« Despote conquérant, le progrès technique ne marque pas l’arrêt » disait Alfred Sauvy. En effet, si aujourd'hui il y a bien un type d'investissement qui suscite l'intérêt des entreprises, c'est bien la recherche et le développement.
Pourtant, mis à part les raisons conjoncturelles qui marque la situation actuelle avec une récession de l'ordre de 10 % en France selon les estimations de l’INSEE, la croissance des pays développés au début de ce XXIe siècle est molle. En effet, Summers lors d’une intervention remarquée en 2010 a repris le concept développé par Hansen dans les années 30 pour nommer ce phénomène : la stagnation séculaire. Il s'agit d'une situation de faible croissance dont les origines sont diverses (démographie, épargne, faible demande, biens incorporant peu de capitaux) et qui s’explique en grande partie par des investissements qui ne sont pas suffisants. Certes, la zone euro a connu un petit rebond en 2017 et notamment la France, toutefois bien plus que la crise sanitaire actuelle, et comme le souligne la faible croissance allemande en 2019, les raisons sont davantage structurelles. La croissance effective est bien en-deçà de celle potentielle depuis de nombreuses années (« croissance qui laisse en l’état les grands équilibres », selon le rapport Camdessus) et le NAIRU ne cesse d’augmenter, conformément à la loi d’Okun. Selon une approche, celle de Wincksell, cette situation s’explique par des taux d’intérêts naturels négatifs et encore inférieurs à ceux effectifs, limitant donc les effets des investissements, notamment du fait du « zero lower bound » (plancher 0). Ainsi, les entreprises privées ne sont pas incitées à investir, jugeant l’investissement insuffisamment rentable, ou en tout cas pas assez pour redémarrer la croissance.
L’investissement est en effet la conséquence d’un arbitrage des entreprises entre productivité marginale du capital et « efficacité marginale du capital » pour Keynes (que l’on peut représenter par la valeur actualisée nette et le taux de rendement interne) , ou encore vis-à-vis de la situation boursière de l’entreprise, selon le Q de Tobin. L’investissement est donc une acquisition de biens de productions, représenté de façon comptable par la formation brute de capital fixe. Il peut être matériel (ordinateurs), immatériel (recherche et développement) ou financier (acquisition d’une part d’une autre entreprise). Son effet attendu est donc de produire plus avec moins de facteurs de production, on parle dès lors de « neutralité du progrès technique ». De ce fait, produire plus permet d’augmenter la croissance, représentée par l’évolution du PIB, somme de la valeur ajoutée, de la TVA et des droits de douane, bien que le véritable instrument de mesure approprié soit le PIB réel, corrigeant l’inflation. On peut le représenter en fonction de la production, mais aussi des revenus (somme des salaires, profits, taxes et impôts) ou de la dépense (somme de l’investissement, de la consommation, du renouvellement des biens de production et des exportations moins les les importations).
L’investissement peut-être privé ou public. Dans ce premier cas il peut être interne (autofinancement) ou externe, direct via les marchés financiers ou indirect via les intermédiaires (banques par exemple). Hicks évoque le passage d’une « économie d’endettement à une économie de marchés financiers ». L’investissement public peut être financé par l’emprunt, l’imposition ou la banque centrale. Toutefois, il demeure parfois problématique, en témoigne la crise des dettes souveraines. Il s’explique par les fonctions de l’Etat présentées par Musgrave : allocations, stabilisations et redistributions.
Néanmoins, aujourd’hui les politiques publiques font face « à un mur » et ne parviennent pas à relancer la croissance. La politique monétaire semble engouffrée dans une situation de trappe à liquidité (Keynes) et la politique budgétaire demeure peu efficace. Il est donc nécessaire de trouver de nouveaux investissements, par exemple dans le digital et l’environnement, comme le prône le plan de relance proposé par l’Union européenne d’Ursula Von Der Layen (de 750 milliards d’euros). Cela permettrait de créer de nouveaux emplois et de nouveaux débouchés, favorable à la croissance comme le soulignait déjà Schumpeter. La croissance peut en outre être intensive (produire plus avec moins) ou extensive (produire plus avec plus).
De ce fait, le phénomène de stagnation séculaire nécessite un renouvellement des politiques d’investissement, privés ou publics. Pour ce faire, ils doivent créer de nouveaux débouchés, ce qui passe par un investissement public ayant pour but d’accompagner une libéralisation des marchés, afin de ne pas nuire aux investissements privés.
L’une des priorités est ainsi d’investir dans la recherche et le développement afin de produire plus et mieux (I). Mais la lutte contre la stagnation séculaire passe également par des investissements dans des biens favorables à la collectivité, engendrant des externalités positives (II).
§1-La lutte contre la stagnation séculaire passe par un investissement en recherche et développement
« Les ordinateurs se voient partout, sauf dans les statistiques » déclarait Solow. En effet, la mesure du procès technique est difficile bien que depuis 2010 le système de compte européen l’intègre dans les statistiques. Si les modèles de croissance keynésiens peinent à la prendre en compte, les rendant obsolètes, ils soulignent l’importance du rôle de l’accumulation du capital (A) dans la croissance. Ainsi, le progrès technique est réel et influence grandement la production (b), près de 87,5% de la croissance américaine du début du XXIè siècle en est le résultat selon Solow. Ces investissements doivent s’accompagner de libéralisation des marchés pour les rendre efficace (C).
A-L’accumulation du capital est une nécessité pour permettre un redémarrage de la croissance en produisant plus
Le capital, en tant que facteur de production, est une nécessité pour les entreprises qui souhaitent investir. C'est ce que souligne les modèles keynésien notamment.
En effet, si selon Ricardo la croissance vient buter contre un état sttaionnaire, en raison des limites de productivité du secteur agricole (« c’est le produit du fermier qui régit le profit de tous les autres secteurs »), le progrès technique permet des gains de productivité qui permet de le repoussser. On retrouve ici également la théorie de Kuznets sur l’évolution des secteurs agricoles et industriels. Accumuler du capital permet ainsi de remplacer l’homme dans certaines tâches et de produire plus.
Domar souligne toutefois que cette croissance équilibrée est difficilement obtenue en raison d’un manque de coordination des individus. En effet, investir c’est à la fois créer des revenus, mais également augmenter l’offre. De fait, la hausse de la production résultant d’un investissement en capital doit trouver une demande. Or, Domar souligne que rien ne permet cet équilibre par défaut de coordination entre l’épargne, la structure de production et l’investissement
. . La hausse de la production peut être inflationniste ou bien déflationniste
De fait, il est nécessaire de coordonner les comportements des individus. Harrod parvient au même résultat, l’égalité entre le taux de croissance effectif (g=s/v), la croissance garantie (gga=s/v*) et la croissance permettant le plein emploi (gn=n) se fait « au fil du rasoir ». Toutefois, si ces modèles permettent de souligner le rôle du capital et du comportement des agents, ils peinent à prendre en compte le progrès technique puisque le coefficient d’intensité capitalistique y est constant. C’est justement la critique qui leur est adressé par Solow.
L’investissement en biens de production s’explique chez Aftalion par un « effet accélérateur » joué par la demande. Ce qui pourrait donc justifier des politiques de relance, qu’il faudrait alors orienter vers les secteurs où l’on souhaite investir. Par exemple, les voitures électriques et les différentes primes pour orienter la demande vers ce type de biens. Cette accélération se cumule selon le multiplicateur keynésien (1/1-c . ΔI) par des effets sur d’autres secteurs. Là encore la politique publique en investissant dans les domaines choisis, comme l’écologie, stimulerait les secteurs proches de ce domaine. Toutefois, l’investissement public est à la fois le remède et la maladie pour paraphraser Domar, c’est ce que souligne l’oscillateur de Samuelson. Une fois atteint le plein-emploi, l’investissement décroît, entraînant avec lui l’économie toute entière. Ainsi, en fonction de la propension marginale à consommer et de la structure de production, la croissance peut prendre diverses allures : amortie, explosive, s’éloignant de l’équilibre… Il est donc nécessaire que les investissements privés et publics soient coordonnés. C’est justement ce que soulignent Krugman et Summers dans leur approche de la stagnation séculaire : par un défaut de la demande en raison d’un trop plein d’épargne déprimant les taux d’intérêt à la baisse.
De fait, investissements publics et privés doivent être coordonnés notamment pour ne pas fausser la loi des débouchés de Say et permettre le marché d’investir de façon rentable, permettant de relancer l’économique par l’offre, plutôt que par la demande. L’investissement privé est donc central, il doit ainsi s’orienter davantage dans la recherche et le développement. Il doit accompagner la croissance des facteurs de production, comme le souligne le modèle de Solow. Cet équilibre étant permis par une bonne allocation des ressources comme le montre la règle d’or de Phelps, permettant une maximisation de la consommation par tête.
B-L’investissement privé dans la recherche et le développement permettra de sortir de la stagnation séculaire
La recherche et le développement n’est pas un phénomène nouveau puisqu’il a permis à de nombreux pays de connaître une forte croissance durant la révolution industrielle. C’est ce que souligne Schumpeter dans son modèle de la « destruction créatrice », l’innovation y est centrale, permettant à l’entrepreneur d’obtenir temporairement une situation de monopole et par la suite d’engendrer des « grappes d’innovation ». Toutefois, ces investissements doivent trouver une application concrète, d’où la différence entre innovations générales et incrémentales, elle doit en plus faire face à une demande solvable.
Romer souligne ainsi le rôle de la recherche et le développement en reprenant la fonction Cobb-Douglas. A ce titre, cet investissement est présenté comme une externalité positive et Romer, pour éviter l’existence de monopoles dus aux rendements d’échelles croissants utilise la distinction de Marshall entre économies d’échelle interne et externe. La recherche et le développement permet donc des économies d’échelle au niveau d’un secteur. Un cas typique peut être la Silicon Valley. Les investissements des entreprises doivent donc stimuler le progrès technique. Ce progrès technique va en effet modifier l’équilibre des producteurs, les productivités marginales des facteurs de production vont se retrouver changés, ce qui peut lui permettre d’effectuer des rendements de substitution et donc de modifier ses courbes de coûts moyens et marginales. On parle donc de neutralité du progrès technique pour mettre en évidence l’influence sur les facteurs de production du progrès technique. Harrod souligne qu’il augmente la productivité du travail, augmentant donc les salaires, ce qui peut-être à l’origine de chômage si la production n’augmente pas. Pour Solow, c’est le capital qui gagne en productivité et augmente donc l’emploi. Enfin, pour Hicks, le progrès technique affecte les deux facteurs.
De ce fait, la recherche et le développement en permettant via le progrès technique au producteur de repousser l’échelle minimum efficace est source de croissance.
Dans le modèle de Solow, le progrès technique va ainsi être à l’origine d’un accroissement de la production et va repousser l’état stationnaire.
Les entreprises doivent donc être incitées, notamment par des politiques publiques à investir dans la recherche et le développement. Le problème de la faible inflation est soulignée par Krugman, les producteurs étant incités à « faire dormir leur argent ». Il serait donc nécessaire de stimuler l’investissement, selon Krugman, par une hausse de deux points de l’inflation, passant de 2% à 4%. Ce qui demeure critiquable du fait de la perte de compétitivité-prix et des effets sur les marchés financiers que cela aurait.
Ainsi, les politiques publiques doivent soutenir les entreprises privées, ce que souligne les différents plans de relance proposés par le Gouvernement, en matière d’automobiles ou dans le domaine aérien. Toutefois, il ne doit pas gêner les investissements privés, puisqu’il présente en effet un fort effet d’éviction.
C-L’investissement public doit s’accompagner de politiques de libéralisation des marchés
Le problème de la stagnation séculaire est appréhendé chez Gordon par l’offre, puisqu’elle se heurte à différentes barrières en raison des rigidités des marchés. Ainsi, si la situation actuelle rend nécessaire des aides de l’Etat, elles ne doivent toutefois pas mettre en péril le libre fonctionnement des marchés.
En effet, comme le souligne Adam Smith et Young, l’offre créera sa propre demande (loi des débouchés de Say) et cette offre sera d’autant plus importante que le travail sera organisé par la firme. L’organisation du travail se développe ainsi en fonction du marché, permettant de produire plus. Or c’est justement le libre fonctionnement des marchés qui permet cette efficience de production. Conformément aux articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, l’Etat ne doit pas entraver la libre concurrence, sauf circonstances exceptionnelles (article 106, ou arrêt Corbeau de 1993 de la CJCE). L’investissement public est en effet à l’origine d’un effet d’évocation, comme le souligne le modèle IS/LM, les taux d’intérêts augmentant, ce qui est nocif pour l’investissement privé. De plus, les agents réduisent leur demande anticipant l’inflation comme le souligne l’équivalence ricardienne (et les anticipations rationnelles de Lucas et Muth ou adaptative (avec retard) de Friedman et Cagan). L’investissement public est en plus inflationnsite, ce que souligne le modèle AS/AD.
Ainsi, la libéralisation des marchés permettrait de produire plus, notamment via la mondialisation des échanges comme le met en évidence les avantages absolus chez Smith, ceux comparatifs de Ricardo ou le théorème HOS. L’investissement privé doit donc être tourné vers les marchés internationaux pour permettre le retour à la croissance. De plus, comme le souligne le modèle de Robbinson, ce sont les anticipations des produits des investisseurs qui permettent la croissance. En les réduisant, l’Etat devient néfaste pour l’économie.
Néanmoins, les différentes théories économiques ont pu souligner le rôle d’autres types d’investissements, tels que l’éducation ou les biens collectifs. C’est ce que souligne l’existence de « clubs de croissances » et donc la disparité des croissances à travers le monde. C’est d’ailleurs un des faits stylisés de Kaldor, il est nécessaire d’orienter les investissements vers ces secteurs.
§2-La lutte contre la stagnation séculaire passe par des investissements particuliers, sources d’externalités positives
Les théories économiques ont mis en avant le rôle joué par certains « biens collectifs » selon le terme de Samuelson (A). Toutefois, le capital humain joue également un rôle fondamental dans la croissance, c’est ce que montre la théorie de Rostow, selon laquelle il existe des préalables à la croissance (B). L’investissement dans le domaine écologique est également aujourd’hui un potentiel débouché pour l’économie (C).
A-Les politiques d’investissement doivent s’orienter vers les biens collectifs
En effet, les biens collectifs comme le souligne la théorie microéconomique sont fournis en quantité insuffisante, étant une défaillance de marché. En effet, étant ni excluable, ni rival, aucune entreprise n'est disposée à en produire, face a une asymétrie d'informations et l'existence de comportements opportunistes, comme le montre Olson et son passager clandestin. Pourtant, d’une part ils sont bénéfiques pour l’économie comme le souligne Barro, ils permettent le développement de certaines activités qui bénéficient de leur faible coût et de l’existence de rendements croissantes (limités par des effets d’encombrement). La loi Kaldor-Verdroon souligne également le rôle de l’investissement public dans le développement économique en permettant d’améliorer la productivité de certaines entreprises. Il est également possible d’évoquer l’identité Keynes-Kalecki pour souligner le rôle de ces biens collectifs. Toutefois, ils ne doivent pas non plus être fournis de façon trop importante par l’Etat, comme le souligne la courbe de gaffer et les théories du Public Choice (Mueller). L’Etat risque encore une fois de déprimer l’investissement privé par éviction et doit adopter une fiscalité appropriée (comme le souligne la règle de Ramsey) pour financer cet investissement. Il doit rester cantonner à certains domaines régaliens. Leur rôle a d’ailleurs été souligné par les théories institutionnalisées de la croissance comme celle de North. De plus, comme le met en évidence Hayek, l’investissement public peut être à l’origine d’un hiatus entre les structures de demande de biens de production et ceux de consommation, source d’inflation et de chômage : la stagflation.
Il est donc possible de fournir ces biens par des entreprises privées, elles auront dès lors des effets externes sur les autres entreprises, comme le souligne Nordhaus lorsqu’il montre que les biens collectifs peuvent s’appréhender comme des externalités positives. Pour ce faire, les entreprises privées pourront calculer la quantité d’équilibre de production, conformément aux conditions de Lindhal-Bowen en égalisant la somme des utilités marginales à celle des coûts marginaux. C’est dans ce sens que l’Etat a mis en place diverses concessions de service public, réformés par exemple par la loi Sapin de 1993. Le cas des autoroutes est significatif, étant géré par diverses entreprises privées (Vinci par exemple), et les prestations offertes profitent à de nombreuses autres entreprises, elles peuvent accroître leur productivité.
De ce fait, il peut être opportun d’orienter l’investissement dans des domaines qui sont sources d’externalités positives. C’est par exemple le cas du capital humain, qui peut, selon les théories, s’appréhender en bien collectif.
B-L’investissement doit également s’orienter vers la production de capital humain
Ce qui différencie les diverses économiques est souvent la maîtrise de certaines technologies, c’est ce que souligne le paradoxe de Léontief, mettant en avant les divergences en terme de capital humain entre les pays développés et ceux en développement. On retrouve ainsi la théorie de Rostow.
En effet, pour produire des biens d’une certains certaine technologie la maitrise de certaines compétences est nécessaire. Romer et Arrow soulignent l’importance du capital humain, en l’ajoutant aux autres facteurs de production dans la fonction de production de Cobb-Douglas. C’est le « learning by doing », en fait l’investissement génère lui-même des effets externes positifs (croissance endogène). Les pays qui tirent leur croissance de biens hautement technologiques connaissent une population avec un niveau élevé d’éducation.
Le capital humain peut être à d’origine diverses. Pour Barro et Arrow, c’est en effectuant de nouvelles tâches permises par le, progrès technique résultant de l’investissement. On peut comparer leur thèse avec celle de Becker, selon qui les entreprises « investissent » dans leurs employés en leur offrant un salaire plus élevé que celui du marché pour amortir par la suite en les incitant à développer leur formation spécifique à la firme. Pour Lucas toutefois, l’investissement en capital humain est le résultat d’un arbitrage rationnel des agents, et ne présente donc aucune externalité positive, en fonction de leurs préférences individuelles les agents arbitrent entre capital humain, autres types de consommation et travail. On peut y voir là une justification à un investissement public, comme le soulignent les éludent de Galor et Zeira ou de Bénabou, du fait de l’existence d’imperfections des marchés financiers (rationnement des crédits pour investir en capital humain), les individus moins aisés se voient contraints de sous-consommer du capital humain. Or celui-ci leur permet de gagner en productivité et donc au final de produire plus. Toutefois, ces investissements en capital humain doivent être coordonnés avec le marché du travail, ce qui explique les politiques d’intégration de différentes entreprises privées dans les conseils d’administration d’universités. En effet, comme le montre la théorie de l’appariement de Morensten, Diamond et Pissardies pour que le marché du travail atteigne le plein-emploi, il est nécessaire que le nombre de postes vacants soit égal à celui de chômeurs. Il est nécessaire d’orienter ces politiques d’investissement en capital humain pour éviter l’augmentation du chômage par de mauvais choix d’études.
Enfin, l’investissement en capital humain s’explique également par l’existence de « trappes à pauvreté », comme le met en évidence la théorie de Becker, Draine et Aziriadis. Il existe un arbitrage entre fertilité et investissement en capital humain, or selon ces auteurs, le capital humain ne présente des rendements croissants uniquement passé un certain stade, en-dessous la croissance demeure freinée.
Enfin, un autre domaine d’investissement peut aujourd’hui être l’environnement. Outre, les nécessités écologiques que souligne la crise sanitaire actuelle et les risques d’une croissance non-soutenable mis en évidence par le club de Rome et la rapport Meadows, ainsi que le rapport Brundtland en 1992, il s’agit d’un secteur présentent de forts potentiels, en terme d’innovation et de croissance.
C-Un « investissement vert » est aujourd’hui une possibilité pour relancer la croissance
Un investissement public et privé dans le domaine écologique semble aujourd’hui une voie potentielle pour relancer la croissance. C’est d’ailleurs ce que souligne le « Grenn new deal » de A. Ocasio-Cortez et celui proposé par l’Union européenne. Il pourrait d’ailleurs passer par une « mutualisation » des dettes publiques, en tout cas selon Ursula Von Der Leyen, malgré les oppositions des frugaux.
En effet, il pourrait d’abord s’agir d’un marché créant de nouveaux débouchés, conformément à la classification de Schumpeter en terme d’innovations. De plus, il s’agit d’un domaine nécessitant la maîtrise de hautes technologies, permettant des externalités positives sur d’autres secteurs (Romer) et d’améliorer également le capital humain en raison des importantes recherches qu’il est nécessaire d’effectuer. Les biens que ces investissements pourraient fournir sont en plus à « haute technologie générale » pour reprendre le terme de Helpman. Cette volonté d’investir dans le vert est d’ailleurs souligné par l’apparition de « nouveaux portefeuilles financiers » proposés par les différentes banques. L’écologie est en effet un secteur marqué par un grand nombre de « start-up » à haut potentiel (ayant donc un « goodwill » élevé). Les marchés financiers s’orientent donc bien vers ce secteur, ce qui peut justifier l’emploi de nouveaux instruments de mesure de la croissance, par exemple le « PIB vert ».
En outre, la création d’un marché de droits à polluer européen en 2005 conformément au protocole de Kyoto souligne l’efficacité du marché pour prendre en compte l’environnement. Il peut d’ailleurs être une source d’incitation afin d’investir dans l’écologie puisque les entreprises peuvent économiser en rendant leurs droits à polluer. Ce n’est rien d’autre que l’application du théorème de Coase. De ce fait, l’Etat est incité à créer le marché, son intervention étant requise pour créer un cadre favorable à l’investissement.
L’environnement est enfin source de pertes pour les entreprises, comme le souligne les grandes pertes dans différents Etats américains à l’occasion de cyclones ou même le confinement de ces dernières semaines. Il est donc rationnel d’investir massivement dans ce domaine, ce qui pourrait permettre de relancer la croissance et de créer de nouveaux emplois. Toutefois, l’Etat par son investissement ne doit pas gêner celui privé, il est d’ailleurs parfois mal calibré dans le temps comme le rappel l’incohérence-temporelle de Kydland et Prescott.
CONCLUSION :
Pour conclure, si la situation conjoncturelle explique la stagnation de la croissance, elle est également et surtout due à un phénomène structurel, de faible investissement. De ce fait, investissements publics et privés doivent être coordonnés afin d’orienter l’économie vers des secteurs à hauts potentiels, comme l’écologie, mais également la médecine par exemple. L’investissement doit aussi se faire en capital humain pour suivre ces orientations. Pour ce faire, l’intervention publique ne doit pas déprimer l’investissement privé.
De ce fait, conformément à l’approche de Summers et Krugman, le soutien à l’investissement passe également par des politiques de demande. Néanmoins, comme le souligne l’approche de Gordon de la stagnation séculaire, c’est surtout l’offre qui doit être soutenue par une flexibilité accrue des marchés favorisant l’investissement.