TUE, 19 avril 2023, Siemens, T 74/22 :
Résumé : La défaillance du simulateur de note donné aux candidats n’ayant pas affecté la note finale obtenue ne vicie pas l’évaluation des offres par l’adjudicateur.
Le Parlement européen lance une procédure d’attribution d’un marché public. Pour permettre aux candidats d’évaluer leur offre, concernant certains lots, l’adjudicateur propose un fichier Excel permettant de simuler la note finale qui serait attribuée pour le critère du prix. La procédure va jusqu’au bout, et deux lots du marché sont attribués à des candidats.
Un groupement d’entreprises évincé conteste le marché, en raison d’une différence de notation entre le simulateur utilisé et la note finale obtenue, concernant le prix.
Le Parlement répond que l’attribution du marché « a été fondée sur les seuls critères précisés à l’article 16 du cahier des charges, dont la méthode avait été clairement décrite », et que le simulateur n’avait aucune valeur contractuelle. Ainsi, le résultat obtenu avec l’Excel ne pouvait pas lier le comité d’évaluation. Il admet également qu’une erreur dans le simulateur d’offres a été constatée.
Le Tribunal a rappelé que le principe d’égalité de traitement des soumissionnaires « a essentiellement pour but de garantir l’absence de risque de favoritisme et d’arbitraire de la part du pouvoir adjudicateur. Il implique que toutes les conditions et toutes les modalités de la procédure d’attribution soient formulées de manière claire, précise et univoque, dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges, de façon, d’une part, à permettre à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents d’en comprendre la portée exacte et de les interpréter de la même manière et, d’autre part, à mettre le pouvoir adjudicateur en mesure de vérifier effectivement si les offres des soumissionnaires correspondent aux critères régissant le marché en cause ».
La requérante n'a pas pu démontrer de manière formelle que le Parlement a réellement utilisé le simulateur d'offres lors de l'évaluation des offres finales.
De plus, il est noté par le Tribunal que le cahier des clauses techniques particulières et la première page du simulateur d'offres précisent que la simulation proposée n'a aucune "valeur contractuelle". Par conséquent, les soumissionnaires ne pouvaient pas légitimement se fier à l'attribution du même nombre de points par le comité d'évaluation que celui résultant du simulateur.
En conséquence, le Tribunal de l'Union Européenne rejette la requête de la société Siemens, car il est établi que le simulateur d'offres n'a pas été utilisé dans l'évaluation des offres, ce qui signifie que l'erreur affectant ce simulateur n'a pas eu d'incidence sur l'évaluation des offres réalisée par le comité d'évaluation ni sur le résultat de cette évaluation.
TA Paris, 8 juin 2023, Société Paris tennis :
La société Paris Tennis a déposé une requête devant le juge des référés précontractuels contestant la procédure de passation lancée par le Sénat pour l'attribution d'une concession d'exploitation des terrains de tennis du Jardin du Luxembourg. La concession prévoit que 65% des créneaux doivent être attribués à des cours de tennis, sans en préciser les conditions d’organisation. La société Paris Tennis demande l'annulation de la procédure de passation, en invoquant plusieurs motifs tels que l'irrégularité de la candidature de la société Vaziva, l'application irrégulière des critères de sélection, et des manquements aux principes de transparence et d'égalité de traitement.
Le Tribunal rappelle d’abord l’obligation de préciser suffisamment l’objet d’un contrat de concession (article L. 3111-1 du code de la commande publique) : « les concessions sont soumises aux principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, qui sont des principes généraux du droit de la commande publique. Pour assurer le respect de ces principes, la personne publique doit apporter aux candidats à l’attribution d’une concession, avant le dépôt de leurs offres, une information suffisante sur la nature et l’étendue des besoins à satisfaire. Il lui appartient à ce titre d’indiquer aux candidats les caractéristiques essentielles de la concession ».
Le Tribunal constate que « pour l’organisation de l’enseignement du tennis, une des deux activités principales de la concession avec l’organisation de la pratique libre du tennis, pouvant occuper jusqu’à 48, 75 % des créneaux d’utilisation des courts de tennis (65 % des créneaux restants hors créneaux réservés aux associations sportives du Sénat), les candidats étaient autorisés à choisir entre la location de l’ensemble des créneaux à des tiers, l’utilisation de ces créneaux par leur propre école de tennis ou bien une organisation mixte avec l’utilisation d’une partie des créneaux par leur école de tennis et la location des créneaux restants à des tiers ». Ainsi, « le choix offert aux candidats sur l’organisation de l’enseignement du tennis ne leur permettait pas de présenter des offres comparables au regard des trois critères de jugement des offres définis par le pouvoir adjudicateur dans le règlement de la consultation, soit l’intérêt du projet pour le Jardin du Luxembourg et les usagers des terrains de tennis, apprécié notamment au regard de la nature des prestations proposées et des mesures prises pour favoriser l’intégration du projet à la vie locale, la robustesse de l’offre financière, appréciée notamment au regard du montant proposé pour la part variable de la redevance, exprimé en un pourcentage du chiffre d’affaires hors taxes, et la qualité de l’organisation de l’exploitation, appréciée notamment au regard de l’effectif, des qualifications et de l’expérience du personnel proposé. En effet, le choix entre la mise en place d’une école de tennis ou la location des créneaux d’enseignement à des tiers entraînait nécessairement des conséquences différentes sur l’intégration du projet à la vie locale, le montant de la part variable de la redevance que le candidat pouvait proposer et les qualifications et expériences requises du personnel ».
Ainsi, le choix offert aux candidats pour l'organisation de l'enseignement du tennis ne permettait pas des offres comparables en termes d'intégration du projet à la vie locale, de montant de la redevance et de qualifications du personnel. Le Sénat n'a pas défini de modalités d'examen des offres garantissant l'égalité de traitement des candidats et la transparence de la procédure.
Le tribunal a donc annulé la procédure de concession de service.
TA Besançon, 1er juin 2023, n°2101195 :
Résumé : si le marché prévoit uniquement une obligation de confidentialité des offres, l’acheteur ne peut invoquer le manquement à une telle obligation pour les documents qu’il a lui-même diffusés dans le cadre de la négociation.
La communauté de communes du Grand Pontarlier conclu un marché public de service avec la société Agysoft pour l'utilisation du prologiciel Marcoweb-Demat. Elle utilise par la suite ce logiciel pour passer un marché public pour son centre aquatique. Ce prologiciel a été utilisé comme support d’échanges avec les entreprises soumissionnaires. Or la communauté de communes du Grand Pontarlier soutient qu’elle a été contrainte d’abandonner cette procédure en raison de la diffusion massive de « notes de cadrage » contenant des informations confidentielles et destinées à permettre aux candidats au marché public de modifier leur offre finale.
La communauté de communes du Grand Pontarlier a demandé à la société Agysoft de lui verser une indemnisation pour les préjudices subis suite à l'abandon de la procédure de passation du marché.
La cour estime qu'une administration peut rechercher la responsabilité de son contractant en cas de non-respect des stipulations du contrat. Cependant, cette responsabilité ne peut être engagée pour des obligations non prévues par le contrat ou lorsque le dommage n'est pas lié à l'exécution du contrat.
La cour constate que la communauté de communes du Grand Pontarlier a soutenu avoir été contrainte d'abandonner la procédure de passation du marché public en raison de la diffusion de notes de cadrage contenant des informations confidentielles. La communauté de communes produit des éléments tels qu'un message électronique indiquant la récupération des notes de cadrage sur une plateforme et un autre message indiquant leur diffusion. Cependant, la cour estime que ces éléments ne suffisent pas à démontrer que les notes de cadrage étaient téléchargeables par toutes les sociétés ayant accès à la plateforme, ni qu'elles étaient accessibles aux candidats auxquels elles n'étaient pas destinées. De plus, l'obligation de confidentialité prévue dans le contrat ne concernait que les offres transmises par les sociétés candidates, et non les documents diffusés par l'administration. La cour conclut que le lien de causalité entre la décision d'abandon de la procédure de passation du marché public et l'exécution du contrat avec la société Agysoft n'est pas établi.
La demande d’indemnisation est donc rejetée.
TA Besançon, 1er juin 2023, n°2100187 :
Résumé :
-le fait de ne pas s’opposer à un projet de facture et la réponse par mail émanant de la boite fonctionnelle mairie précisant que la facture serait mise en paiement dès que possible ne vaut pas accord de la commune sur le montant demandé pour l’exécution de travaux supplémentaires
-le fait que l’adjudicateur n’a jamais été informée par la société attributaire du marché de la présence de roche nécessitant des travaux supplémentaires, empêche l’utilisation de cette théorie
Une entreprise conclu un marché de travaux avec la commune de Bousseraucourt pour la création d'un réseau d'eau pluviale. Après la fin des travaux, la société a émis une facture supplémentaire pour des travaux supplémentaires réalisés. La commune a refusé de payer cette somme, ce qui a conduit la société à engager une procédure judiciaire pour réclamer le paiement de cette facture. Elle soutient qu’elle a été contrainte de réaliser des travaux supplémentaires indispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art consistant en des fouilles en terrain rocheux impliquant une plus-value pour utilisation du brise roche hydraulique et pour réfection de fouille en enrobée.
Tout d’abord, sur la théorie des travaux indispensables, le tribunal rappelle que « le titulaire d’un marché à prix forfaitaire a droit, en plus du paiement des prestations réclamées par un ordre de service ou tout autre document contractuel de même nature, à l’indemnisation des prestations supplémentaires qui, bien que commandées dans des conditions irrégulières, ont été utiles au pouvoir adjudicateur ou, en l’absence de toute demande de ce dernier, lorsque les prestations réalisées ont été indispensables pour que le marché soit exécuté dans les règles de l’art ».
Le tribunal constate ainsi d’abord, l’absence d’acceptation des travaux supplémentaires par l’adjudicateur : « si la requérante soutient que la commune était informée de la réalisation des prestations supplémentaires dès lors qu’elle ne s’est pas opposée à un projet de facture d’un montant de 42 106,20 euros TTC, elle ne démontre pas l’accord manifesté par la commune sur les travaux supplémentaires qu’elle soutient avoir réalisés par le simple envoi à cette dernière d’un projet de facture non daté, raturé et avec mentions manuscrites dont l’auteur n’est pas identifiable. Par ailleurs, la circonstance qu’un courriel émanant de la boite fonctionnelle » mairie de Bousseraucourt » ait précisé que la facture serait mise en paiement dès que possible ne vaut pas accord de la commune sur le montant demandé ».
Ensuite, le tribunal souligne que les conditions de la théorie des travaux indispensables ne sont pas présents : « à l’appui de sa demande, la société n’apporte aucun élément de nature à justifier du caractère indispensable de ces travaux pour l’exécution du marché public de travaux dans les règles de l’art, pas plus qu’elle ne justifie de la réalité, encore moins de l’importance, des quantités supplémentaires alléguées. Or la commune fait valoir qu’elle n’a jamais été informée par la société attributaire du marché de la présence de roche nécessitant des travaux supplémentaires. En conséquence, en se bornant à soutenir » qu’il ne saurait être contesté que les travaux de déroctage ont été indispensables au bon achèvement de l’ouvrage « , la société requérante n’établit pas que ces travaux constitueraient des prestations supplémentaires indispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art ».
Le recours est donc rejeté
CE, 1er juin 2023, 468930, Société Vinci Airports :
Résumé : si l'offre d’un concurrent évincé a été jugée irrégulière par une décision juridictionnelle devenue définitive annulant la décision d'attribution du contrat, il ne peut être regardé comme ayant un intérêt à conclure le contrat et habilité à agir contre la nouvelle décision en portant attribution après reprise de la procédure
Le 2 mars 2022, le Conseil d'État statuant au contentieux a rejeté les pourvois formés contre l'ordonnance du 28 octobre 2021. L'ordonnance du 28 octobre 2021 a annulé la décision de l'État d'attribuer le contrat de concession de l'aérodrome de Tahiti-Faa'a au groupement constitué de la société Egis Airport Opération et de la Caisse des dépôts et consignations. Par lettre du 9 septembre 2022, le directeur du transport aérien du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires a informé la société Egis Airport Opération de la décision de l'État d'attribuer le contrat de concession de cet aérodrome à la société Vinci Airports. La société Vinci Airports se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 18 octobre 2022 du juge des référés du tribunal administratif de la Polynésie française, qui a annulé la procédure de passation du contrat.
Le litige porte sur la question de savoir si la société Egis Airport Operation, en tant que concurrent évincé, a-t-elle l'intérêt à conclure le contrat et l'habilitation à agir contre la nouvelle décision portant attribution après reprise de la procédure ?
Le Conseil répond à cette question que « la circonstance que l'offre d'un concurrent évincé, auteur du référé précontractuel, soit irrégulière ne fait pas obstacle à ce qu'il puisse se prévaloir, pour contester l'attribution du contrat, de l'irrégularité de l'offre de la société attributaire. Toutefois, si l'offre de ce concurrent évincé a été jugée irrégulière par une décision juridictionnelle devenue définitive annulant la décision d'attribution du contrat, il ne peut être regardé comme ayant un intérêt à conclure le contrat et habilité à agir contre la nouvelle décision en portant attribution après reprise de la procédure ».
Ainsi, la société Egis Airport Operation, attributaire initial, a vu son contrat annulé par le juge du référé. Partant, elle n’a pas d’intérêt à agir contre la décision attribuant une nouvelle fois le contrat de commande publique à une autre entreprise, après reprise de la procédure.
CE, 1er juin 2023, 469127, CA région de Château-Thierry :
Résumé : aucune disposition ou principe n'impose au pouvoir adjudicateur d'informer un candidat d'une erreur dans le dépôt de son offre dans le mauvais tiroir numérique. D’ailleurs, il ne peut pas corriger cette erreur de dépôt, sauf en cas de dysfonctionnement de sa plateforme.
La société Routière de la Vallée de la Marne (RVM) a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Amiens d'ordonner à la communauté d'agglomération de la région de Château-Thierry de reprendre la procédure de passation du marché n° 2022S13 relatif à des travaux de séparation de réseaux unitaires. La société RVM avait déposé sa candidature et son offre par erreur dans un "tiroir numérique" dédié à un autre marché. Le juge des référés a fait droit à cette demande en annulant la procédure de passation à partir de l'examen des candidatures et des offres.
La communauté d'agglomération de la région de Château-Thierry se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du juge des référés. La problématique juridique est de savoir si la communauté d'agglomération a manqué à ses obligations de mise en concurrence en ne prenant pas en compte la candidature et l'offre de la société RVM, déposées par erreur dans un autre "tiroir numérique ».
Le Conseil d'État, dans sa décision, annule l'ordonnance du juge des référés et rejette la demande de la société RVM. La juridiction estime que la communauté d'agglomération n'a pas manqué à ses obligations de mise en concurrence. Elle n'était pas tenue d'informer un candidat que son offre avait été déposée dans le cadre d'une autre consultation. De plus, le pouvoir adjudicateur ne pouvait pas rectifier lui-même l'erreur de dépôt commise par la société RVM, sauf en cas de dysfonctionnement de sa plateforme. Par conséquent, la demande de la société RVM est rejetée.
CE, 9 juin 2023, n°462649 :
Résumé :
-Une cession de créance qui n'a pas été notifiée au comptable public est inopposable à l’acheteur
-Le protocole transactionnel par lequel une société membre d’un groupement a transmis à une autre l’ensemble des droits qu’elle détenait sur un pouvoir adjudicateur au titre du solde du marché doit être regardé comme une cession de créance
La métropole de Lyon a attribué, par le biais d'un marché notifié le 10 août 2012, la réalisation des travaux de construction du pont Robert Schuman à un groupement temporaire d'entreprises. Ce groupement était composé des sociétés GTM TP Lyon (rebaptisée VCF TP Lyon), Cordioli, Citeos et Tournaud (rebaptisée Vinci construction maritime et fluvial). Un protocole d'accord transactionnel a été signé le 24 mars 2016 entre la métropole de Lyon et les sociétés GTM TP Lyon, Cordioli, Citeos et Tournaud. Selon cet accord, la métropole de Lyon s'est engagée à verser au groupement une somme de 1 614 966,92 euros hors taxes en solde des travaux, ainsi qu'une indemnité transactionnelle de 294 557,75 euros liée aux imprévus et aux travaux supplémentaires.
Malgré les paiements partiels de 810 814,02 euros et 68 818,24 euros effectués par la métropole de Lyon après une mise en demeure, celle-ci demeure redevable du montant restant stipulé dans l'accord, notamment en ce qui concerne la société Cordioli SA, pour un total de 656 812,99 euros toutes taxes comprises.
Suite à une requête de la société VCF TP Lyon, le tribunal administratif de Lyon a rendu un jugement le 17 octobre 2019. Le tribunal a rejeté la requête de la société VCF TP Lyon et a condamné la métropole de Lyon à verser la somme de 656 812,99 euros à la société Iemants NV, assortie des intérêts légaux. La société Iemants NV avait entamé une procédure de saisie-attribution.
La société VCF TP Lyon se voit transféré l'ensemble des droits que la société Cordioli détenait sur la métropole de Lyon au titre du solde du marché en litige. Il s’agit d'une convention par laquelle le co-titulaire d’un marché public subroge l’autre co-titulaire dans ses droits et actions à l’encontre du maître d’ouvrage, contre le paiement concomitant de tout ou partie de la créance que ce dernier détient au titre du marché conclu.
Premièrement, le Conseil d’Etat souligne qu’il s’agit bien d’une cession de créance : « la cour administrative d'appel de Lyon n'en a pas dénaturé les stipulations en estimant qu'il devait être regardé comme une cession de créance ».
Deuxièmement, il souligne que l’article 107 du code des marchés publics est applicable au présent litige et que la société VCF TP Lyon était ainsi tenue de notifier cette cession de créance au comptable public assignataire pour la rendre opposable à la métropole de Lyon.
Troisièmement, le Conseil souligne que la Métropole a correctement exécuté son contrat, en ne versant aucun denier à VCF TP Lyon, en l’absence de toute opposabilité de la cession de créance : « dès lors qu'il n'était pas contesté que la cession de créance n'a pas été notifiée ou signifiée au comptable assignataire de la métropole de Lyon, la cour n'a pas entaché son arrêt d'erreur de qualification juridique en jugeant que la métropole n'avait commis aucune faute contractuelle en refusant de verser à la société VCF TP Lyon les sommes correspondant à la créance initialement détenue par la société Cordioli ».
Quatrièmement, « dès lors que le protocole transactionnel signé le 3 août 2015 n'était, ainsi qu'il a été dit au point 4, pas opposable à la métropole de Lyon faute de lui avoir été régulièrement notifié, le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en jugeant que la saisie-attribution pratiquée sur la même créance le 28 août 2015 par la société Iemants avait conféré à celle-ci la qualité de créancier de la métropole de Lyon, ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ».
Cinquièmement, « la cour n'a pas entaché son arrêt d'insuffisance de motivation en ne se prononçant pas sur le moyen, qu'elle a jugé à bon droit inopérant, tiré de ce que la métropole de Lyon aurait commis une faute contractuelle en s'abstenant d'informer les sociétés VCF TP Lyon, Vinci construction maritime et fluvial et Lyonnaise d'éclairage, avant de conclure une transaction le 24 mars 2016 avec ces dernières, de l'existence de la procédure de saisie-attribution engagée par la société Iemants ».
TA Marseille, 2 juin 2023, n°2009485 :
Résumé :
-Rappel des conditions d’exercice d’une action en résiliation d’un contrat administratif pour un tiers
-Ne constitue pas une délégation de la responsabilité de l’exercice d'une mission de police administrative à une société privée interdite, un contrat de fourniture et d'intégration d'une solution globale fonctionnelle comprenant notamment la conception du logiciel de "vidéoprotection intelligente", le déploiement informatique, le paramétrage des fonctionnalités, la formation et la maintenance et d'autre part, l'extension du déploiement du dispositif selon les mêmes modalités, qui prévoit seulement que le logiciel traite automatiquement les données issues des images de vidéoprotection de sorte à identifier les anomalies, les incidents ou les faits remarquables qu'un opérateur seul ne serait pas en mesure de détecter, afin d'alerter les agents et leur permettre de traiter ces incidents, le dispositif constituant ainsi une aide à la décision. D’autant plus que le visionnage des images reste ainsi effectué par les opérateurs du centre de supervision urbaine.
Depuis 2012, la commune de Marseille a mis en place un système de surveillance vidéo dans les espaces publics. En octobre 2015, un processus de dialogue compétitif a été engagé par la commune afin d'attribuer un contrat pour l'acquisition d'un système de "vidéo-surveillance intelligente". En novembre 2018, la société SNEF service tertiaire s'est vue attribuer ce contrat. En août 2020, l'association la Quadrature du Net a envoyé une lettre à la commune de Marseille demandant la résiliation du contrat public conclu avec la société SNEF service tertiaire, sans recevoir de réponse. L'association la Quadrature du Net porte l'affaire devant le tribunal, demandant la cessation de l'exécution du contrat conclu le 2 novembre 2018 entre la commune de Marseille et la société SNEF service tertiaire.
1 - Sur le bien-fondé de la demande tendant à ce qu'il soit mis fin à l'exécution du contrat
Le Tribunal rappelle tout d’abord les conditions dans lesquelles un tiers au contrat peut agir en demande de résiliation de celui-ci.
Il admet d’abord le principe d’un tel recours : « un tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par une décision refusant de faire droit à sa demande de mettre fin à l'exécution du contrat est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction tendant à ce qu'il soit mis fin à l'exécution du contrat ».
Il rappelle ensuite les moyens qui sont invocables, et ceux qui ne le sont pas : « les tiers ne peuvent utilement soulever, à l'appui de leurs conclusions tendant à ce qu'il soit mis fin à l'exécution du contrat, que des moyens tirés de ce que la personne publique contractante était tenue de mettre fin à son exécution du fait de dispositions législatives applicables aux contrats en cours, de ce que le contrat est entaché d'irrégularités qui sont de nature à faire obstacle à la poursuite de son exécution et que le juge devrait relever d'office ou encore de ce que la poursuite de l'exécution du contrat est manifestement contraire à l'intérêt général. À cet égard, ils ne peuvent se prévaloir d'aucune autre irrégularité, notamment pas celles tenant aux conditions et formes dans lesquelles la décision de refus a été prise. En outre, les moyens soulevés doivent, sauf lorsqu'ils le sont par le représentant de l'État dans le département ou par les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales compte-tenu des intérêts dont ils ont la charge, être en rapport direct avec l'intérêt lésé dont le tiers requérant se prévaut ».
Il énonce enfin que le juge doit mettre en balance les effets de la résiliation avec l’intérêt général : « Saisi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions tendant à ce qu'il soit mis fin à l'exécution d'un contrat administratif, il appartient au juge du contrat d'apprécier si les moyens soulevés sont de nature à justifier qu'il y fasse droit et d'ordonner après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, qu'il soit mis fin à l'exécution du contrat, le cas échéant avec un effet différé ».
2 - Sur le moyen tiré de l'irrégularité de nature à faire obstacle à la poursuite de l'exécution du contrat
Tout d’abord, le Tribunal rappelle que l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales dispose que la police municipale a pour objectif d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. De même, selon l'article L. 251-2 du code de la sécurité intérieure, la vidéoprotection sur la voie publique peut être mise en œuvre par les autorités publiques compétentes dans le but d'assurer diverses fonctions, telles que la protection des bâtiments publics, la régulation des flux de transport, la prévention des infractions, la prévention des actes de terrorisme, la sécurité des installations et d'autres objectifs spécifiques. De plus, en vertu de l'article L. 252-2 du même code, une autorisation préfectorale doit être obtenue pour garantir la qualité des personnes chargées de l'exploitation du système de vidéoprotection et pour assurer le respect des dispositions légales. L'article L. 252-3 précise que des agents des services de police, de gendarmerie, des douanes, des services d'incendie et de secours, ainsi que des agents de police municipale peuvent être destinataires des images et enregistrements, à condition d'être individuellement désignés et habilités.
Ainsi, le tribunal énonce que le contrat conclu le 2 novembre 2018 par la commune de Marseille avec la société SNEF service tertiaire concerne la fourniture et l'intégration d'un système de vidéoprotection intelligente. Ce contrat prévoit que le logiciel traite automatiquement les données des images de vidéoprotection afin de détecter les anomalies, incidents ou faits remarquables, qui sont ensuite transmis aux agents chargés de les traiter. Le visionnage des images est effectué par les opérateurs du centre de supervision urbaine, et le contrat n'implique pas que la société évalue si les faits survenus constituent des infractions pénales.
De plus, le paramétrage des algorithmes est réalisé en collaboration avec la commune de Marseille, en particulier avec la direction de la police municipale et de la sécurité, ainsi que sous le contrôle de la direction générale adjointe du numérique et du système d'information. Par conséquent, le contrat en question ne délègue pas à la société SNEF service tertiaire la responsabilité de l'exercice des missions de police administrative.
En conclusion, le contrat ne constitue pas une délégation illicite d'une mission de police administrative à une société privée.
3 - Sur le moyen tiré de ce que la poursuite de l'exécution du contrat est manifestement contraire à l'intérêt général
Le Tribunal rappelle sur ce point que selon l'article 4 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, les données personnelles doivent être adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire pour les finalités du traitement. L'article 5 de la même loi énonce les conditions de licéité d'un traitement de données personnelles, notamment le consentement de la personne concernée, l'exécution d'un contrat, le respect d'une obligation légale, la sauvegarde des intérêts vitaux, l'exécution d'une mission d'intérêt public ou l'intérêt légitime du responsable du traitement, sous réserve de la protection des droits fondamentaux de la personne concernée.
Le Tribunal marseillais souligne que dans le cas présent, l'exécution du contrat en question a été suspendue par la commune de Marseille depuis septembre 2020, au stade de la conception, dans le cadre d'un moratoire sur le projet global. La partie conditionnelle du contrat n'a pas été activée. Ainsi, le dispositif de "vidéoprotection intelligente" actuellement en place n'est pas finalisé et est encore à l'étape de test et de recherche, avec seulement une cinquantaine de caméras fixes installées, non connectées au réseau principal de vidéoprotection et dont les flux vidéos sont automatiquement effacés dans un délai de dix jours. Ces caméras sont exploitées par une équipe restreinte de personnel municipal et de prestataires habilités, dans un local sécurisé du centre de supervision urbaine.
Dans ces circonstances, le Tribunal souligne qu’en l'état actuel de l'exécution du contrat est loin de l'objectif initial de déploiement à grande échelle du dispositif sur l'ensemble des caméras installées dans la commune de Marseille. Par conséquent, même si le traitement des données envisagé par le dispositif acquis par la commune peut être considéré comme inadéquat, non pertinent et excessif au regard des finalités poursuivies, il n'y a pas suffisamment d'éléments pour affirmer que la poursuite de l'exécution du contrat à la date du présent jugement serait manifestement contraire à l'intérêt général.
Ainsi, le recours est rejeté.