La commune de Villefranche-de-Rouergue a initialement confié la gestion d'un camping municipal à un opérateur privé de 2006 à 2019. En 2019, faute de candidats lors d'une consultation pour le renouvellement de la gestion, la commune a décidé de reprendre en régie l'exploitation du camping. En novembre 2022, le conseil municipal a approuvé un bail emphytéotique administratif (ci-après « BEA ») pour la saison 2023. En mai 2023, le conseil municipal a adopté le projet de BEA avec la société Only camp pour 25 ans, débutant en juillet 2023.
Le préfet de l'Aveyron a demandé au juge des référés de suspendre l'exécution de ce contrat de BEA signé en juin 2023 au motif que le BEA litigieux, qui a pour objet de confier à un opérateur économique l’exploitation d’un service public et donc l’exercice d’une mission de service public, prévoit la réalisation de travaux en réponse aux besoins de la commune, ce qui est proscrit par l’article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales.
Le préfet saisit donc le juge des référés en vertu de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales pour demander la suspension de l'exécution du contrat de BEA.
La CAA rappelle que les biens des collectuvités peuvent faire l’objet d’un BEA prévu à l’article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime (article L. 1311-2 CGCT), en vue de la réalisation d’une opération d’intérêt général relevant de sa compétence ou en vue de l’affectation à une association cultuelle d’un édifice du culte ouvert au public. Toutefois, un tel contrat qui peut notamment être passé sur le domaine public « ne peut avoir pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures, la prestation de services, ou la gestion d’une mission de service public, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, pour le compte ou pour les besoins d’un acheteur ou d’une autorité concédante soumis au code de la commande publique » (article L. 1311-2 CGCT).
Il ressort des motifs de la délibération de la commune ayant autorisé la conclusion du BEA que :
· la commune est labellisée "grands sites Occitanie / Sud de France" et aspire à renforcer son attrait touristique, considérant que le camping joue un rôle crucial dans ce développement.
· Elle a également souligné la nécessité d'effectuer des investissements importants pour répondre aux évolutions des attentes de la clientèle, notamment la rénovation des installations d'accueil et des sanitaires, ainsi que le remplacement des hébergements en toile. La commune souhaitait externaliser ces dépenses d'investissement.
· La délibération municipale approuvant le BEA précisait que ce contrat permettait de confier à un professionnel du secteur touristique la gestion, l'entretien, et le développement du camping sur une durée de plus de 18 ans, conférant à l'exploitant des droits réels sur le domaine public de la commune. L'exploitant devait verser une redevance, pouvant être fixe ou variable, à la commune. À la fin du bail, la commune récupérerait le camping avec toutes les améliorations apportées par l'exploitant. Les modalités du projet, y compris le programme de travaux, la durée du bail, et le montant de la redevance, seraient négociées.
Par ailleurs, le contrat de BEA conclu prévoyait que l'exploitant s'engageait à entretenir, maintenir, et développer les équipements du camping, en échange de quoi il devait réaliser des travaux d'amélioration pour un montant prévisionnel significatif. Ces travaux comprenaient des aménagements paysagers, la rénovation de l'accueil épicerie, le réaménagement de la restauration, la rénovation des sanitaires, et l'installation de nouveaux hébergements locatifs. Il était expressément stipulé que ces investissements constituaient un engagement qualitatif de l'exploitant, devant être réalisés avant la fin de l'année 2025. De plus, le contrat prévoyait que toutes les améliorations et travaux réalisés deviendraient la propriété de la commune à la fin du bail, sans nécessiter d'acte supplémentaire.
Ces éléments ont suscité des doutes sérieux quant à la légalité du contrat de BEA, notamment en ce qui concerne sa conformité aux dispositions du 3ème alinéa de l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales, étant donné que la commune confiait à un opérateur tiers la réalisation de travaux importants pour un service public, ce qui peut être incompatible avec la législation en vigueur.
Le TA a donc suspendu l’exécution du ce contrat administratif.