Dernières précisons jurisprudentielles sur la forme du congé du bail commercial, l’arrêt de la Cour de cassation du 24 octobre 2019. (Civ. 3e, 24 oct. 2019, FS-P+B+I, n° 18-24.077)
Au terme de l’article L. 145-4 du code de commerce, le preneur à bail commercial a la faculté de donner congé, au moins six mois avant l’expiration d’une période triennale, soit par lettre recommandée avec demande d’avis de réception soit par acte extrajudiciaire.
Au cours des dernières années, les modalités de délivrance du congé du bail commercial ont connu des modifications successives, notamment législative.
Avant la loi Pinel du 18 juin 2014, tout congé d’un bail commercial devait être donné par acte extrajudiciaire, y compris le congé pour une échéance triennale.
A partir de la loi Pinel le législateur a prévu la possibilité de donner congé par lettre recommandée avec avis de réception à l’échéance triennale.
L’article L. 145-9 du code de commerce a donc été modifié afin de permettre aux parties, preneurs comme bailleurs, de choisir entre la lettre recommandée et l’acte extrajudiciaire pour tout type de congé.
Cette disposition a alors fait l’objet de nombreuses critiques et les praticiens ont alors en grande majorité préconisé les actes d’huissier qui garantissent une plus grande sécurité juridique notamment en raison de leur assurance professionnelle, avantage non négligeable surtout lorsque l’on connaît les pièges de la matière.
Ainsi, la loi Macron du 6 août 2015 est venue restreindre la possibilité de donner un congé commercial par lettre recommandée avec avis de réception en modifiant l’article L. 145-9 du code de commerce et en imposant pour les congés la forme d’un acte extrajudiciaire.
Elle a également modifié l’article L. 145-4 du code de commerce en supprimant le renvoi à la forme et aux délais de l’article L. 145-9, c’est-à-dire l’acte extrajudiciaire pour créer une disposition spécifique, l’article L. 145-4 du code de commerce prévoyant désormais que « le preneur a la faculté de donner congé à l’expiration d’une période triennale, au moins six mois à l’avance, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par acte extrajudiciaire ».
Conséquence, les bailleurs n’ont pu valablement donner congé par lettre recommandée avec avis de réception qu’entre le 20 juin 2014 et le 7 août 2015.
Or concernant la situation des preneurs, l’article L. 145-4 du code de commerce est en contradiction avec l’article L. 145-9 de ce même code.
L’arrêt du 24 octobre 2019 répond à cette difficulté.
En l’espèce, à compter du 1er septembre 2010, une société locataire principal de locaux à usage commercial en a sous-loué une partie à une autre société. La société en sous-location a donné congé par lettre recommandée le 18 février 2016 pour l’échéance triennale du 1er septembre 2016.
Par arrêt du 6 septembre 2018, la cour d’appel de Caen a déclaré nul ce congé.
Selon les juges du fond, le congé visant à mettre un terme à un bail commercial ne peut être délivré que suivant les modalités prévues à l’article L. 145-9 du code de commerce dans sa version applicable au 16 février 2016, soit par acte extrajudiciaire.
La société sous-locataire forme un pourvoi composé d’un unique moyen. Elle fait grief à l’arrêt d’appel de rejeter sa demande tendant à ce que soit déclaré valide le congé délivré le 18 février 2016 par lettre recommandée avec avis de réception.
Selon le demandeur au pourvoi, seules les dispositions de l’article L. 145-4 du code de commerce sont applicables aux congés délivrés par le locataire avant une échéance triennale. De plus, dans sa rédaction en vigueur à la date du congé litigieux, le texte prévoyait expressément la faculté de donner congé à l’expiration d’une période triennale soit par lettre recommandée avec demande d’avis de réception soit par acte extrajudiciaire.
La Cour de cassation suit ce raisonnement et casse l’arrêt d’appel. Selon les hauts magistrats : « l’article L. 145-4, dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015, confère au preneur la faculté de donné congé à l’expiration d’une période triennale, au moins six mois à l’avance, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par acte extrajudiciaire ».
La Cour e cassation reprend en le principe « specialia generalibus derogant », en d’autres termes : Les règles spéciales dérogent aux règles générales.
Ainsi la faculté spéciale conférée au preneur de donner son congé par lettre recommandée ne doit pas être mise à mal par l’application de règle générale de l’article L. 145-9 du code de commerce.