Veille commande publique semaine du 22 mai 2023

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Veille commande publique du 22 mai 2023

Veille commande publique du 22 mai 2023

Veille commande publique semaine du 22 mai 2023

Tribunal administratif de Pau, 15 mai 2023, 2301026 : RÉFÉRÉ PRÉCONTRACTUEL : 

 

Résumé : 

-Bien que les documents de la consultation ne le prévoient pas, il est possible d’attribuer une note négative si cela est logique à la vue des critères retenus. 

-Rappel du contrôle de la dénaturation de l'offre

 

Un département lance une procédure d'appel d'offre ouverte pour la passation d'un marché public de travaux portant sur les travaux préliminaires à l'aménagement d'une voie verte sur l'emprise d'une voie ferrée désaffectée dont la gestion lui a été conventionnellement confiée. Ce contrat comporte, selon le cahier des charges, le démantèlement, selon les indications du cahier des charges, d'une quantité de rails et autres produits ferreux et d'une quantité de traverses en bois. Les travaux consistent à démonter, évacuer et valoriser ou éliminer l'ensemble de ces matériaux, étant précisé que la valorisation concerne principalement les matériaux ferreux destinés à être vendus et, par suite, à procurer des recettes à l'attributaire du marché. 

 

Une société a présenté une offre pour l'attribution du lot portant sur des travaux de démantèlement de la voie ferrée. Par un courrier, le président du conseil départemental l'a informé du rejet de son offre et de l'attribution du marché à une société concurrente. 

 

1 - Absence d’insuffisance d’information des candidats sur le critère du prix et prix négatif 

 

Le règlement de la consultation prévoit que les offres pour le lot sont évaluées au moyen de deux critères, le prix des prestations pondéré à 60 points et la valeur technique pondérée à 40 points - déclinée en sous critères. Il prévoit également que le prix est un prix global et forfaitaire et que chaque candidat doit en présenter la décomposition en deux valeurs, la première, pour la dépose, l'évacuation et la valorisation des matériaux ferreux et la seconde pour "la dépose, l'évacuation ou l'élimination en filière agréée des traverses en bois « .

 

Le Tribunal administratif rappelle les dispositions légales en matière d’information des critères (article L. 3 pour les principes fondamentaux et L. 2152-7 du code de la commande publique). Puis par un considérant de principe rappelle qu’ « il appartient au juge du référé précontractuel de vérifier que les critères de sélection des offres ne sont pas, au regard des documents constitutifs de la consultation et du déroulement de cette dernière, affectés d'incertitudes et d'ambiguïtés résultant d'imprécisions ou de contradictions, en méconnaissance de l'obligation de transparence qui incombe au pouvoir adjudicateur ».

 

La société requérante se prévaut de l’ambiguïté des documents de consultation dans la mesure où ceux-ci ne prévoient pas explicitement la possibilité d’attribuer des notes négatives. 

 

Le Tribunal énonce cependant que « nécessairement le prix de leur offre en fonction des recettes issues de la valorisation d'une grande quantité de matériaux, déduction faite des coûts des travaux de dépose de la voie ferrée. Un prix nul ou un prix négatif - consistant à reverser une partie des recettes de valorisation - est une hypothèse logique et constitutive de ce type de marchés de travaux. Il s'ensuit que les candidats, clairement informés de la nature des travaux et des volumes des matériaux à valoriser étaient, sans ambiguïté, mis à même de comprendre que le prix des travaux pouvait conduire à un prix intermédiaire, voire global, nul ou négatif. Dans ces conditions, en indiquant pas explicitement dans les documents de la consultation l'éventualité d'un prix nul ou négatif, le département des Landes n'a pas méconnu le principe de transparence de la commande publique ni le principe d'égalité de traitement des candidats ». 

 

2 - Dénaturation de l'offre proposée par la société

 

La requérante soutient ensuite que la note attribuée pour le critère technique ne permet pas d’apprécier véritablement sa compétence et son expérience, et a donc dénaturé le contenu de son offre. 

 

Le Tribunal rappelle tout d’abord la limite du contrôle opéré par le juge du référé en matière d’appréciation des offres : « Il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats. »

 

Ensuite, il énonce qu’ « en soutenant que la note qui lui a été attribuée sur le critère technique ne reflèterait pas le niveau de son expérience et de sa compétence technique, la société Aspir Adour n'établit pas la dénaturation de son offre, mais conduit le juge à apprécier les mérites de celle-ci, ce qui ne relève pas de son office ». 

 

De plus, le Tribunal rappelle que « la requérante pointe la note de 4/6 obtenue au sous-critère relatif à la " prise en compte des contraintes et exigences du contexte " en faisant valoir qu'il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir précisé les conditions d'exécution du marché pour le pont de l'Adour, non expressément visé par les documents de la consultation, et en soutenant qu'elle aurait dû avoir 6/6. Dès lors que le cahier des charges attirait l'attention des candidats sur les conditions d'exécution et les précautions à prendre pour les ouvrages d'art présents sur le linéaire de voie ferrée et qu'il n'est pas contesté que le pont de l'Adour est l'un de ceux-ci, la prise en compte de cet ouvrage dans la notation n'est pas de nature à révéler une dénaturation de l'offre de la société requérante ».

 

Enfin, le tribunal conclut que « contrairement à ce qui est soutenu, il ne ressort ni du rapport d'analyse des offres ni des pièces du dossier que le pouvoir adjudicateur, en évoquant la spécialité de la société Aspir Adour sous la dénomination " location avec opérateur d'excavatrices aspiratrices ", se serait mépris sur le champ de ses compétences techniques et aurait dénaturé son offre ». 

 

Le recours est donc rejeté.

 

Tribunal administratif de Toulouse, 19 mai 2023, 2302435 : RÉFÉRÉ PRÉCONTRACTUEL : 

 

Résumé : 

-Offre anormalement basse : rappel de l'obligation de mettre le candidat de s’expliquer, et un écart de prix inférieur de – 28 à – 34 % entre les offres attributaires et l’offre de la société requérante ne permet pas, à lui seul, de rejeter les offres comme anormalement basse. 

-L’analyse des capacités des membres d’un groupement d’entreprises peut avoir lieu après analyse des offres si un enjeu fort d'exécution simultanée de travaux sur l'ensemble des lots le justifie 

 

En l’espèce, par un avis d'appel public à la concurrence en date du 23 décembre 2022, Toulouse métropole a lancé une consultation en vue de la passation d'un accord-cadre de travaux de voirie divisé en 9 lots. La société Eurovia Midi-Pyrénées a candidaté pour les lots n°s 2, 3, 4 et 7 de cette consultation au sein d'un groupement d'entreprises dont elle était le mandataire. Par un courrier Toulouse métropole l'a informée du rejet de ses offres. 

 

La société requérante demande au juge du référé précontractuel, à titre principal d’ordonner la reprise de la procédure de passation en cause au stade de l'analyse des offres et à titre subsidiaire, d'annuler cette procédure de passation.

 

1 - Caractère anormalement bas des offres 

 

La société requérante fonde ses demandes sur l’existence d’une offre anormalement basse. 

 

Rappelons qu’une offre est anormalement basse si son « prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché » (article L. 2152-5 du code de la commande publique). Dans ce cas, l’acheteur doit permettre au candidat de s’expliquer (article R. 2152-3 du même code). 

 

Au terme d’un considérant de principe, le Tribunal rappelle que « quelle que soit la procédure de passation mise en œuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu'une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé, sans être tenu de lui poser des questions spécifiques. Si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché, il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter l'offre. Le caractère anormalement bas ou non d'une offre ne saurait résulter du seul constat d'un écart de prix important entre cette offre et d'autres offres que les explications fournies par le candidat ne sont pas de nature à justifier et il appartient notamment au juge du référé précontractuel, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si le prix en cause est en lui-même manifestement sous-évalué et, ainsi, susceptible de compromettre la bonne exécution du marché. »

 

En l’espèce, il ressort des éléments soumis au juge que la réponse du mandataire du Groupement d’entreprises évincé est suffisant pour considérer que les prix proposés seraient manifestement sous-évalués et, ainsi, susceptibles de compromettre la bonne exécution du marché, ce alors même qu'ils ressortent, pour ces quatre lots, inférieurs à ceux proposés par la société requérante.

 

2 - Absence de méconnaissance des dispositions de l'article R. 2144-3 du code de la commande publique relatives à l’appréciation des aptitudes du candidat 

 

L'article R. 2144-3 du code de la commande publique dispose que  « la vérification de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière et des capacités techniques et professionnelles des candidats peut être effectuée à tout moment de la procédure et au plus tard avant l'attribution du marché ». 

 

Le Tribunal valide le fait que « l'article 8.1 du règlement de consultation que, estimant que l'accord-cadre en litige présentait un enjeu fort d'exécution simultanée de travaux sur l'ensemble des lots, le pouvoir adjudicateur a souhaité s'assurer que chaque attributaire de lot aurait les capacités techniques, financières et professionnelles pour exécuter un ou plusieurs lots et, qu'à cette fin, il a décidé que l'analyse de ces capacités s'effectuerait postérieurement à l'analyse des offres ».

 

3 - Absence de capacités humaines insuffisantes de l’entreprise retenue 

 

Ensuite, le GME évincé se prévaut de la méconnaissance du critère tenu de l’effectif suffisant, les sociétés retenues disposeraient d'un effectif réduit et insuffisant d'équipes en cas de simultanéité de chantiers en hypothèse permanente ou maximum et la fourniture par les candidats de renseignements erronés sur leurs capacités professionnelles, techniques et financières est susceptible de porter atteinte au principe d'égalité de traitement entre les candidats.

 

Le juge administratif qu’en vertu des articles L. 2142-1 du code de la commande publique, et de l’article 3 de l’arrêté du 22 mars 2019, « le pouvoir adjudicateur doit contrôler les garanties professionnelles, techniques et financières des candidats à l'attribution d'un marché public et que cette vérification s'effectue au vu des seuls renseignements ou documents prévus par les prescriptions de l'arrêté ministériel précité. Les documents ou renseignements exigés à l'appui des candidatures doivent être objectivement rendus nécessaires par l'objet du marché et la nature des prestations à réaliser. Le juge du référé précontractuel ne peut censurer l'appréciation portée par le pouvoir adjudicateur sur les niveaux de capacité technique exigés des candidats à un marché public, ainsi que sur les garanties, capacités techniques et références professionnelles présentées par ceux-ci que dans le cas où cette appréciation est entachée d'une erreur manifeste ». 

 

Le Tribunal rappelle que « la qualification de chefs de chantier pour l'exécution simultanée des lots attribués, le règlement de consultation ne prévoyait pas l'obligation de distinguer spécifiquement cette qualification dans les dossiers de candidatures et les éléments fournis par le groupement sont conformes à ce qui peut seulement et limitativement être exigé par le pouvoir adjudicateur en vertu de l'article 3 de l'arrêté du 22 mars 2019 précité. En tout état de cause, au vu des éléments versés dans l'instance s'agissant des effectifs globaux des entreprises composant le groupement et en particulier de l'effectif d'employés, techniciens et agents de maîtrise (ETAM), Toulouse Métropole a pu estimer, sans commettre d'erreur manifeste, que le groupement attributaire disposait des moyens humains suffisants pour l'exécution des lots en cause. ». 

 

4 - Moyen tiré de la méconnaissance du règlement de consultation par l'attribution de plus de 5 lots au même candidat 

 

En ce qui concerne ce moyen, le Tribunal rappelle que « certes, le règlement de consultation prévoyait une limitation d'attribution à 5 lots par groupement, les groupements candidats étaient différemment constitués et le pouvoir adjudicateur n'a donc en réalité pas attribué plus de 5 lots à un même groupement »

 

TA Toulouse, 23 mai 2023, n°2302788 : RÉFÉRÉ PRÉCONTRACTUEL : 

 

Résumé : 

-Rappel de la non-communication de la méthode de notation retenue pour apprécier les offres au regard de chacun des critères

-Conditions pour usiter de la note 0

 

 

En l’espèce, une commune conclu un marché public ayant pour objet une prestation de maîtrise d'oeuvre pour la conception d'une place publique. Elle retient pour choisir l'offre économiquement la plus avantageuse, trois critères de sélection : le prix pondéré à 40%, la valeur technique également pondérée а 40%, enfin les délais de livraison pondérés à 20%. Pour noter ce dernier critère, le pouvoir adjudicateur, ayant estimé ce délai а 34 semaines, a posé comme principe que la note 0 serait attribuée au cas où le soumissionnaire proposerait un délai supérieur à 42 semaines ou inférieur à 26 semaines et a prévu l'application d'un pourcentage de variation à la note de 15, en faveur du candidat si le délai est plus court, en sa défaveur s'il est supérieur.

 

La société évincé obtient la note 0, n’ayant pas justifié de ses délais de livraison. 

 

Le tribunal rappelle classiquement que « pour assurer le respect des principes de liberté d'accès а la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, rappelés par le II de l'article 1er du code des marchés publics applicable а tous les contrats entrant dans le champ d'application de celui-ci, le pouvoir adjudicateur a l'obligation d'indiquer dans les documents de consultation les critères d'attribution du marché et leurs conditions de mise en oeuvre. Il n'est en revanche pas tenu d'informer les candidats de la méthode de notation retenue pour apprécier les offres au regard de chacun de ces critères ». 

Le Tribunal juge ainsi que l’évaluation du critère de livraison n’a pas à être justifiée en l’espèce, et que la société ne produisant aucun élément permettant d’évaluer ses délais de livraison, la société évincée « ne se prévalant ainsi pas de manquements qui, eu égard а leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, elle ne peut être regardée comme justifiant être au nombre des personnes habilitées à agir visées par les dispositions précitées de l'article L. 551-1 du code de justice administrative ». 

 

Le recours est donc rejeté. 

 

TA Polynésie française, 09/05/2023, n°2200206 : CONTENTIEUX DE L’EXÉCUTION

 

Résumé : le covid ne constitue pas un cas de force majeure irrésistible pour l’exécution d’un marché de réalisation de schéma directeur du plan de transition écologique et énergétique d’un Port, si un premier report de 41 jours a été prononcé eu égard par ailleurs à la possibilité de poursuivre les communications et études par télétravail.

 

En l'espèce, par un acte d’engagement le mandataire d’un groupement d’entreprises a signé un marché de fourniture de services ayant pour objet l'élaboration du schéma directeur du plan de transition écologique et énergétique d’un Port autonome. Le délai d'exécution du marché a été fixé à 35 semaines. Par ordre de service le démarrage des prestations a été fixé à la date du 25 novembre 2019. Le délai contractuel fixé pour l'exécution des travaux étant de 35 semaines, ceux-ci devait être achevés le 27 juillet 2020. Une décision du 26 juin 2020 a, à la demande du mandataire du groupement, prolongé le délai d'exécution de 41 jours, puis les travaux ont été successivement ajournés de 47 jours par ordre de service (OS) du 27 novembre 2020 et de 40 jours par OS du 23 avril 2021, l'achèvement des travaux était ainsi reporté au 2 décembre 2020. Par décision du 18 octobre 2021, le représentant du maître d'ouvrage a décidé que " la réception des prestations est prononcée sans réserve avec effet à la date du 24 juillet 2021. Les réserves ont été levées le 2 septembre 2021 ". Le décompte final et l'état du solde du 15 octobre 2021 adressés à l'entreprise mettent à la charge du groupement la somme de 6 232 083 F CFP au titre de 235 jours de pénalités de retard. 

 

Le mandataire du groupement a saisi le Port autonome d'un mémoire en réclamation le 30 décembre 2021 contestant les pénalités ainsi mises à sa charge. Elle soutient que les retards de délivrance de ses prestations sont imputables à des fautes du Port autonome dans l'exécution de ses obligations contractuelles et à la situation de force majeure qui a résulté de la crise sanitaire liée à la covid 19. Le Port autonome expose en réponse que, sous réserve de l'approbation du conseil des ministres, l'établissement est disposé à réduire les pénalités de retard appliquées à la société requérante à un montant de 5 781 251 F CFP, afin de prendre en compte le retard de 17 jours dans la transmission de la liste des amodiataires et l'invite à produire tout document susceptible de justifier une réduction supplémentaire.

 

Le Tribunal rappelle classiquement que « les pénalités de retard prévues par les clauses d'un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer à l'acheteur public le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus. Elles sont applicables au seul motif qu'un retard dans l'exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi. Le titulaire est toutefois fondé à demander à être exonéré de l'application de ces pénalités si le retard de l'exécution des prestations ne lui est pas imputable, étant le fait du maitre d'ouvrage ou d'un autre intervenant au marché, ou provenant d'un événement constituant un cas de force majeure ».

 

1 - Faute de l’acheteur 

 

D’abord, le cocontractant se prévaut d’une faute de l’acheteur pour s’exonérer de toute responsabilité. Il soutient que le Port n’a pas fourni les informations suffisantes, et n’a pas respecté la procédure de collecte de données (réalisation de réunions ; réunion de sensibilisation des occupants du Port autonome de Papeete par secteur d'activités, sous l'égide du Port autonome de Papeete ; envois de lettres de sensibilisation) pour lui permettre de s’exécuter alors même que ces obligations étaient prévues dans les documents contractuels. 

 

Le Tribunal souligne que le Port s’est exécuté en envoyant certes tardivement, les lettres de sensibilisation, tandis que les réunions devaient être organisées à l’initiative du cocontractant, et non du Port. Les autres obligations invoquées de ne sont pas prévus par les documents en outre. De plus, le Tribunal juge « que les prolongations et ajournements du marché ont pu permettre la prolongation si nécessaire de ces actions de sensibilisation auprès des amodiataires réticents à répondre au questionnaire, enfin, [le requérant] n'établit en rien le retard qui serait objectivement imputable à la seule absence de tenue de cette réunion. Les autres stipulations du CCTP ne mettent pas, par ailleurs, à la charge du Port autonome de Papeete d'obligations particulières ». 

 

Par ailleurs, le port justifie avoir fourni « la production immédiate ou dans un délai raisonnable des divers documents ou plans demandés », sauf celui de plans des exécutoires pluviaux. Néanmoins, le requérant « ne justifie ni de cette demande, ni au surplus du lien entre l'absence de leur fourniture et les retards d'exécution en cause ». 

 

Enfin, « s'il est vrai qu'à la demande de fourniture du plan des toitures de certains amodiataires du 26 octobre 2020, pour l'implantation de panneaux photovoltaïques, le Port autonome a répondu le même jour, de façon erronée eu égard aux stipulations du CCTP, que l'exécution du marché n'exigeait pas ce niveau de détail, la société requérante n'établit en rien le lien avec l'important retard avec lequel les prestations du marché ont été délivrées ».  

 

2 - Force majeure 

 

Après une première demande de prolongation de 41 jours, acceptée, le Port refuse une seconde prolongation motivée par de nouvelles difficultés rencontrées dans l'obtention de données. Le même jour, en réponse, la société requérante réitérait sa demande, pour un report, en se fondant sur la loi de pays 2020-13 et le dispositif adopté en raison de la crise sanitaire. 

 

Il ne résulte pas de l'instruction, dans ces circonstances, compte tenu de l'allongement ainsi décidé des délais contractuels, pour un total de 128 jours, eu égard par ailleurs à la possibilité de poursuivre les communications et études par télétravail, que la crise sanitaire de la Covid-19 ait été constitutive, en l'espèce, d'un cas de force majeure irrésistible susceptible de justifier l'important dépassement en litige des délais d'exécution du marché. 

 

Le Tribunal juge qu’« il ne résulte pas de l'instruction, dans ces circonstances, compte tenu de l'allongement ainsi décidé des délais contractuels, pour un total de 128 jours, eu égard par ailleurs à la possibilité de poursuivre les communications et études par télétravail, que la crise sanitaire de la Covid-19 ait été constitutive, en l'espèce, d'un cas de force majeure irrésistible susceptible de justifier l'important dépassement en litige des délais d'exécution du marché ». 

 

TA Strasbourg, 17 mai 2023, n° 2005177 : CONTENTIEUX DE L’EXÉCUTION 

 

Résumé : sur le fondement des CCAG qui prévoient une hiérarchie des documents, le Tribunal juge que l'acte d'engagement et ses éventuelles annexes, dans la version résultant des dernières modifications éventuelles, opérées par avenant prévalent sur le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) et ses éventuelles annexes.

 

En l’espèce, un établissement public de coopération culturelle (EPCC) a attribué à une société le marché de travaux portant sur le remplacement de l'ascenseur dédié au public au sein d'une salle de spectacle. Les travaux ont été réceptionnés le 3 octobre 2019. Le 29 novembre suivant, l'EPCC a adressé à la société un décompte de pénalités de retard, joint au décompte général du marché, retenant 41 jours de retard sur le planning contractuel. La somme de 7 850,25 euros a été ainsi déduite du solde à verser à la société. Le 24 décembre 2019, la société a présenté au maître d'ouvrage un mémoire en réclamation. Le 13 janvier 2020, l'EPCC a refusé de faire droit à la réclamation de la société.

 

La société souhaite obtenir l’annulation de ces pénalités

 

1 - Sur la demande d’annulation de la décision prononçant les pénalités

 

D’abord, la société demande l’annulation de la décision de novembre 2019 prononçant les pénalités. 

 

Néanmoins, la validité de cet acte n’est pas contestable, comme le souligne le Tribunal « à l'exception de la décision de résiliation qui peut faire l'objet d'un recours contestant sa validité et tendant à la reprise des relations contractuelles, les parties à un contrat ne peuvent pas demander au juge l'annulation d'une mesure d'exécution de ce contrat, mais seulement une indemnisation du préjudice qu'une telle mesure leur a causé ». 

 

2 - Sur le bien-fondé des pénalités de retard mises à la charge 

 

En l’espèce, les différents documents régissant les présents travaux sont en contradiction, en ce qui concerne le délai d’exécution l'acte d'engagement prévoit, au point B5, que la durée d'exécution du marché est de huit semaines à compter de la date de notification de l'ordre de service, alors que le cahier des clauses administratives particulières mentionne, à l'article 3, un délai de 7 semaines à compter du 2 juillet 2019, date de début des travaux, et que le cahier des clauses techniques particulières indique, à l'article 1.1, que les travaux sont à réaliser " très précisément " entre le 8 juillet et le 17 août 2019. 

 

Les CCAG applicables à l’espèce disposaient en leur article 4.1 : " 4.1. Ordre de priorité : / En cas de contradiction entre les stipulations des pièces contractuelles du marché, elles prévalent dans l'ordre ci-après : / - l'acte d'engagement et ses éventuelles annexes, dans la version résultant des dernières modifications éventuelles, opérées par avenant ; / - le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) et ses éventuelles annexes ; () ». 

 

Faisant application de ce texte, le tribunal juge que « compte tenu de ces contradictions entre les stipulations des pièces contractuelles du marché en ce qui concerne le point de départ et la durée de son délai d'exécution, il y a lieu, conformément aux prescriptions de l'article 4.1 du CCAG précité, de faire application des règles fixées par l'acte d'engagement et, par suite, de retenir que le délai d'exécution des travaux était de huit semaines à compter de la notification de l'ordre de service ». Le tribunal rajoute qu’« il est constant qu'aucun ordre de service de démarrage des travaux n'a été émis par l'EPCC Metz en Scènes. Dans ces conditions, le délai contractuel d'exécution des travaux n'était pas opposable à la société Schindler. Par voie de conséquence, les pénalités de retard en litige sont dépourvues de fondement ». 

 

Ainsi, la société se voit déchargée de ces pénalités. 

 

Cour des comptes, LE CENTRE NATIONAL D’ETUDES SPATIALES (CNES) - HORS CENTRE SPATIAL DE TOULOUSE, Rapport  n°S2023-0412 : 

 

Résumé : la cour des comptes rappelle l'obligation de prononcer les pénalités de retard dues. Néanmoins, si un parti-pris favorable à la qualité au détriment de la rapidité peut se défendre eu égard à la nature souvent très pointue des technologies développées, la Cour des comptes conseille de tout de même les prononcer. 

 

La Cour des comptes a rendu un rapport d’observation sur le Centre national d’études spatiales (CNES). 

 

Le rapport fait état de trois contrats ayant fait l’objet de demandes d’exonération de pénalités durant la période, pour un montant total finalement exonéré de 25 747 762 €. 

 

Plus généralement, le CNES reconnaît explicitement adopter une attitude souple dans l’application des pénalités de retard, privilégiant la qualité des prestations à la rapidité du service fait. De 2018 à 2021, 602 reports de délais ont ainsi été accordés à des sous-traitants du CNES, pour un montant de pénalités non-recouvrées dont le chiffrage exact n’a pu être communiqué par le CNES mais qui, si l’on applique la formule contractuelle standard de calcul de pénalités V*R/3000, où V est le montant de l’événement pénalisé et R le nombre de jours de retards, donne un chiffre d’environ 11 M€. 

 

La Cour des comptes juge quant à ces pratiques que « ce parti-pris favorable à la qualité au détriment de la rapidité peut se défendre eu égard à la nature souvent très pointue des technologies développées par le CNES, souvent à la limite de l’état de l’art, sachant par ailleurs que le contexte de crise sanitaire en 2020 et 2021 a conduit l’Etat à demander à ses opérateurs de faire preuve de retenue dans l’application des pénalités de retard. Il n’en pose pas moins une question de fond quant au bon respect des règles contractuelles établies lors de la passation des marchés ». 

 

Elle en conclut que le CNES devrait « se montrer plus vigilant dans l’exécution des contrats, notamment en matière de recouvrement des pénalités de retard et de certification du service fait ».

 

TA Montpellier, 12 mai 2023, n° 2103330 : ACTION EN RESPONSABILITÉ : 

 

Résumé : une collectivité publique a la faculté de ne pas donner suite à un appel d'offres pour un motif d'intérêt général, même une fois l'attributaire désigné, lequel ne peut se prévaloir d'un quelconque droit à la signature du contrat. 

 

En l’espèce, un syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) a lancé un marché à procédure adaptée pour la maitrise d'œuvre des travaux d'armement à flot d'un navire classé monument historique. La date limite de remise des offres était fixée au 16 novembre 2020 à 12h et deux candidats se sont manifestés. Après négociation, l'offre de l’une d’entre elle a été retenue. Celle-ci est également titulaire d'un contrat d'assistance à maitrise d'ouvrage avec le SIVU, et a pour mission en autres de définir les postes de la restauration et l'aide au choix des intervenants et la rédaction des cahiers techniques pour les procédures de consultation et analyse des offres

 

Le candidat évincé intente un référé précontractuel, et par la suite le SIVU a décidé de déclarer sans suite le marché de maitrise d'œuvre en litige pour motif d'intérêt général, conduisant au prononcé d'un non-lieu à statuer dans cette instance par une ordonnance. Cet abandon repose sur trois motifs : « d'une part de l'incertitude quant à l'égalité de traitement entre les candidats en raison du manque de documents techniques annexés au marché lors de la consultation ayant pu affecter la réponse des entreprises, d'autre part, de ce que la méthode de calcul de la note à attribuer sur le prix n'était pas adaptée et enfin de ce qu'il serait apparu nécessaire de redéfinir les besoins du marché ». 

 

La société retenue initialement demande l'indemnisation des préjudices qu'elle estime subir en raison de cette déclaration sans suite de la procédure. 

 

Le Tribunal commence par rappeler que l'article R. 2185-1 du code de la commande publique dispose que « L'acheteur peut, à tout moment, déclarer une procédure sans suite », et l'article R. 2185-2 du même code précise que « Lorsqu'il déclare une procédure sans suite, l'acheteur communique dans les plus brefs délais les motifs de sa décision de ne pas attribuer le marché ou de recommencer la procédure aux opérateurs économiques y ayant participé ». Néanmoins, au-delà de cette disposition « une collectivité publique a la faculté de ne pas donner suite à un appel d'offres pour un motif d'intérêt général ».

 

Le Tribunal souligne ensuite, que du fait de sa situation (titulaire d'un contrat d'assistance à maitrise d'ouvrage avec pour mission en autres de définir les postes de la restauration et l'aide au choix des intervenants et la rédaction des cahiers techniques pour les procédures de consultation et analyse des offres), la société retenue pouvait obtenir des informations complémentaires non présentes dans la procédure d'appel d'offres. Ce que n’a pas pris en compte l’adjudicateur. 

 

Ainsi, il en déduit que « si la société requérante soutient qu'elle est à l'origine de la découverte de ces circonstances et que le SIVU ne pouvait pas mettre en œuvre la procédure de déclaration sans suite aussi tardivement, la collectivité publique a toutefois toujours la possibilité d'engager une telle procédure même une fois l'attributaire désigné, lequel ne peut se prévaloir d'un quelconque droit à la signature du contrat. Dans ces conditions, ce seul motif tenant à l'irrégularité de la procédure, même s'il en est pour partie responsable, permettait au Sivu Pailebot Miguel Caldentey de déclarer sans suite la procédure de sélection en litige ». 

 

Le Tribunal décide donc de rejet le recours en responsabilité. 

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Blog de Droit public des affaires by Florent Cedziollo

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Du fait de ma formation universitaire, étant notamment Normalien en Droit-Économie-Management, j'aime allier pratique et théorie.

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