L’épidémie de COVID 19 aura décidément bousculé la plupart de nos grands principes de droit et pas toujours dans le sens de leur respect malheureusement.
La question touchant aux règles relatives aux baux commerciaux est assez lointaine des libertés fondamentales malmenées mais a touché un très grand nombre de bailleurs et de preneurs.
Nous ne referons pas l’histoire et passerons sur les balbutiements du Gouvernement mais féliciterons, par contre, l’immense travail de notre justice qui a dû trouver des solutions là où le pouvoir législatif avait abandonné.
Si de nombreuses parties ont trouvé des accords, ce qui tombait sous le sens étant donné la situation, si des délais de règlements ont très majoritairement été accordés par le juge, cette crise sanitaire a posé et pose toujours la question de l’application du principe d’inexécution.
Et l’enjeux est de taille.
La question de l’application du principe de l’exception d’inexécution, principe essentiel du droit contractuel, se pose de la manière suivante :
Le preneur, dont l’activité a été affectée par une mesure de fermeture administrative, peut-il opposer ce principe et refuser le paiement de ses loyers, en opposant que le bailleur a manqué à son obligation de délivrance de la chose apte à l’usage convenu, quand bien même ce manquement ne serait pas de son fait mais dû à un cas de force majeure ?
La deuxième question serait relative à la suspension des obligations réciproques du contrat de Bail commercial.
La fermeture administrative constitue-t-elle un cas de force majeure qui frappe la substance même du contrat de bail, de sorte que celui-ci serait alors suspendu ?
Pour résumer, il s’agirait de déterminer si pendant les mesures de fermetures administratives, l’obligation de paiement des loyers ne serait suspendue en raison de l’absence de délivrance de la chose louée pendant de l’obligation du bailleur.
Cette question est actuellement très débattue, tant en doctrine que devant les juridictions.
Et c’était donc avec impatience que tous les juristes et principalement les avocats attendaient l’avis de la Cour de cassation saisie de ces questions par la Tribunal Judiciaire de CHARTRES qui devait être rendu le 5 octobre.
Cependant, un accord entre les parties nous a privé de cet avis, qui est à mon sens fondamental et qui ne pourra qu’être amenée à se reposer.
En l’espèce, Le tribunal judiciaire de Chartres avait sollicité l’avis de la Cour de cassation sur trois questions essentielles liées au paiement des loyers d’un bail commercial dans le contexte de la crise sanitaire.
Dans sa question, le tribunal évoquait déjà que le bailleur n’était pas responsable du manquement à l’obligation de délivrance.
L’inexécution de l’obligation de délivrance a en effet pour cause des cas de force majeure, à savoir la pandémie et les mesures administratives destinés à limiter sa propagation.
Cependant, il est de jurisprudence constante que la force majeure ne fait pas obstacle à l'exception d'inexécution ou à la résolution judiciaire.
La deuxième question se posant était relative à la suspension des obligations réciproques du contrat de bail commercial.
La fermeture administrative constitue-t-elle un cas de force majeure qui frappe la substance même du contrat de bail, de sorte que celui-ci serait alors suspendu ?
Le tribunal précisait d’ailleurs dans sa question : « le bailleur serait dispensé de son obligation de délivrance pendant la durée des mesures réglementaires et le preneur serait dispensé du paiement du loyer et des charges ».
Pour ma part je considère que le principe de la suspension des obligations réciproques doit s’appliquer le Bailleur qui est empêché d'exécuter son obligation de délivrance pour cause de force majeure ne peut exiger du Preneur qu'il continue d’exécuter ses propres obligations, notamment celle tenant à l’obligation de payer le loyer.
Une dernière question se posait à savoir de déterminer si le non-paiement des loyers commerciaux peut se justifier par perte de la chose louée au sens de l’article 1722 du code civil ?
L’interdiction d’exploiter les locaux commerciaux pour lutter contre la pandémie équivaut-elle à une perte partielle de la chose louée justifiant une dispense de paiement des loyers commerciaux pour la période considérée ?
Ici aussi, ce moyen n’est pas absurde.
Mais c’est en plaidant que le droit retrouvera la place qu’il a perdu.
Espérons maintenant que d’autres tribunaux judiciaires sollicitent, de nouveau l’avis de la Cour de cassation.