La répartition des charges dans un bail commercial

Publié le 14/02/2019 Vu 20 028 fois 0
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Les charges dans les baux commerciaux ont longtemps relevé du principe de la liberté contractuelle, mais ont vu leur répartition précisée par la loi dite PINEL.

Les charges dans les baux commerciaux ont longtemps relevé du principe de la liberté contractuelle, mais ont

La répartition des charges dans un bail commercial

Les charges dans les baux commerciaux ont longtemps relevé du principe de la liberté contractuelle.

Ce principe permettait à certains bailleurs de transférer au locataire l'intégralité de leurs charges dès lors que le bail le stipulait clairement.

On parlait alors de l’abus des baux dits « triple net »

Cette forme d’abus trouvait déjà une certaine limite avec un grand nombre de décisions judiciaires venant limiter ce transfère total.

Et c'est dans cet esprit que la loi du 18 juin 2014 relative au commerce, à l'artisanat et aux très petites entreprises a inséré dans le code de commerce, au sein d'une nouvelle section 6 bis intitulée « De l'état des lieux, des charges locatives et des impôts », un nouvel article L. 145-40-2 réglementant les charges, impôts, taxes, redevances et travaux.

Ce texte renvoyait à un décret en Conseil d'État le soin de fixer les mesures d'application et plus particulièrement de dresser la liste des charges ne pouvant plus être imputées au locataire.

Ce décret a été promulgué le 3 novembre 2014 et a introduit les articles R. 145-35 à R. 145-37

Après quelques hésitations, toujours signes d’une activité législative peu aboutie, la date du 5 novembre devait donc s’appliquer, si bien que ces nouvelles dispositions s’appliquent aux baux conclus ou renouvelés à compter du 5 novembre 2014.

Pour les baux conclus ou renouvelés avant le 5 novembre 2014, la détermination des charges récupérables par le bailleur auprès du locataire et le régime qui leur est applicable dépendent des stipulations contractuelles.

Ces nouvelles dispositions peuvent être rattachées à deux objectifs.

Un objectif de clareté et de prévisibilité qui se traduit d'abord par la nécessité de rédiger en amont un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, qui donnera lieu en aval à un état récapitulatif annuel adressé par le bailleur au locataire.

Le bail doit également préciser la répartition des charges lorsque le local loué dépend d'un ensemble immobilier comportant plusieurs locataires.

Le bailleur doit, de plus, en cours de bail informer le locataire des charges, impôts, taxes et redevances nouveaux, ainsi que de tout élément susceptible de modifier la répartition initiale.

Enfin, le bailleur se voit imposer, lors de la conclusion du bail, puis tous les trois ans, une obligation d'information  portant sur les travaux qu'il envisage de réaliser dans les trois années suivantes et sur ceux qu'il a effectués au cours des trois années précédentes.

D'autre part, le dernier alinéa de l'article L. 145-40-2 renvoie au pouvoir réglementaire le soin de préciser « les charges, les impôts, taxes et redevances qui, en raison de leur nature, ne peuvent être imputés au locataire ».

Ce nouveau dispositif a soulevé de nombreuses difficultés d'interprétation, notamment sur la rédaction de l'inventaire des charges qui pose le plus de problèmes.

Quelles charges le bailleur ne peut-il plus répercuter sur le locataire ? Quelles sont précisément les charges qu'il convient d'intégrer dans l'inventaire ?

 

 

 

La détermination des charges non imputables au locataire

Il convient, au préalable, de rappeler que la liberté contractuelle demeure le principe en matière de transfert des charges,

Le statut des baux commerciaux suit sur la question des charges une démarche inverse à celle du statut des baux d'habitation le code de commerce se contentant d'indiquer négativement dans l'article R. 145-35 quelles charges ne peuvent être récupérées.

Dans la mesure où l'article L. 145-40-2 est d'ordre public, il ne fait aucun doute que les textes d'application issus du décret le sont également. Il n’est donc plus possible d'imputer au locataire les charges énoncées par le texte.

Mais on peut aussi en déduire, a contrario, qu'il demeure possible de lui imputer toute charge n'entrant pas dans la liste, la liberté contractuelle n’a donc pas été totalement supprimée.

Le preneur d'un bail commercial ne peut se voir réclamer le remboursement de charges que si les parties l'ont contractuellement prévu.

 La récupération des charges non visées par l'article R. 145-35 est donc facultative, et il demeure nécessaire de stipuler expressément le transfert au locataire des charge incombant légalement au bailleur.

 

La liste des charges non imputables au preneur

 

Travaux non imputables :  les grosses réparations et ceux relevant de la vétusté et de la mise ne conformité.

Le texte fait référence, dans le 1°, aux « dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil », puis, dans le 2°, aux « dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l'alinéa précédent ».

On rappellera que la Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 13 juillet 2005 que les grosses réparations sont celles qui « intéressent l'immeuble dans sa structure et sa solidité générale », par opposition aux réparations d'entretien qui « sont celles qui sont utiles au maintien permanent en bon état de l'immeuble 

Travaux imputables : les embellissements


Le dernier alinéa de l'article R. 145-35 énonce que « ne sont pas comprises dans les dépenses mentionnées aux 1° et 2° celles se rapportant à des travaux d'embellissement dont le montant excède le coût du remplacement à l'identique ».

Le remplacement à l'identique équivaut à la réalisation de grosses réparations, qui ont également pour objet la conservation de l'immeuble sans aucune plus-value ; en revanche, les embellissements peuvent présenter un intérêt pour le locataire.

En pratique, il appartient au locataire de demander au bailleur si les travaux d'embellissement refacturés incluent une part de gros œuvre, qui devra le cas échéant être retraitée par référence au coût d'un remplacement à l'identique..

Distinction entre les embellissements et les améliorations


La notion d'« embellissement » ne doit pas être confondue avec celle d'« amélioration » au sens de l'article R. 145-8 du code de commerce.

Les améliorations recouvrent toutes les modifications optimisant l'exploitation des locaux pris à bail, notamment les travaux augmentant la surface de vente ou améliorant la distribution des locaux.

La notion d'embellissement se rapporte uniquement sur l'aspect esthétique de l'immeuble, et non sur sa fonctionnalité

Les impôts, taxes et redevances

Le 3° de l'article R. 145-35 du code de commerce énonce le principe de non-imputabilité des impôts, taxes et redevances dont le redevable est le bailleur ou le propriétaire du local ou de l'immeuble.

Cependant il écarte la taxe foncière (et les taxes additionnelles à la taxe foncière).

En définitive, la seule taxe non refacturable de manière certaine est la contribution économique territoriale, expressément visée par le texte au titre du principe.

Détermination des taxes récupérables

La taxe sur les bureaux

La taxe d'enlèvement des ordures ménagères, la taxe de balayage ou encore la taxe d'écoulement des égouts, qui correspondent à des services et relèvent en outre pour certaines d'entre elles des taxes additionnelles à la taxe foncière.

Exclusion des honoraires liés à la réalisation de grosses réparations


L'article R. 145-35 du code de commerce exclut à l'alinéa 1er la prise en charge des honoraires liés à la réalisation des grosses réparations. Dans la mesure où le texte ne distingue pas, il pourrait aussi bien s'agir des honoraires de l'architecte que des honoraires du mandataire du bailleur. 

Exclusion des honoraires de gestion locative


L'alinéa 4 interdit l'imputation des « honoraires du bailleur liés à la gestion des loyers du local ou de l'immeuble faisant l'objet du bail 

L'inventaire des charges

La rédaction d'un inventaire des charges est la première règle prévue par l'article L. 145-40-2 du code de commerce.
Si la conception financière des charges permet d'y inclure l'obligation de rembourser au bailleur ses propres travaux, elle exclut dans le même temps l'obligation incombant au preneur de réaliser lui-même les travaux d'entretien, de réparation et de mise en conformité mis à sa charge par le bail. I

La détermination concrète des charges liées au bail considéré


Les textes fournissent finalement peu d'indications sur la rédaction de l'inventaire.

Or, l'article L. 145-40-2 du code de commerce exige un « inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l'indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire ».

Deux choses sont distinguées dans cette définition : d'une part, l'inventaire des charges relatives au bail ; d'autre part, la répartition de ces charges entre le bailleur et le preneur.

L'article L. 145-40-2 du code de commerce donne deux indications assez contradictoires. D'une part, l'inventaire doit être « précis et limitatif », ce qui incite le rédacteur à détailler les charges récupérables. D'autre part, la précision et la limitation s'appliquent seulement aux « catégories de charges », dont la délimitation est laissée aux parties.

Enfin en cours de bail, le bailleur informe le locataire des charges, impôts, taxes et redevances nouveaux. » les parties auront tout intérêt à tenir compte de la jurisprudence antérieure en indiquant expressément si les nouvelles charges seront récupérables.

La sanction des manquements à l'exigence d'inventaire


L'article L. 145-40-2, est totalement muet sur la question des sanctions concernant l'exigence d'inventaire.

Cependant, il ne faut pas perdre de vue que l'article L. 145-15 du code de commerce répute non écrits « les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec » notamment à l'article L. 145-40-2.

L'absence de sanction n'est donc qu'apparente. En outre, l'article L. 145-40-2 du code de commerce confère à l'inventaire un caractère limitatif. Il constitue donc désormais la seule manière d'imputer des charges au preneur puisqu'elles doivent nécessairement y être récapitulées.

Sanction du défaut d'inventaire et de l'inventaire irrégulier

La sanction est évidente, car l'inventaire irrégulier contrevient aux exigences d'ordre public de l'article L. 145-40-2, et doit donc être tenu pour réputé non écrit.

Incidence des clauses stipulant des charges récupérables en l'absence d'inventaire régulier ?

Le bail peut ne pas comporter d'inventaire régulier, mais contenir une ou plusieurs clauses prévoyant le remboursement de certaines charges.

Ces stipulations devraient être réputées non écrites puisqu'elles contournent l'exigence d'inventaire.

Incidence du renouvellement des baux antérieurs à la loi Pinel

L'exigence d'inventaire s'applique aux baux conclus ou renouvelés après le 5 novembre 2014. Il s'ensuit que les baux conclus antérieurement, mais venant postérieurement en renouvellement, doivent à leur tour respecter ce formalisme.

Certes, il est de jurisprudence constante que le renouvellement s'opère aux clauses et conditions du précédent bail.

Encore faut-il qu'elles soient licites au regard de la loi applicable lors du renouvellement, qui s'analyse comme un nouveau bail. Ainsi, les charges figurant dans la « liste noire » de l'article R. 145-35 du code de commerce ne peuvent pas être reprises dans le bail renouvelé.

Les autres charges légalement récupérables, mais à la condition d'être récapitulées dans l'inventaire désormais exigé par la loi, faute de quoi elles ne seront plus refacturables.

Or la rédaction de l'inventaire peut être source de désaccord entre le bailleur et le preneur s'ils n'ont pas la même interprétation de leurs anciennes clauses.

Ce problème pourrait notamment se poser lorsque le bail s'est renouvelé sans être formalisé par les parties, par l'effet soit de la prescription biennale en l'absence de saisine du juge des loyers commerciaux, soit de la décision définitive fixant le loyer de renouvellement, qui vaut bail, d’usage du droit de repentir par le bailleur.

La situation imposera alors de rédiger un nouveau bail, contenant cet inventaire permettant la refacturation des charges récupérables.

En cas de refus, seule la saisine du Tribunal de Grande Instance permettra d’imposer un nouveau bail contenant cet inventaire, mais limité alors aux charges énoncées dans l’ancien bail, si bien que le bailleur ne pourra imposer au preneur de nouvelles charges récupérables.

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