pour sa provision de gaz.
Dans une déclaration donnée à la fin de la réunion, les responsables européens ont souligné que la Turquie avait toujours besoin de faire plus, incluant dans les domaines de la réforme judiciaire la protection des minorités, la liberté d'expression et le droit des femmes, avant d'espérer pouvoir rejoindre l'UE, répétant les problèmes associés à l'adhésion Turque.
Le ministre Turque en charge des affaires des turques vivant à l'étranger, Faruk Celik, a dénoncé, lors d'une conférence d'experts internationaux, le dénigrement envers les immigrants turques dans l'UE. Il a rajouté que les immigrants devaient s'intégrer eux-mêmes dans la société et apprendre à parler la langue du pays, citant l'exemple qu'il fallait apprendre l'allemand tout comme les allemands. Monsieur Celik a rajouté que les différences étaient une richesse pour les sociétés, et les immigrants y contribuaient à travers leur culture et leur religion, et non pas seulement par leur travail. Ces remarques ont été faites lors d'une conférence organisée par le gouvernement d'Ankara pour évaluer la situation de quelques cinq millions d'immigrants d'origine turque, dont quatre millions en Europe. Environ 400 experts, provenant principalement d'Allemagne où les turques forment le plus grand groupe d'étrangers dans le pays, étaient présents à cette conférence.
Mais si la Turquie s'attache bien à répondre aux exigences des politiques européennes, une question reste en suspens, celle de la reconnaissance de Chypre. En effet, la Turquie ne reconnaît toujours pas Chypre comme un État, et ce depuis son invasion de l'île en 1974. L'île est toujours divisée en deux, avec au nord la République Turque de Chypre du Nord, et au sud Chypre, membre de l'UE. La partie nord n'a été reconnu comme État que par la Turquie. Or, comment un État peut-il aujourd'hui adhérer à l'Union Européenne s'il ne reconnaît pas un de ces membres. La chose semble bien évidement impossible, l'UE, en son article 3 CE, mettant en avant toute une série de collaboration entre États membres, et les politiques menées visant une entité unique et indivisible.
L'adhésion Turque, au delà de ses obligations de modernité et de démocratie, serait donc de manière indissociable liée à sa capacité de revenir sur une politique d'expansion dont l'île de Chypre fait l'objet depuis plus de trente ans. La Communauté ne reconnaitra jamais cette fausse république turque, le Conseil de sécurité des Nations Unies ayant systématiquement condamné toute vague de colonisation forcée du nord de Chypre par la Turquie.