La Cour de cassation entend assurer l’effectivité de la liberté fondamentale du salarié de témoigner en justice dans un litige prud’homal.
Un arrêt du 29 octobre sanctionne en effet par la nullité tout licenciement prononcé « en raison du contenu d’une attestation délivrée par un salarié au bénéfice d’un autre ». Cette solution tend ainsi à généraliser le bénéfice du régime de protection spécifique que la loi accorde aux salariés témoignant de certains agissements, tels le harcèlement ou la discrimination. La Haute juridiction pose toutefois une limite tenant à la mauvaise foi du salarié.
L’affaire concerne un salarié licencié pour faute grave après mise à pied conservatoire, pour avoir rédigé une attestation, mensongère selon l’employeur, destinée à être produite dans le cadre d’un litige prud’homal concernant un autre salarié, et pour avoir informé de cette démarche des collègues de travail. Dans cette attestation, le salarié niait les propos dénigrants qu’aurait tenus son collègue licencié.
Il a alors réclamé la nullité de son licenciement, de façon à être réintégré dans l’entreprise.
La nullité du licenciement ne peut toutefois être prononcée que lorsqu’elle est prévue par un texte ou lorsque la mesure contrevient à une liberté fondamentale(Cass. soc., 13 mars 2001, n° 99-45.735). Or, du côté des textes, le Code du travail prévoit une telle sanction à l’égard des mesures de représailles prise à l’encontre de salariés ayant témoigné d’actes de harcèlement moral ou sexuel (C. trav., art. L. 1152-3 et L. 1153-4), de discriminations(C. trav., art. L. 1132-4) ou de faits de corruption(C. trav., art. L. 1161-1).
L’intéressé n’entrait dans aucun de ces cas de figure.
La Haute juridiction a toutefois estimé que la violation d’une liberté fondamentale était en jeu ici et que la nullité était donc encourue à ce titre.
Statuant au visa des articles 6 (droit à un procès équitable) et 10 (liberté d’expression) de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la Cour de cassation pose ainsi pour principe « qu’en raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté fondamentale de témoigner, garantie d’une bonne justice, le licenciement prononcé en raison du contenu d’une attestation délivrée par un salarié au bénéfice d’un autre est atteint de nullité, sauf en cas de mauvaise foi de son auteur ».
Il avait déjà été précisé par des arrêts antérieurs que « le témoignage en justice d’un salarié ne peut, sauf abus, constituer ni une faute ni une cause de licenciement » (v. notamment Cass. soc., 23 novembre 1994, n° 91-41.434). Mais la question de la sanction (nullité du licenciement ou simple défaut de cause réelle et sérieuse) avait été laissée en suspens jusqu’à maintenant.
L’arrêt du 29 octobre opte clairement pour la nullité du licenciement, ouvrant ainsi un droit à réintégration au bénéfice du salarié.
Cass. soc., 29 octobre 2013, n° 12-22.447 FS-PB