Le passage dévastateur du cyclone Chido sur l’île de Mayotte a plongé ce département d’outre-mer dans une situation de crise sans précédent. Face à l’ampleur des destructions matérielles et au lourd bilan humain, le Gouvernement a décrété un deuil national le 23 décembre 2024. Cette catastrophe climatique exceptionnelle a conduit à une mobilisation rapide des pouvoirs publics, illustrée par la saisine du Conseil d’État, le 20 décembre 2024, pour avis sur un projet de loi d’urgence destiné à répondre aux besoins immédiats et à engager la reconstruction de l’île.
Le projet de loi, constitué de vingt-deux articles regroupés en sept chapitres, prévoyait une série de mesures visant à répondre aux multiples défis engendrés par cette situation exceptionnelle. Il s’agit notamment d’organiser, par voie d’ordonnance et de dispositions législatives directes, la reconstruction des infrastructures essentielles, en dérogeant ou en adaptant certaines législations existantes en matière d’urbanisme, de construction et d’expropriation pour cause d’utilité publique. Par ailleurs, ce texte propose un dispositif de financement spécifique pour la reconstruction des écoles publiques communales et introduit des mesures fiscales, sociales et de commande publique.
Revenons sur son analyse par le Conseil d’Etat. Les sujets de fiscalité et de dons ne seront pas traités.
Synthèse :
Ø La continuité des services publics mahorais et les besoins d’hébergement d’urgence sont des motifs d’intérêt général permettant de déroger au droit commun.
Ø L’urgence permet d’accroître la compétence du Gouvernement démissionnaire au titre des affaires courantes.
Ø L’exigence constitutionnelle de précision de l’habilitation législative impose d’octroyer les compétences de reconstruction à un seul établissement public précisément déterminé.
Ø Les compétences de l’EPFAM – calquées sur celle de Grand Paris Aménagement - ne lui permettent pas en l’état de coordonner l’action des différents maîtres d’ouvrage mahorais et de se substituer à ceux qui seraient défaillants.
Ø Le Conseil d’Etat rappelle les règles de répartition de compétences entre le pouvoir réglementaire et législatif en matière de création d’établissements publics ou de modification de leur régime.
Ø Le financement par l’Etat de la reconstruction des écoles publiques porte une atteinte proportionnée à la libre administration des collectivités territoriales mahoraise au regard de l’exigence de continuité du service public de l’éducation et de cohésion nationale.
Ø Les dispositions de droit de l’urbanisme, de droit de la construction, de droit de l’expropriation et de droit de la commande publique sont validées sans difficultés. |
I. La continuité des services publics mahorais et les besoins d’hébergement d’urgence sont des motifs d’intérêt général permettant de déroger au droit commun.
En premier lieu, et à titre liminaire, le Conseil d’État souligne que l’intérêt général commande de prendre, dans les plus brefs délais, les mesures essentielles pour répondre aux besoins d’hébergement d’urgence des habitants de Mayotte, ainsi que pour reconstruire et réparer les bâtiments détruits ou endommagés, en particulier ceux affectés à des missions de service public. Il insiste également sur la nécessité de rétablir les infrastructures essentielles afin d’assurer la continuité des services publics et privés au bénéfice de la population. Cet impératif justifie non seulement la mise en place rapide d’une organisation et d’un soutien spécifiques, mais également le recours, en urgence, à des dérogations aux règles applicables, dans la stricte mesure où celles-ci sont nécessaires pour accélérer la réalisation des travaux indispensables à la réparation des dommages.
Ce n’est évidemment pas la première fois que les juges du Palais royal considèrent au titre de leur rôle consultatif que l’urgence tenant à la nécessité d’opérer des travaux permet de déroger à certaines règles de droit commun. Par exemple, dans son avis sur le projet de loi relatif à l’accélération de la reconstruction des bâtiments dégradés ou démolis au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 et au traitement des copropriétés dégradées, le Conseil d’Etat avait-il considéré que « l’intérêt général qui s’attache à remédier, dans les meilleurs délais, aux nombreux et importants dégâts causés aux bâtiments des quelque cinq cents communes françaises touchées par les événements, d’une ampleur inédite, survenus du 27 juin au 5 juillet 2023, en particulier aux immeubles dévolus à des missions de service public, afin de permettre la continuité des services, tant publics que privés, qui y étaient assurés au bénéfice de l’ensemble de leurs habitants, justifie qu’il soit dérogé, en urgence, à ces règles, dans la mesure nécessaire pour faciliter et accélérer la réalisation des travaux de réparation des dégâts » (C.E. avis, 11 juillet 2023, n° 407325, pt. 4).
II. L’urgence permet d’accroître la compétence du Gouvernement démissionnaire au titre des affaires courantes.
En deuxième lieu, le Conseil d’Etat va rappeler que l’urgence permet d’accroitre la compétence du Gouvernement démissionnaire au titre des affaires courantes, permettant ainsi à notre ancien Gouvernement démissionnaire de soumettre à la délibération du conseil des ministres ce projet de loi, le déposer sur le bureau de l’une des assemblées et, le cas échéant, en soutenir la discussion devant les assemblées parlementaires.
Il s’agit ici ni plus ni moins qu’un rappel classique de ce « principe traditionnel de droit public » selon lequel le Gouvernement démissionnaire est compétent au titre des affaires courantes pour garantir « l'intérêt de la continuité nécessaire des services publics », sauf cas d’urgence (C.E. 4 avril 1952, req. n° 86015). Dans cette espèce par exemple, les juges du Palais royal avaient déjà pu juger qu’un décret de 1946 ayant pour objet l’adaptation selon les circonstances locales à l'Algérie de la loi du 11 mai 1946 portant transfert et dévolution des biens et éléments d'actif d'entreprises de presse et d'information édicté par un Gouvernement démissionnaire est illégal en raison de son objet même, et à défaut d'urgence.
III. Concernant l’habilitation permettant la coordination de la reconstruction par l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte
En troisième lieu, le projet de loi prévoit d’habiliter le Gouvernement, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, à attribuer par ordonnance à l’établissement public foncier et d'aménagement de Mayotte (EPFAM), institué conformément à l’article L. 321-36-1 du code de l’urbanisme, la mission de coordonner les travaux de reconstruction de l’île. Cette habilitation inclut la responsabilité de garantir la livraison de tous les ouvrages et la réalisation des opérations d’aménagement, qu’elles soient menées par des acteurs publics ou privés, jugées indispensables à la reconstruction de Mayotte.
III.1. L’exigence constitutionnelle de précision de l’habilitation législative impose d’octroyer ces compétences à un seul établissement précisément déterminé.
D’abord, la version initiale du projet de loi prévoyait la possibilité de confier cette mission à l’EPFAM ou bien à un nouvel établissement public, ce qui n’aurait pas été conforme à l’exigence de précision des articles d’habilitation précise le Conseil d’Etat.
III.2. Les compétences de l’EPFAM – calquées sur celle de Grand Paris Aménagement - ne lui permettent pas en l’état de coordonner l’action des différents maîtres d’ouvrage mahorais et de se substituer à ceux qui seraient défaillants.
Ensuite, le Conseil souligne que la compétence de l’EPFAM est calquée sur celle de Grand Paris aménagement (l’article L. 321-36-1 du Code de l’urbanisme renvoyant à l’article L. 321-29 et suivants), de sorte qu’en l’état du droit positif, l’EPFAM n’est pas compétent pour coordonner l’action des différents maîtres d’ouvrage mahorais et de se substituer à ceux qui seraient défaillants. Ainsi, les juges du Palais royal invitent-ils le législateur à adopter une disposition législative pour étendre les missions de l’EPFAM.
III.3. Le Conseil d’Etat rappelle les règles de répartition de compétences entre le pouvoir réglementaire et législatif en matière de création d’établissements publics ou de modification de leur régime.
Enfin, le Conseil d’Etat revient sur les règles de répartition des compétences entre le pouvoir réglementaire et le pouvoir législatif concernant les établissements publics.
En effet, les juges du Palais royal rappellent que :
· Seul le législateur est compétent pour créer une nouvelle catégorie d’établissement public (article 34 de la Constitution) ;
· Pour éviter l’incompétence négative, le législateur s’il entend créer une nouvelle catégorie d’établissement public doit « en définit les règles constitutives » ;
· Le pouvoir réglementaire est compétent pour créer un établissement public relevant d’une catégorie prévue par le législateur ;
· A moins que le pouvoir réglementaire souhaite s’écarter des règles constitutives de cette catégorie d’établissement public (Avis du 23 avril 2019 sur le projet de loi pour la restauration et la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris, n° 397683). Ces règles constitutives comprennent la détermination et le rôle des organes de direction et d’administration, les conditions de leur élection ou de leur désignation et la détermination des catégories de personnes qui y sont représentées et celle des catégories de ressources dont peut bénéficier l’établissement (CC, décision n° 93-322 DC du 28 juillet 1993).
Or au cas présent, le Gouvernement prévoit de réviser la gouvernance de l’EPFAM afin d’intégrer, comme indiqué dans l’étude d’impact, « l’État, les collectivités territoriales mahoraises, ainsi que l’ensemble des opérateurs publics et privés et les acteurs économiques du territoire » dans son organisation et son fonctionnement. Toutefois, les dispositions législatives actuelles encadrant la composition des conseils d’administration des établissements publics de la même catégorie que l’EPFAM, tels que Grand Paris Aménagement, prévoient exclusivement la représentation de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale. Ces règles, relevant du domaine de la loi conformément à l’article 34 de la Constitution, nécessitent donc une habilitation législative pour être modifiées, afin de permettre l’intégration d’acteurs économiques dans la gouvernance de l’établissement.
En revanche, le Conseil d’État recommande de ne pas inclure dans l’habilitation des dispositions relatives au financement de l’EPFAM, les règles existantes offrant déjà une souplesse suffisante en la matière.
IV. Le financement par l’Etat de la reconstruction des écoles publiques porte une atteinte proportionnée à la libre administration des collectivités territoriales mahoraise au regard de l’exigence de continuité du service public de l’éducation.
En quatrième lieu, le projet de loi prévoit qu’à titre exceptionnel, l’État ou l’un de ses établissements publics pourra prendre en charge, jusqu’au 31 décembre 2027, les travaux de construction, reconstruction, rénovation, réhabilitation, extension, grosses réparations et équipement des écoles publiques situées dans les communes désignées par le ministre chargé de l’éducation nationale, en fonction des dégâts causés par le cyclone Chido. Ces dépenses, qui relèvent normalement de la responsabilité financière des communes conformément à l’article L. 212-4 du code de l’éducation, seront ainsi supportées par l’État ou l’établissement public désigné, en réponse à l’urgence et à l’ampleur des dommages subis.
Le Conseil d’Etat va souligner qu’il s’agit évidemment ici d’une atteinte à la libre administration des collectivités territoriales mahoraises et au droit de propriété des communes. Cependant, celle-ci est justifiée au regard de la nécessité de rétablir la continuité du service public de l’éducation et du principe de solidarité nationale, étant donné :
· Que la moitié des capacités d’accueil des élèves est détruite ou inutilisable ;
· Qu’avant même le cyclone Chido, les établissements scolaires avaient du mal à accueillir la population d’âge scolaire ;
· Que malgré les dotations mises à disposition par l’Etat aux communes après le cyclone, celles-ci ne sont pas en mesure de les consommer en totalité et de mener à bien l’intégralité des travaux ;
De plus, l’atteinte est proportionnée puisqu’il n’y a pas de transfert des compétences des communes à l’Etat, mais uniquement intervention temporaire de ce dernier. Toutefois, le Conseil d’Etat juge que pour limiter les atteintes portées à la libre administration, il serait opportun d’inclure une consultation de la commune avant l’intervention financière de l’Etat au titre des travaux effectués pour chaque école, qu’il s’agisse de la réparation ou bien de l’implantation et la capacité des écoles construites ou reconstruites, notamment de manière à faire valoir leur appréciation sur les conséquences pour elle des choix faits quant à leur budget ou leurs moyens
V. L’exemption de formalités d’urbanisme concernant les constructions dédiées à l’hébergement implantées pour moins de deux ans.
En cinquième lieu, le Conseil d’Etat valide la possibilité prévue par le projet de loi de dispenser de toute formalité d’urbanisme l’édification temporaire de structures à usage d’hébergement d’urgence des habitants de Mayotte pour une durée de deux ans. Cette dérogation reposerait sur une extension des cas de dispense prévue au b de l’article L. 421-5 du Code de l’urbanisme, lequel dispense de formalité lesconstructions, aménagements, installations et travaux en raison de la faible durée de leur maintien en place ou de leur caractère temporaire compte tenu de l'usage auquel ils sont destinés.
Bien que ces dispositions confient à un décret en Conseil d’État la définition des travaux concernés, le Conseil d’État considère qu’une disposition législative est justifiée dans ce cas particulier. En effet, les besoins exceptionnels de relogement dans des structures temporaires, qui exigent une réponse immédiate, ne s’inscrivent dans aucune des catégories prévues par l’article R. 421-5 du Code de l’urbanisme, qui précise justement les constructions dispensées de formalité en raison de la faible durée de leur maintien en place ou de leur caractère temporaire compte tenu de l'usage auquel elles sont destinées
Le Conseil d’État note également que la durée de deux ans inclut toutes les opérations liées à ces structures, du montage à l’aménagement, jusqu’au démontage, afin de garantir leur mise en œuvre dans des délais adaptés à l’urgence de la situation.
VI. L’habilitation à déroger à certaines règles de construction à Mayotte.
En sixième lieu, le projet de loi prévoit d’habiliter le Gouvernement, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, à modifier, par ordonnance, les règles applicables aux constructions réalisées à Mayotte après le 14 décembre 2024, afin de les adapter aux spécificités et contraintes particulières du territoire mahorais. Cette mesure vise à tenir compte des défis locaux et à faciliter une reconstruction adaptée aux besoins et aux réalités du département dans le contexte post-cyclonique.
Le Conseil d’État juge que le délai prévu pour cette habilitation est approprié à l’urgence des mesures à prendre et qu’il permet de les définir avec la précision nécessaire, tout en saluant l’exclusion des règles de sécurité du champ de cette habilitation. Toutefois, il souligne que l’habilitation apparaît particulièrement large, ne ciblant aucune législation spécifique malgré la diversité des normes applicables en matière de construction, et que l’objectif d’accélération ne justifie pas une modification générale des règles pour toutes les constructions à Mayotte sans limite de durée.
Pour éviter toute incohérence avec les dérogations en matière d’urbanisme prévues ailleurs dans le projet de loi, le Conseil d’État précise que l’habilitation doit se limiter aux adaptations des règles de construction en vigueur à Mayotte ou à de nouvelles modifications nécessaires pour accélérer la reconstruction ou éviter des complexités excessives. Avec cet encadrement, il estime que l’habilitation respecte les exigences de précision posées par la jurisprudence constitutionnelle.
VII. L’adaptation des procédures d’urbanisme et d’aménagement aux enjeux de la reconstruction à Mayotte.
En septième lieu, le projet de loi introduit plusieurs dispositions dérogatoires au droit de reconstruction à l’identique, tel que prévu par l’article L. 111-15 du Code de l’urbanisme. Inspirées de l’ordonnance n° 2023-870 du 13 septembre 2023, adoptée pour accélérer la délivrance et la mise en œuvre des autorisations d’urbanisme après les violences urbaines de l’été 2023, ces mesures sont élargies pour inclure les aménagements et installations. Le Conseil d’État n’émet pas d’observations particulières sur ces dispositions ni sur leur extension.
Cependant, pour garantir la sécurité juridique de ce régime dérogatoire, le Conseil d’État recommande d’en préciser la durée. En accord avec le Gouvernement, il propose de la limiter à deux ans.
Le projet de loi reprend également d’autres dispositions de l’ordonnance de septembre 2023, notamment celles réduisant les délais d’instruction des demandes d’urbanisme, permettant de substituer une participation électronique du public à une enquête publique, et autorisant l’anticipation des travaux préliminaires nécessaires à la reconstruction. Ces mesures ne suscitent pas non plus d’observations particulières de la part du Conseil d’État.
VIII. L’habilitation à légiférer par ordonnance pour mettre en œuvre des procédures spécifiques de prise de possession anticipée.
En huitième lieu, le projet de loi propose d’habiliter le Gouvernement à adopter, par voie d’ordonnance, des dispositions dérogatoires ou adaptées aux règles relatives à l’expropriation pour cause d’utilité publique. Ces mesures visent notamment à simplifier l’identification des propriétaires des terrains concernés et à permettre l’occupation provisoire et réversible de propriétés privées nécessaires à la réalisation de travaux. L’objectif est de faciliter la mise en œuvre des infrastructures publiques, des projets d’aménagement et de relogement, ainsi que des travaux d’extraction de matériaux indispensables à la reconstruction.
Le Conseil d’État relève que cette habilitation répond à une difficulté spécifique à Mayotte, où le régime particulier de la propriété privée, souvent caractérisé par l’indivision prolongée, rend complexe l’identification des propriétaires et constitue un obstacle majeur au lancement des travaux. Il recommande que l’habilitation inclue également des adaptations concernant l’indemnisation des propriétaires concernés, afin de garantir la conformité des dispositions à la Constitution. Par ailleurs, il propose de restreindre les travaux mentionnés à l’extraction de matériaux de construction, excluant les activités minières, jugées non pertinentes dans ce cadre.
Avec ces ajustements, le Conseil d’État considère que l’habilitation respecte les exigences constitutionnelles de précision requises par l’article 38 de la Constitution.
IX. Les adaptations et dérogations temporaires en matière de commande publique.
En neuvième lieu, le projet de loi prévoit des dérogations et adaptations temporaires au droit de la commande publique, visant à accélérer et faciliter les travaux de reconstruction et de réfection des équipements publics et des constructions endommagés par le cyclone des 13 et 14 décembre 2024. Ces mesures reprennent largement celles introduites par l’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023, adoptée sur le fondement de l’habilitation inscrite à l’article 2 de la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023, qui visait à répondre aux destructions causées par les violences urbaines de l’été 2023. Ces dérogations permettent une simplification des procédures afin de répondre à l’urgence des besoins de reconstruction.
C’est le chapitre V du projet de loi déposé à l’Assemblée nationale qui comporte les mesures relatives à la commande publique – dont l’application est limitée à deux ans -, lesquelles sont :
· La possibilité d’utiliser une procédure négociée, sans publication préalable d’un avis d’appel à la concurrence mais avec mise en concurrence, pour attribuer les marchés de travaux liés à la reconstruction ou à la réfection des équipements publics et bâtiments endommagés, à condition que leur montant soit inférieur à 2 millions d’euros hors taxes (article 11) ;
· La possibilité de négocier sans publicité ni mise en concurrence préalable les marchés de travaux, fournitures et de services soumis au code de la commande publique nécessaires pour remédier aux conséquences de la calamité naturelle et répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 euros hors taxes (article 11) ;
· La possibilité pour les maîtres d’ouvrage de ne pas allotir les marchés nécessaires à la reconstruction ou à la réfection des équipements publics et bâtiments, indépendamment de leur montant estimé, sans qu’il soit nécessaire de justifier l’application des exceptions prévues à l’article L. 2113‑11 du Code de la commande publique (article 12) ;
· L’instauration d’un nouveau cas de recours au marché de conception-réalisation, en vertu de l’article L. 2171‑2 du code de la commande publique. Les maîtres d’ouvrage soumis à la réglementation de la maîtrise d’ouvrage publique peuvent confier à un opérateur économique une mission globale englobant à la fois les études et l’exécution des travaux de reconstruction ou de réfection des équipements publics et bâtiments endommagés sans limite de montant estimé (article 12) ;
Le Conseil d’Etat valide d’abord la possibilité pour les maîtres d’ouvrage d’utiliser une procédure négociée, sans publication préalable d’un avis d’appel à la concurrence mais avec mise en concurrence, pour attribuer les marchés liés à la reconstruction ou à la réfection des équipements publics et bâtiments endommagés, à condition que leur montant soit inférieur à 2 millions d’euros hors taxes :
· Le seuil prévu est inférieur au seuil prévu par la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative aux marchés de travaux ;
· Les marchés en question ne sont pas susceptibles de présenter un intérêt transfrontalier ;
· Les pouvoirs adjudicateurs continueront d’être tenus de respecter les exigences d’égalité devant la commande publique et de bon usage des deniers publics.
Ensuite, les juges du Palais royal ne trouvent rien à redire non plus concernant la possibilité de négocier sans publicité ni mise en concurrence préalable les marchés de travaux, fournitures et de services soumis au code de la commande publique nécessaires pour remédier aux conséquences de la calamité naturelle et répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 euros hors taxes.
Le projet de loi introduit la possibilité, pour une durée limitée, de passer des marchés de travaux, fournitures et services d’une valeur estimée inférieure à 100 000 euros hors taxes sans publicité ni mise en concurrence préalable.
En effet, certes le Conseil d’État rappelle que le Code de la commande publique prévoit déjà plusieurs dispositifs permettant de déroger aux règles habituelles en cas de circonstances exceptionnelles, sans qu’une nouvelle loi soit nécessaire. Ainsi, le titre premier du livre VII de la deuxième partie du code, en vigueur depuis 2020, établit des règles applicables en cas de circonstances exceptionnelles déclenchées par décret. De plus, l’article L. 2122-1 autorise le recours à des marchés sans publicité ni mise en concurrence « lorsque en raison notamment de l'existence […] d'une urgence particulière, de son objet ou de sa valeur estimée, le respect d'une telle procédure est […] manifestement contraire aux intérêts de l'acheteur ou à un motif d'intérêt général ». Enfin, l’article R. 2122-1 permet aux acheteurs publics de déroger aux formalités habituelles en cas d’urgence impérieuse.
Cependant, le Conseil d’État reconnaît que l’urgence au sens de ces dispositions du Code de la commande publique fait l’objet d’une interprétation stricte, ce qui pourrait limiter son application à l’ensemble des travaux nécessaires dans le contexte exceptionnel de Mayotte. Il souligne également que la durée de vingt-quatre mois prévue pour cette dérogation est justifiée par l’ampleur des destructions et la complexité des opérations de reconstruction. En conséquence, et à l’instar de son avis sur la loi consécutive aux violences urbaines de 2023, il estime que les dispositifs existants ne suffiraient probablement pas à répondre pleinement aux besoins, justifiant ainsi l’introduction de mesures spécifiques dans le projet de loi.
Enfin, et de manière lapidaire, le Conseil estime que les mesures permettant de déroger au principe d’allotissement ainsi que le recours à des marchés globaux ne posent pas de difficultés au regard des exigences constitutionnelles ou conventionnelles.