L'UNION DES SYNDICATS ANTI PRECARITE et les prochaines élections TPE (jugement TI15ème 04.07.16)

Publié le Modifié le 05/07/2016 Vu 5 174 fois 0
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La CGT contestait à nouveau la présence de l'Union SAP au prochaines élections TPE. Par décision du TI du 15ème du 04 juillet 2016, le Tribunal rejette l'argumentation de la CGT et confirme la candidature de l'Union SAP.

La CGT contestait à nouveau la présence de l'Union SAP au prochaines élections TPE. Par décision du TI du

L'UNION DES SYNDICATS ANTI PRECARITE et les prochaines élections TPE (jugement TI15ème 04.07.16)

Selon jugement du 04 juillet 2016, le Tribunal d'instance confirme la candidature de l'Union des Syndicats Anti Précarité aux prochaines élections TPE.

Le jugement est téléchargeable sous ce lien

La CGT contestait (de nouveau) la présence de l'Union des Syndicats Anti Précarité aux elections TPE prévues en fin d'année. La CGT reprochait à l'Union SAP d'être une "officine du droit" et d'avoir une activité juridique rémunérée.

Une brêve présentation s'impose:

Le SAP a été créé en octobre 2008 par 03 syndicats (dont le principal était le « syndicat VEOLIA Transport »).

Le SAP s’est développé progressivement dans les entreprises, tout en participant aux élections prud’homales de 2008. En septembre 2012, le SAP déposait sa candidature dans le cadre du scrutin organisé à compter du 28 novembre 2012 pour mesurer l’audience des organisations syndicales dans les TPE (laquelle audience TPE servira en 2013 à déterminer la représentativité nationale ou régionale des syndicats).

Notons que la candidature du SAP au scrutin TPE avait été validée par le Ministère du travail et que lors de la réunion de la Commission nationale des opérations de vote (CNOV) du 11 octobre 2012, à laquelle le SAP participait avec voix délibérative, la candidature du SAP ne fut aucunement critiquée par la CGT ou toute autre organisation.

Le scrutin TPE concerne des salariés qui travaillent dans des entreprises dépourvues de toute représentation syndicale, souvent plus précarisés qu’ailleurs. Pour le SAP l’enjeu de cette « élection » sur sigle ne devait pas se limiter à recueillir des suffrages et à laisser les salariés à leur sort une fois le scrutin passé. C’était l’occasion d’apporter aux salariés des TPE un message concret et la possibilité de pouvoir trouver des réponses aux questions que se posent les salariés des TPE qui sont avant tout pratiques et concernent principalement le droit du travail, les conventions collectives, etc…

Le SAP était la seule organisation à initier cette nouvelle démarche à l’occasion du scrutin TPE. C’est ce qui rendait le résultat que pouvait obtenir le SAP totalement imprévisible, d’autant qu’il avait démontré sa popularité lors des élections CPH de 2008.

Le mercredi 17 octobre 2012, la CGT, soucieuse d’écarter un concurrent, saisissait le TI de PARIS (15ème) d’une requête visant à l’annulation de la candidature déposée par le SAP dans le cadre du scrutin TPE.

Notons qu’à l’époque la CGT ne faisait nullement allusion à une confusion entre l’UL CGT de Chatou et l’UNION SAP indiquant pourtant dans ces écritures que ce conflit date de 2008 !

Le SAP, recevait la requête, les pièces et conclusions de la CGT et la convocation du TI le lundi 22 octobre 2012 vers 17h00 pour une audience prévue pour le lendemain 23 octobre 2012 à 11h00.

S’appuyant uniquement sur les statuts du SAP et sur sa profession de foi « TPE », la CGT soutenait que le SAP n’avait pas d’activité syndicale réelle, au sens où le SAP se contenterait exclusivement de proposer à ses adhérents et aux salariés des conseils et une assistance juridique.

Le SAP organisait sa défense dans l’urgence en se contentant de répondre aux critiques adverses concernant les statuts et la profession de foi, lesquelles critiques ne semblaient pas pouvoir prospérer tant il suffisait de lire les statuts du SAP et sa profession de foi pour constater qu’il était très loin de faire de l’activité juridique une exclusivité.

Néanmoins, par jugement du 29 octobre 2012, le TI de PARIS annulait sa candidature au motif que son objet « exclusivement juridique », ne lui permettaient pas de revendiquer la qualité de syndicat.

Le SAP se pourvoyait alors en cassation exposant, notamment, que ses statuts ne font pas de l’activité juridique une exclusivité, ni même la part principale de son action et qu’en, tout état de cause, un syndicat est libre d’utiliser l’action juridique pour la défense des droits, ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels, des personnes visées par ses statuts, d’autant que le principe de « non-ingérence » prôné par l’OIT ne permet ni aux juges, ni aux Etats, ni aux autres syndicats de s’immiscer dans les choix de stratégies et de modes d’actions d’une organisation professionnelle.

Par un arrêt du 15 novembre 2012 (n° 12-27315 PB), la Cour de cassation rejetait le pourvoi du SAP en s’en tenant aux constatations du juge d’instance et à l’interprétation qu’il avait fait des statuts et de la profession de foi du SAP, alors même que le Conseiller rapporteur indiquait très clairement dans son rapport : « Les statuts affirment l’action juridique comme un mode d’action essentiel, mais non exclusif » et que dans son avis l’avocat général admettait : « Que l’objet de ce syndicat est conforme aux dispositions du code du travail, qu’il ne résulte pas de ses statuts que son activité soit exclusivement tournée vers le conseil juridique, l’assistance juridique ou l’action en justice et que la possibilité pour un syndicat de donner des consultations juridiques et rédiger des actes sous-seing privé au profit des personnes dont la défense des intérêts est visée par leurs statuts est prévue par la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1871 (art. 64) ».

C’est donc « l’interprétation souveraine des statuts et des pièces » par le juge d’instance qui a été retenue par la Cour de cassation pour écarter, à l’économie, le SAP du processus électoral selon un syllogisme qui, niant l’évidence, avait conduit le TI à juger que « l’activité de l’organisation consistait exclusivement à proposer des services rémunérés d’assistance et de conseil juridique ».

Après cet arrêt d’espèce et par les éléments nombreux et pertinents que le SAP versait aux débats lors des contentieux judiciaire qui s’en sont suivi (notamment déclenchés par des employeurs soucieux d’écarter le SAP de leur société), l’Union SAP démontrait son implantation dans les entreprises et sur le « terrain » dès sa création.

De nombreux jugement de Tribunaux d’instance rejetait l’argumentation visant à nier la qualité d’organisation Syndicale au SAP. Puis, le 04 décembre 2013, par deux arrêts, la Cour de cassation rejetait définitivement les pourvois fait sur ces jugements.

Cass. soc., 4 décembre 2013, nos 13-12.678 et 13-14.401 F-D Pièce 10 : arrêt du 04 décembre 2013 n°13-12678 et 13-14401

La cour décidait notamment que l’examen du juge devait se porter sur l’activité concrète du syndicat : « Mais attendu qu’aux termes de l’article 64 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, modifié par la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990 que les syndicats et associations professionnels régis par le code du travail peuvent donner des consultations juridiques et rédiger des actes sous seing privé au profit des personnes dont la défense des intérêts est visée par leurs statuts, sur des questions se rapportant directement à leur objet à la condition qu’il ne s’agisse pas de leur activité exclusive ; que le tribunal a relevé que le SAP justifiait avoir signé des protocoles préélectoraux dans plusieurs entreprises, y avoir présenté des candidats et y avoir obtenu des élus, qu’il justifiait d’actions revendicatives menées dans des entreprises dont une ayant conduit à la négociation et la signature d’un protocole de fin de conflit et produit onze tracts relatifs, notamment, aux conditions de salaires, à l’intéressement, aux congés payés, aux « inter-contrats », au développement du rôle du CHSCT, édités entre février 2012 et janvier 2013, à destination des salariés de l’union économique et sociale Capgemini-Sogeti ; que le jugement se trouve dès lors légalement justifié; »

Ainsi un article de Liaison sociale concluait que : « Par deux arrêts du 4 décembre, la Cour de cassation reconnaît à l’Union des syndicats antiprécarité, la qualité de syndicat professionnel. Elle revient ainsi sur la position qu’elle avait adoptée en novembre 2012 et qui avait conduit à exclure la participation de cette organisation aux élections dans les TPE, en raison de son activité de conseil et d’assistance juridique rémunérée. […] Les entreprises doivent donc tenir pour acquis que le Syndicat anti-précarité est un syndicat comme les autres, admis à ce titre à faire valoir toutes les prérogatives syndicales prévues par la loi, dans les entreprises relevant de son champ de compétence statutaire.»

Le 22 juin 2016, la CGT saisissait de nouveau le Tribunal d'instance dans le cadre des nouvelles elections TPE.

Elle soutenait que l'Union SAP est une officine du droit.

Par jugement du 04 juillet 2016, le Tribunal d'instance reprend les principes dégagés par la Cour de cassation et s'attache à examiner si l'activité juridique de l'Union SAP est une activité exclusive.

Le tribunal examine non seulement la rédaction des statuts mais également l'activité réelle du syndicat. Le Tribunal relève que cette Union de syndicat compte plus de 430 élus sur le territoire et qu'il était présent à la signature de 70 protocoles d'accord préélectoraux et dans 135 sociétés et conclu qu'"ainsi l'USAP démontre qu'elle déploie dans les entreprises dans lesquelles sont implantés les syndicats anti précarité une activité revendicative visant à la défense des droits collectifs et individuels des salariés qui apparait conforme aux pratiques propres aux syndicats." [...] "Qu'en conséquence, l'USAP revêt bien la qualité de syndicat professionnel"

L'Union des Syndicats Anti précarité participera donc au prochaines élections TPE.

Ghislain DADI - Avocat associé

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