Cour d’appel de PARIS
26-06-2019
On ne le dira jamais assez, mais les baux commerciaux constituent une matière complexe et terriblement piégeuse qui appelle la plus grande rigueur depuis la rédaction du bail et tout au long des évènements pouvant intervenir pendant son existence.
L’arrêt du 26 juin 2019 rendu, certes, par la Cour d’appel de PARIS, en est la plus parfaite démonstration.
Dans les faits ayant donné lieu à cet arrêt, un bailleur fait signifier à son preneur un commandement lui reprochant plusieurs manquements aux obligations de son bail.
Le commandement reproduit alors les dispositions du bail relatives au garnissement des lieux, à la cession et à la sous-location, et après avoir reproché notamment aux preneurs de ne pas l'avoir valablement informé de la cession de parts indivises et de la cession du fonds de commerce postérieure.
Le bailleur relevait alors un grand nombre de manquements aux stipulations du bail relatifs à cession de la moitié indivise du fonds de commerce en violation des stipulations contractuelles du bail , la cessation d'activité de l'exploitant du fonds ; le défaut de garnissement des lieux loués en marchandises, meubles et objets mobiliers en quantité et de valeur suffisante pour répondre en tout temps au paiement des loyers et accessoires et de l'entière exécution des clauses et conditions du bail ; la radiation du registre du commerce et des sociétés de l'exploitant du fonds; la sous-location, voire concession d'un droit d'occupation des lieux loués, en violation des stipulations contractuelles ... bref le preneur était en mauvaise posture étant donné le nombre de manquements reprochés.
Il était à la suite fait commandement, d'avoir immédiatement à :
Libérer les lieux loués de leur personne et de tout occupant de leur chef ; remettre les clés des lieux à la SCI bailleresse.
Et mentionné que la requérante entendait se prévaloir de la clause résolutoire insérée au bail et qu'en conséquence, à défaut d'avoir exécuté les causes du commandement dans le délai d'un mois à compter de la date de l'acte, elle se pourvoirait devant le tribunal pour entendre constater la résiliation du bail ; et il était reproduit in extenso la clause résolutoire habituelle du bail mentionnant à nouveau ce délai d'un mois et les dispositions de l'article L 145-41 du code de commerce.
Le bailleur ne pouvait qu’être confiant avec cette longue liste de manquements….
Sauf que le libellé du commandement était source de confusion.
En effet, il ne permettait pas aux locataires de savoir s'ils devaient se conformer aux obligations du bail dans le délai d'un mois au regard des manquements visés et/ou purement et simplement quitter les lieux immédiatement ;
Le commandement comportait donc deux injonctions de nature différente et dans des délais différents, en l’occurrence d’avoir à libérer les lieux immédiatement et d'exécuter les obligations enfreintes dans le délai d'un mois.
Faille dans laquelle, le Conseil du preneur, très habilement, allait s’engouffrer.
Il s'ensuit que le libellé du commandement et la mention de délais différents ne permettaient pas aux destinataires du commandement de prendre la mesure exacte des injonctions qui leur étaient faites, entraînant la nullité du commandement et de l’acquisition de la clause résolutoire subséquente.
La Cour d’appel rappelle de manière logique qu’un commandement comportant plusieurs délais n'est valable que si la mention de ces différents délais n'emporte pas confusion dans l'esprit du locataire en l'empêchant d'apporter dans le délai requis une réponse aux injonctions qui lui sont faites.
Les baux commerciaux appellent, comme rappelé plus haut de la rigueur et bien plus que cela, puisqu’il s’agit aussi, parfois, d’épauler l’huissier et vérifier la rédaction et le contenu du commandement.