En bref :
- Les fédérations pour la gestion du livre des origines félines peuvent imposer une identification génétique et la réalisation d'un test portant sur un gène spécifique pour l'enregistrement d'une déclaration de saillie et de naissance, ainsi que des tests de filiation pour inscrire des chatons dans les livres généalogiques de races.
- Ces férédations réalisent une mission de service public de nature administrative.
1 – Faits et procédure. En l’espèce, un éleveur de chats de race, le « Scottish Highland », demande l’annulation de la délibération par laquelle le conseil d'administration de la fédération pour la gestion du livre officiel des origines félines a décidé notamment qu'à compter du 1er janvier 2020, d'une part, les chats reproducteurs de cette race devraient faire l'objet d'une identification génétique et d'un test portant sur le gène "fold" pour l'enregistrement d'une déclaration de saillie et de naissance et, d'autre part, des tests de filiation devraient être fournis pour les chatons au moment de la demande de pedigree les concernant.
Il conteste également le rejet du recours gracieux qu'il a formé contre cette délibération, en tant qu'elle prévoit que des tests de filiation doivent être réalisés pour des chatons au moment de la demande de pedigree.
2 – Question de droit. De telles décisions sont-elles légales ?
3 – Solution. Le Conseil d’État commence par rappeler le cadre juridique applicable aux félins de race.
3.1 – Cadre juridique. En effet, l'inscription dans les livres généalogiques des chiens et chats de race permet de déterminer l’appartenance d’un animal à une race (article III de l'article L. 214-8 du code rural et de la pêche maritime).
Ces livres généalogiques, (un pour les chiens, un pour les chats) est tenu par une fédération nationale agréée, ouverte notamment aux associations spécialisées par race. L'association spécialisée la plus représentative pour chaque race ou groupe de races, sous réserve qu'elle adhère à la fédération tenant le livre généalogique, dans les conditions prévues par les statuts de ladite fédération, peut être agréée. Dans ce cas, si elle obtient l’agrément, elle est alors chargée de définir les standards de la race ainsi que les règles techniques de qualification des animaux au livre généalogique en accord avec la fédération tenant le livre généalogique (article D. 214-8 du même code).
Par arrêté du 1er août 2006, le ministre de l'agriculture et de la pêche a agréé la fédération pour la gestion du livre des origines félines en qualité de fédération chargée de la tenue du livre généalogique pour les animaux de l'espèce féline.
Toutefois, aucune association spécialisée pour une race de chats n’a été agréée.
3.2 – L’activité de la fédération est un SPA. De ce fait, c’est la fédération pour la gestion du livre des origines félines qui est chargée :
- d'inscrire les chats de race au livre officiel des origines félines,
- de veiller au respect de la réglementation en vigueur par les éleveurs et propriétaires de ces chats,
- de définir les standards de cette race ainsi que les règles techniques de qualification des animaux au livre généalogique.
Le Conseil d’État en déduit de façon lapidaire qu’elle « assume à ce titre une mission de service public à caractère administratif ».
3.3 – Légalité externe. Par voie de conséquence, la légalité externe de cette décision doit s’apprécier au regard des statuts de la fédération.
3.4 – Légalité interne. Quant à la légalité interne, le Conseil d’État souligne que les chats de race « Scottish Highland » se distinguent par des oreilles courtes et repliées vers l'avant, à plat. Cette caractéristique physique, se manifeste généralement trois ou quatre semaines après la naissance du chaton selon les données scientifiques disponibles et résulte d'une mutation du gène appelé « Straight » dans sa version non mutée et « Fold » dans sa version mutée. Cette particularité physique est observable aussi bien chez les chats hétérozygotes, qui portent un seul gène « Fold » sur la paire de chromosomes concernés, que chez les chats homozygotes, porteurs du gène « Fold » sur les deux chromosomes. Par ailleurs, cette mutation génétique peut entraîner des malformations du cartilage susceptibles de provoquer, dans des cas graves, des douleurs et une forme d'arthrite chronique appelée « ostéochondrodysplasie », engendrant des conditions de vie difficiles pour les animaux affectés. Selon les données scientifiques disponibles, cette forme grave est beaucoup plus fréquente chez les animaux homozygotes. En conséquence, la Fédération nationale du livre officiel des origines félines a interdit la reproduction entre deux animaux présentant le caractère « Fold », qu'ils soient hétérozygotes ou homozygotes, dans le but d'éviter la naissance de chatons homozygotes.
En plus de cette interdiction, la décision contestée exige que les animaux reproducteurs soient soumis à un test génétique pour identifier le gène « Fold » lors de l'enregistrement d'une déclaration de saillie et de naissance, c’est cet élément de la décision qui est contestée par l’éleveur.
Les juges du Palais royal vont alors rejeter le REP, car cette mesure vise à prévenir la propagation de ce gène sous forme homozygote au sein de la population féline et à contribuer à l'avancement des connaissances scientifiques sur ce gène.
Enfin, la décision contestée impose la réalisation d'un test de filiation pour tout chaton au moment de la demande de pedigree. Bien que cette exigence entraîne des contraintes et des coûts pour les éleveurs, elle est justifiée par l'objectif évoqué précédemment. De plus, l’éleveur ne démontre pas que le coût de cette mesure serait disproportionné par rapport au prix de vente d'un chat de race.