1) Absence d'indemnité de clientèle en dehors du mandat d'intérêt commun.
Parmi les modalités de distribution, existe le contrat d'agence commerciale, c'est-à-dire un mandat, par lequel le distributeur représente le fournisseur, généralement sous la marque de celui-ci, et vend les marchandises aux clients au nom et pour le compte de ce fournisseur, en étant commissionné ; il n'y a donc pas d'achat pour revendre, dans ce schéma de distribution.
Selon la loi française ultérieurement reprise par une directive communautaire, ce type de mandat est un « mandat d'intérêt commun » : le distributeur développe une clientèle grâce à l'existence de laquelle il est rémunéré, mais cette clientèle ne lui appartient pas puisqu'il n'est auprès d'elle que le représentant du vendeur.
Ainsi, à la fin du contrat à l'initiative du mandant, l'agent commercial doit percevoir une indemnité que l’on peut analyser comme une indemnité de clientèle (C. com., art. L. 134-12)
Le statut de l’agent commercial est assez protecteur, la commission ne lui échappant, pour simplifier qu’en cas de faute grave.
Les Tribunaux fixent de manière habituelle, l’indemnité compensatrice à deux ans de commissions.
Le bénéfice de cette protection particulière a été souvent réclamé devant les tribunaux par des distributeurs en situation de rupture.
Il s'agit généralement de distributeurs membres d'un réseau plus ou moins intégré, qui achètent des produits pour les revendre : concessionnaires, franchisés, distributeurs agréés d'un réseau de distribution sélective…
La jurisprudence a repoussé cette prétention particulière, préférant appliquer le droit commun des contrats qui ne postule pas l'octroi d'une indemnité de clientèle.
Les juges ont certes relevé qu'il existe de facto, dans ces cas de figure, un intérêt commun au fournisseur et au distributeur, mais que « l'intérêt commun à l'essor de deux entreprises non liées par un contrat de mandat est sans incidence sur les conditions de l'arrêt de leur collaboration
La différence de solution, par rapport à l'agent commercial, se justifie principalement par le fait que les distributeurs dont on vient de parler sont, à la différence du mandataire, propriétaires de leur clientèle.
Au fond, la position de la jurisprudence reste stable et demeure parfaitement formulée par la Cour de cassation il y a une quarantaine d'années : « dès lors qu'une concession de vente, exclusive, a été conclue sans engagement de durée, le concédant peut dénoncer à tout moment le contrat, à condition d'observer un délai de préavis suffisant et de ne pas agir abusivement »
2) Liberté de rompre en respectant un préavis.
Un contrat de distribution à durée indéterminée peut être résilié à tout moment par le distributeurr, sous réserve qu'un préavis suffisant soit respecté.
La règle du préavis suffisant, qui avait été dégagée par la jurisprudence se trouve aujourd'hui formulée par la loi en matière de contrats de distribution :
C. com., art. L. 442-6 « I. – Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :
5o De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.
Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur… »
La règle relative au préavis suffisant a été principalement appliquée à la résiliation des contrats à durée indéterminée, mais elle vaut aussi bien en matière de non-renouvellement d'un contrat à durée déterminée.
3) La rupture ne doit pas être brutale par absence de préavis suffisant.
L'absence de préavis suffisant fait naître un droit à indemnité pour rupture brutale.
Le préavis suffisant est un standard que le juge apprécie au cas par cas, en fonction de différents critères. Le principal réside en la durée des relations contractuelles antérieures et leur volume.
Demeure aussi considéré le poids des investissements imposés au distributeur, mais également l'existence d'une exclusivité, voire le temps nécessaire pour remédier à la désorganisation résultant de la rupture. On tient compte des usages de la profession s'ils existent à ce sujet, ce qui est rarement le cas.
L'article L. 134-11 du Code de commerce relatif à l'agent commercial donne les durées minimales suivantes : « La durée du préavis est d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes. En l'absence de convention contraire, la fin du délai de préavis coïncide avec la fin d'un mois civil ». Mais la jurisprudence semble plus généreuse pour les autres contrats de distribution, où n'existe pas d'indemnité de clientèle.
Le fait que l'auteur de la rupture applique le préavis prévu au contrat ne suffit pas à dire qu'un préavis suffisant a été respecté ; le juge doit considérer les circonstances.
Cependant, le fournisseur n'est pas tenu de respecter un préavis lorsque la rupture est justifiée par une faute grave du distributeur.
Il peut être utile, avant de notifier le préavis, d'avertir le cocontractant du risque que son contrat soit résilié ou non renouvelé, à raison de circonstances qu'il est alors opportun d'expliquer.
La sanction de l'absence de préavis suffisant tient dans une allocation de dommages-intérêts, accompagnée le cas échéant d'une obligation faite au fournisseur de reprendre les stocks du distributeur.
4) Rupture non abusive.
Il arrive que des juges retiennent l'abus du droit de résilier le contrat, alors même qu'un préavis suffisant avait été respecté.
La Cour de cassation a ainsi décidé, au sujet d'une concession commerciale, que « la résiliation d'un contrat à durée indéterminée peut, même si le préavis est respecté, revêtir un caractère abusif en raison des circonstances qui accompagnent la rupture »
L'abus n'est, pour autant, que très peu souvent retenu par les juges.
Un caractère abusif pourra être retenu si le fournisseur a imputé au distributeur des inexécutions imaginaires, ou lui a reproché des inexécutions qui n'étaient pas fautives ou encore si, à l'époque de la rupture, il a désorganisé l'entreprise de celui-ci pour récupérer sa clientèle.
De tels faits postérieurs au contrat pourraient être qualifiés de concurrence déloyale, mais lorsque ces comportements répréhensibles sont contemporains de la résiliation du contrat, ils donnent à l'ensemble une coloration particulière qui aggrave la responsabilité globale du fournisseur liée à la rupture abusive.
Est aussi abusive la résiliation du contrat par le fournisseur qui avait fait croire au distributeur que le contrat serait poursuivi et qui l'avait incité de ce fait à procéder à des investissements.
Que le droit de résilier le contrat ne doive pas être exercé de manière abusive n'oblige pas pour autant l'auteur de la résiliation à indiquer les motifs de celle-ci, ou à démontrer qu'elle était fondée sur un juste motif.
Enfin en cas de rupture abusive, le juge poura condamner l'auteur de la rupture à reprendre les relations commerciales auxquelles il avait été mis fin de manière injuste.