Veille juridique de la semaine du 1er avril 2024 (DPA)

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Comme chaque semaine ci-dessous ma veille juridique en matière de droit public des affaires pour la semaine du 1er avril 2024. Excellente lecture !

Comme chaque semaine ci-dessous ma veille juridique en matière de droit public des affaires pour la semaine d

Veille juridique de la semaine du 1er avril 2024 (DPA)

Veille juridique (DPA) de la semaine du 1er avril 2024

 

 

I.        Veille jurisprudentielle

I.1. Contrats publics

A.    C.E. 3 avril 2024, req. n° 472476 – Le C.E. requalifie un BEFA en marché public de travaux et l’annule pour méconnaissance de l’interdiction des paiements différés. Ainsi, la clause prévoyant le versement de loyers et de « surloyers » en contrepartie de travaux d’aménagement et de constructions de batiments est contraire a l'interdiction du paiement différé et est indivisible du reste du contrat de sorte que l’illicéité de la clause affecte également la légalité du contrat.

B.    CAA de DOUAI, 19 mars 2024, req. n° 23DA00221 - Si un accord transactionnel ayant pour objet de modifier le montant du décompte général du marché et non pas de modifier le marché public, il constitue un contrat autonome qui se trouve régi par les dispositions relatives aux intérêts moratoires contractuels du Code civil et non par les dispositions du Code de la commande publique et les stipulations contractuelles du marché conclu entre les parties.

C.    C.E. 4 avril 2024, req. n° 491068 -  (i) La nécessité que les dommages aux biens concourant au bon accomplissement des missions de service public qui sont confiées à une personne publique soient couverts par une police d'assurance, constitue un motif d'intérêt général justifiant la poursuite de l'exécution d’un marché public d’assurance en application de la jurisprudence Grand Port Maritime de Marseille. (ii) Un délai de préavis de six mois est trop court pour permettre à une personne publique de procéder à un appel d'offres ouvert.

D.    C.A.A. de Marseille, 20 février 2024, req. n° 22MA01014 – Rappel : l’acheteur peut engager la responsabilité du titulaire du marché du fait d’une faute de l’un de ses sous-traitants.

I.2. Domanialité publique :

E.     C.E. 3 avril 2024, req. n° 488803 – Rappel des règles de l’application dans le temps de la domanialité publique virtuelle et du CG3P : un bien acquis avant 2006 pour l’aménager afin de l’affecter à l’usage direct du public appartient au domaine public, quand bien même il n’a jamais été aménagé, a été laissé à l’abandon et a été utilisé par une association privée.

II.       Veille législative, réglementaire et autres

II.1. Droit de l’énergie

A.    Parution des décrets et de l’arrêté relatifs à l’autoconsommation collective.

B.    Décret n° 2024-281 du 29 mars 2024 pris pour l'application du III de l'article 27 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables.

II.2. Contrats publics

A.    Rép. min. n° 10420 : JOAN 9 janv. 2024, p. 208 (Q. 25 juill. 2023, M. Paul Molac) – Le Code de la commande publique ne saurait imposer au titulaire de répecruter la révision du prix du marché dans ses contrats de sous-traitance.

B.    Décret n° 2024-308 du 4 avril 2024 relatif au contrôle du coût de revient des marchés de défense ou de sécurité de l'Etat et de ses établissements publics.

 

 

I.         Veille jurisprudentielle

I.1. Contrats publics

 

A.   C.E. 3 avril 2024, req. n° 472476 – Le C.E. requalifie un BEFA en marché public de travaux et l’annule pour méconnaissance de l’interdiction des paiements différés. Ainsi, la clause prévoyant le versement de loyers et de « surloyers » en contrepartie de travaux d’aménagement et de constructions de batiments est contraire a l'interdiction du paiement différé et est indivisible du reste du contrat de sorte que l’illicéité de la clause affecte également la légalité du contrat.

 

1 – Faits et procédure. En l’espèce, en 2017 le centre hospitalier Alpes-Isère (CHAI), qui souhaitait regrouper certains de ses services a conclu un bail en l’état futur d’achèvement (BEFA) avec la SCI Victor Hugo 21, propriétaire de deux bâtiments et de leur terrain d’assiette, situés à Seyssinet-Pariset (Isère).  

 

Ce contrat prévoyait la location à l’hôpital, pour une durée de 15 ans, avec une option   d’achat, de ces deux bâtiments, dont l’un devait faire l’objet de travaux, ainsi que la location d’un nouveau bâtiment à construire sur le même terrain.  

 

Après l'achèvement des travaux d'aménagement et de construction, en décembre 2018, l’hôpital, craignant que les conditions de conclusion du contrat soient susceptibles de mettre en cause sa responsabilité pénale, a refusé de prendre possession des immeubles, suspendu le paiement des loyers et formé devant le T.A. de Grenoble un recours en contestation de la validité du contrat sur le fondement de votre jurisprudence dite Béziers I.

 

La SCI Victor Hugo 21 a répliqué à ce recours en saisissant le juge des référés du TA de Grenoble d’une demande de condamnation du centre hospitalier à lui verser à titre de provision les loyers échus. Mais ce litige en référé-provision s’est finalement soldé devant le C.E. par un non-lieu (req. n° 447205), le T.A. ayant, par un jugement du 31 mai 2021, rejeté le recours en contestation  de la validité du contrat de l’hôpital et, faisant droit à une partie des conclusions  reconventionnelles de la SCI, condamné le centre hospitalier à verser les loyers réclamés.  

 

Mais, sur appel du centre hospitalier, la CAA de Marseille, par un arrêt du 27 février 2023, a annulé le jugement pour défaut de réponse à un moyen. Statuant par la voie de l’évocation, elle a ensuite qualifié le contrat de marché public et, estimant que les loyers et « surloyers » qu’il prévoyait constituaient une clause illicite de paiement différé, elle l’a annulé. Enfin, la cour a rejeté toutes les conclusions reconventionnelles qu’avait présentées la SCI, aussi bien sa demande de paiement des loyers échus que ses conclusions indemnitaires. 

 

C’est contre cet arrêt que la SCI Victor Hugo 21 s’est pourvu en cassation. Elle prétend que (i) ce contrat n’est pas un marché public, (ii) l’interdiction du paiement différé n’est dès lors pas applicable et (iii) à titre subsidiaire la C.A.A. aurait dû faire droit à sa demande d’indemnisation fondée sur la responsabilité contractuelle. 

 

2 – Question de droit. Deux questions de droit se posaient : 

·      D’une part, un achat ou une location immobiliere par un pouvoir adjudicateur constitue-t-il un marché de travaux lorsque ce dernier exerce une influence sur la structure architecturale de ce batiment ?

·      D’autre part, la clause prévoyant le versement de loyers et de « surloyers » en contrepartie de travaux d’aménagement et de constructions de batiments est-elle contraire a l'interdiction du paiement différé ? Le cas échéant est-elle divisible du reste du contrat de sorte que l’illicéité de la clause ne ressortisse pas sur la légalité du contrat ?

3 – Solution juridique. Le Conseil d’État va bien qualifier le contrat de marché public de travaux et l’annuler.

 

En premier lieu, le Conseil rappelle que « le contrat par lequel un pouvoir adjudicateur prend à bail ou acquiert des biens immobiliers qui doivent faire l'objet de travaux à la charge de son cocontractant constitue un marché de travaux au sens des dispositions précitées des articles 4 et 5 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 lorsqu'il résulte des stipulations du contrat qu'il exerce une influence déterminante sur la conception des ouvrages. Tel est le cas lorsqu'il est établi que cette influence est exercée sur la structure architecturale de ce bâtiment, telle que sa dimension, ses murs extérieurs et ses murs porteurs. Les demandes de l'acheteur concernant les aménagements intérieurs ne peuvent être considérées comme démontrant une influence déterminante que si elles se distinguent du fait de leur spécificité ou de leur ampleur » (application de C.J.U.E. 22 avril 2021, Commission c/ République d’Autriche, aff. C-537-19).

 

Or au cas présent, l'aménagement du bâtiment existant ainsi que la construction et l'aménagement du nouveau bâtiment répondent aux besoins exprimés par le centre hospitalier, visant à regrouper ses activités et aux exigences spécifiques qu'il a fixées relatives, d'une part, à l'implantation du nouveau bâtiment dans la continuité du bâtiment existant, d'autre part, aux nombreux aménagements intérieurs des bâtiments nouveaux et existants nécessaires aux activités thérapeutiques spécifiques devant s'y dérouler. Ce dont il en résulte que l'ouvrage répondait aux besoins exprimés par le centre hospitalier, qui a exercé une influence déterminante sur la conception de cet ouvrage. Il s’agit donc d’un marché public.

 

En deuxième lieu, le Conseil d’État considère qu’une clause d’un marché public qui prévoit non par le versement immédiat d'un prix, mais par le versement de loyers ainsi que de « surloyers » pendant une durée de dix ans à compter de la livraison de l’ouvrage est illégale, car constituant des paiements différés contraires à l’article 60 de l’ordonnance du 23 juillet 2015, désormais article L. 2191-5 du Code de la commande publique. 

 

En troisième lieu, les juges du Palais Royal jugent que la clause de paiement différé est indivisible du reste du contrat, de sorte qu’eu égard à la nature de cette clause, le contenu du contrat présente également un caractère illicite et qu'un tel vice était de nature à justifier son annulation. 

 

En dernier lieu, le C.E. rejette les demandes indemnitaires de la requérante dans la mesure où sa demande indemnitaire ne reposait pas sur un fondement quasi-délictuel, le contrat ayant été annulé. Ainsi, elle ne pouvait se prévaloir des règles régissant la responsabilité contractuelle de l’administration en raison de la résiliation d’un contrat pour motif d’intérêt general. 

Le pourvoi est donc rejeté.

 

 

B.    CAA de DOUAI, 19 mars 2024, req. n° 23DA00221 - Si un accord transactionnel ayant pour objet de modifier le montant du décompte général du marché et non pas de modifier le marché public, il constitue un contrat autonome qui se trouve régi par les dispositions relatives aux intérêts moratoires contractuels du Code civil et non par les dispositions du Code de la commande publique et les stipulations contractuelles du marché conclu entre les parties.

 

1 – Faits et procédure. En l’espèce, un groupement momentané d'entreprises s'est vu confier par une chambre de commerce et d'industrie (ci-après « CCI ») la réalisation de travaux.

 

Le décompte général du marché a été contesté par le groupement titulaire, qui a saisi le T.A. de Rouen. 

 

Un médiateur a été désigné par le Président de la 4ème chambre du tribunal. En juillet 2019, le groupement et la CCI ont signé un accord transactionnel de médiation fixant le montant du décompte général définitif à la somme de 61 000 000 euros HT.

 

Le T.A. de Rouen, saisi par la CCI Seine Estuaire en septembre 2019 sur le fondement de l'article L. 213-4 du code de justice administrative, a homologué ce protocole transactionnel par un jugement de décembre 2019.

 

Le 30 décembre 2019, la CCI Seine Estuaire a réglé au groupement le solde du marché d'un montant de 14 979 243,76 euros. 

 

Par un courrier de janvier 2020, le mandataire du groupement, a sollicité de la CCI, le versement d'une somme de 399 446,50 euros au motif que le paiement du solde avait été effectué avec 120 jours de retard par rapport à la date de paiement fixée au 31 août 2019, stipulée dans l'accord transactionnel. Elle entendait ainsi appliquer de plein droit les intérêts moratoires au taux de 8 % prévus par l'article 3.6 du CCAP du marché et des dispositions des articles L. 2192-12 à L. 2192-14 et R. 2192-31 du Code de la commande publique. 

 

Par un deuxième courrier du même jour, le mandataire du groupement demandait à la CCI de lui faire parvenir un courrier de mainlevée qu'elle devait ensuite transmettre à l'établissement bancaire émetteur de la garantie à première demande d'un montant fixé à la somme de 2 602 351,52 euros afin de libérer celle-ci. 

 

La CCI n'a pas répondu et le mandataire du groupement lui a adressé deux nouveaux courriers la mettant en demeure de payer les intérêts moratoires et de lui délivrer la mainlevée des garanties bancaires. 

 

Ses relances étant demeurées vaines, en septembre 2020, le groupement a adressé à la CCI Seine Estuaire une ultime mise en demeure de payer les intérêts moratoires et de lui fournir la lettre de mainlevée de la garantie bancaire à première demande et de lui verser, en réparation des frais générés par son inertie à lui délivrer ce document, une somme de 8 876,91 euros arrêtée au 5 mai 2020. 

 

Par un courrier daté de septembre 2020, le vice-président de la CCI Seine Estuaire a uniquement accepté de délivrer un certificat de mainlevée, délivré le jour même, et rejeté ses demandes indemnitaires.

 

Les sociétés membres du groupement ont demandé au T.A. de Rouen de condamner la CCI Seine Estuaire à leur verser la somme de 399 446,50 euros d'intérêts moratoires contractuels au titre du retard de paiement du solde du marché, à leur verser des intérêts sur la même somme à compter du 11 mars 2020 ainsi qu'à leur verser la somme de 10 814,21 euros en réparation du préjudice subi en raison du retard pris dans la levée des garanties bancaires. 

Le T.A. de Rouen a rejeté leurs demandes. En effet, il a considéré que le Code de la commande publique était inapplicable au contrat de transaction, qui est un contrat distinct du marché public. Par voie de conséquence, il est régi par le Code civil. 

 

Le Groupement d’entreprises interjette appel et soutient donc que la somme résultant de l'accord transactionnel n'a été réglée que le 30 décembre 2019, avec 120 jours de retard au regard du délai de paiement fixé par la transaction au 31 août 2019 et que ce retard a généré de plein droit et sans autre formalité – en application des dispositions précitées - des intérêts moratoires contractuels pour un montant de 399 446,50 euros, nonobstant l'homologation de la transaction. En effet, c'est à tort que le T.A. a retenu que le protocole transactionnel constituait un contrat distinct, de sorte que le jugement méconnaît la règle d'ordre public, issue de l'article 67 de la loi du 8 août 1994 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier et codifiée depuis à l'article L. 2192-14 du code de la commande publique, selon laquelle les parties ne peuvent renoncer au paiement des intérêts moratoires. 

 

En outre, selon le groupement requérant, ce jugement méconnaît également la commune intention des parties de prolonger le marché ; le protocole transactionnel signé le 2 juillet 2019 et le marché de travaux sont indivisibles et, par suite, il n'y a pas de novation, soit de nouveau contrat distinct, de droit commun ; le protocole ne constituant rien d'autre que le décompte général définitif du marché de travaux ou un avenant au marché 

 

2 – Question de droit. La question de droit qui se posait était celle de savoir si un accord transactionnel ayant pour objet de modifier le montant du décompte général du marché et non pas de modifier le marché public, constitue-t-il un contrat autonome, distinct du contrat de marché public, qui se trouve ainsi régi par les dispositions relatives aux intérêts moratoires contractuels du Code civil et non par les dispositions du Code de la commande publique et les stipulations contractuelles du marché conclu entre les parties ?

 

3 – Solution juridique. La C.A.A. va suivre le raisonnement retenu par les juges de première instance et va rejeter l’appel. 

 

En premier lieu, la C.A.A. va juger que le contrat de transaction est un contrat distinct du marché public, de sorte que les règles de la commande publique ne lui sont pas applicables. En effet, les juges reconnaissent que par la voie de cet accord, les parties ont décidé de modifier le montant du décompte général du marché, mais elles ne sauraient pour autant être regardées comme ayant eu l'intention de modifier ou de prolonger le marché initial dès lors qu'il résulte de l'instruction, notamment des termes mêmes de l'accord, que son seul objet était de mettre fin à toute contestation concernant le règlement du marché, les parties s'engageant à renoncer définitivement à toute procédure concernant ce litige. 

 

Il en résulte que cet accord transactionnel constitue un contrat autonome, distinct du contrat de marché public, qui se trouve ainsi régi par les dispositions du Code civil et non par les dispositions du Code de la commande publique et les stipulations contractuelles du marché conclu entre les parties. 

 

Par voie de conséquence, les intérêts résultant du retard de paiement de la CCI ne peuvent donner lieu, le cas échéant, qu'au versement des intérêts moratoires au taux légal prévus par l’article 1231-6 du Code civil.

 

Le T.A. n’a donc pas méconnu l'interdiction d'ordre public, posée par le Code de la commande publique, de renoncer au paiement des intérêts moratoires.

 

En deuxième lieu, il résulte de l’article 1231-6 du Code civil précité que lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine.

 

Or au cas present le groupement n’a pas adressé à la CCI une demande aux fins de règlement du solde du marché, fixé au 31 août 2019 par l'accord transactionnel signé le 2 juillet 2019, avant l'intervention du paiement correspondant à la créance principale détenue par le groupement.

 

Les intérêts demandés par le groupement n’étaient donc pas dus.

 

C.   C.E. 4 avril 2024, req. n° 491068 -  (i) La nécessité que les dommages aux biens concourant au bon accomplissement des missions de service public qui sont confiées à une personne publique soient couverts par une police d'assurance, constitue un motif d'intérêt général justifiant la poursuite de l'exécution d’un marché public d’assurance en application de la jurisprudence Grand Port Maritime de Marseille. (ii) Un délai de préavis de six mois est trop court pour permettre à une personne publique de procéder à un appel d'offres ouvert.

 

1 – Faits et procédure. En l’espèce, la métropole Toulon Provence Méditerranée (ci-après “la métropole”) a conclu le 25 janvier 2021 un marché public portant sur la police d'assurance “dommages aux biens et risques annexes” avec le groupement composé des sociétés Verspieren et Groupama Méditerranée pour une durée de 5 ans. 

 

La société Groupama Méditerranée a informé le président de la métropole de sa décision de résilier ce marché à compter du 31 décembre 2023. 

 

La métropole s'est opposée à cette résiliation et a mis en demeure la société Groupama Méditerranée de poursuivre l'exécution du marché à compter du 31 janvier 2023. 

 

La société Verspieren ayant informé la métropole du refus de la société Groupama Méditerranée de poursuivre l'exécution du marché, la métropole a demandé au juge des référés du T.A. de Toulon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'enjoindre à la société Groupama Méditerranée de poursuivre l'exécution de ses obligations contractuelles pendant la durée strictement nécessaire au déroulement de la procédure de passation d'un nouveau marché d'assurance, et au plus tard jusqu'au 31 décembre 2024. 

 

Par une ordonnance du 5 janvier 2024, contre laquelle la métropole Toulon Provence Méditerranée se pourvoit en cassation, le juge des référés a rejeté cette demande comme manifestement irrecevable.

 

2 – Question de droit. La nécessité que les dommages aux biens concourant au bon accomplissement des missions de service public qui sont confiées à une personne publique soient couverts par une police d'assurance, constitue-t-elle un motif d'intérêt général justifiant la poursuite de l'exécution d’un marché public d’assurance en application de la jurisprudence Grand Port Maritime de Marseille ? Un délai de préavis de six mois est-il suffisant pour permettre à une personne publique de procéder à un appel d'offres ouvert pour l’attribution d’un nouveau marché public d’assurance ?

 

3 – Solution juridique. Le Conseil d’État, reprenant le considérant de principe énoncé à l’occasion de sa décision C.E. 12 juillet 2023, Grant Port Maritime de Marseillen, req. n° 469319 énonce que « s'il n'appartient pas au juge administratif d'intervenir dans l'exécution d'un marché public en adressant des injonctions à ceux qui ont contracté avec l'administration, lorsque celle-ci dispose à l'égard de ces derniers des pouvoirs nécessaires pour assurer l'exécution du contrat, il en va autrement quand l'administration ne peut user de moyens de contrainte à l'encontre de son cocontractant qu'en vertu d'une décision juridictionnelle. En pareille hypothèse, le juge du contrat est en droit de prononcer, à l'encontre du cocontractant, une condamnation, éventuellement sous astreinte, à une obligation de faire. En cas d'urgence, le juge des référés peut, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, ordonner au cocontractant, éventuellement sous astreinte, de prendre à titre provisoire toute mesure nécessaire pour assurer la continuité du service public ou son bon fonctionnement, à condition que cette mesure soit utile, justifiée par l'urgence, ne fasse obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative et ne se heurte à aucune contestation sérieuse ».

 

De plus, il résulte de l’article L.113-12 du Code des assurances que « l'assureur a la faculté de résilier unilatéralement le contrat à l'expiration d'un délai d'un an suivant sa conclusion, avec un préavis d'au moins deux mois. Le contrat peut prévoir une durée de préavis plus longue lorsque l'assuré est une personne morale. Ces dispositions sont applicables aux marchés publics d'assurance. Il résulte toutefois des principes généraux applicables aux contrats administratifs que lorsque l'assureur entend en faire application pour résilier unilatéralement le marché qui le lie à la personne publique assurée et que le contrat ne prévoit pas un préavis de résiliation suffisant pour passer un nouveau marché d'assurance, cette dernière peut, pour un motif d'intérêt général tiré notamment des exigences du service public dont la personne publique a la charge, s'y opposer et lui imposer de poursuivre l'exécution du contrat pendant la durée strictement nécessaire, au regard des dispositions législatives et réglementaires applicables, au déroulement de la procédure de passation d'un nouveau marché public d'assurance, sans que cette durée ne puisse en toute hypothèse excéder douze mois, y compris lorsque la procédure s'avère infructueuse. L'assureur peut contester cette décision devant le juge afin d'obtenir la résiliation du contrat ».

 

Or au cas présent :

·      D’une part, l'absence d’assurance qui résulterait de la résiliation serait de nature à compromettre l'exercice de certaines missions de service public en cas de sinistre majeur. En effet, la police d'assurances de ce marché a pour objet de garantir l'ensemble des biens immobiliers et mobiliers appartenant à la métropole Toulon Provence Méditerranée ou dont cette dernière a la garde en vue de l'exécution des missions de service public dont elle est chargée contre divers risques, tels ceux d'incendie, d'explosion, de dégâts des eaux, de catastrophes naturelles, d'actes de vandalisme ou de terrorisme, de sorte que  la nécessité que les dommages aux biens concourant au bon accomplissement des missions de service public qui lui sont confiées soient couverts par une police d'assurance, constitue un motif d'intérêt général justifiant la poursuite de l'exécution du marché. 

 

·      D’autre part, le délai de préavis de six mois prévu par le contrat en cas de résiliation est insuffisant pour procéder à un appel d'offres ouvert. 

Ainsi, la mesure demandée, qui est ainsi nécessaire à la continuité des missions de service public dont est chargée la métropole, présente un caractère d'urgence et d'utilité, et ne se heurte à aucune contestation sérieuse. 

 

Par voie de conséquence, le C.E. ordonne au Groupement assureur de reprendre intégralement l'exécution des prestations auxquelles cette société est obligée par le contrat en litige, pendant la durée strictement nécessaire au déroulement de la procédure de passation d'un nouveau marché d'assurance par la métropole Toulon Provence Méditerranée, sauf à ce que cette dernière y renonce, et au plus tard, dans les circonstances de l'espèce, jusqu'au 30 décembre 2024.

 

D.   C.A.A. de Marseille, 20 février 2024, req. n° 22MA01014 – Rappel : l’acheteur peut engager la responsabilité du titulaire du marché du fait d’une faute de l’un de ses sous-traitants.

 

1 – Faits et procédure. En l’espèce, en 2015, la commune de Bar-sur-Loup a confié à la SAS Id Verde un lot d'un marché public de travaux relatif à la construction d'une crèche en structures modulaires. La SAS Id Verde a sous-traité l'installation de ce chantier, les terrassements, les réseaux et les travaux de construction d'un muret de soutènement à la SAS Rolando. 

 

La SAS Rolando a commencé les travaux de terrassement nécessaires à la construction de ce muret qui avait vocation à conforter les fondations du mur de soutènement existant au droit des propriétés des riverains.

 

Le lendemain de l'intervention de la SAS Rolando, ce mur de soutènement s'est partiellement effondré. 

 

A la demande de la commune de Bar-sur-Loup, le juge des référés du T.G.I. de Grasse a ordonné une expertise aux fins de rechercher tous éléments relatifs aux causes et conséquences des désordres survenus consécutivement à cet effondrement. L’expertise conclut que la SAS Rolando est l’unique responsable des dommages.

 

L'expert ainsi désigné a déposé son rapport.

 

Par la voie de l'appel incident, la SAS Id Verde conteste ce jugement en tant qu'il retient sa responsabilité contractuelle. 

 

Les riverains du mur litigieux font de même en demandant à la Cour d'annuler ce jugement en tant qu'il aurait sous-évalué leur préjudice de jouissance et rejeté, à tort, leur demande de réparation de leur préjudice moral né de la résistance abusive de la commune de Bar-sur-Loup tandis que la SAS Rolando sollicite l'annulation de ce même jugement.

 

2 – Question de droit. L’acheteur peut-il engager la responsabilité du titulaire du marché du fait d’une faute de l’un de ses sous-traitants ?

 

3 – Solution juridique. La C.A.A. va rejeter les requêtes de la Commune.

 

En premier lieu, la C.A.A. rappelle qu’en application de l’article 113 du Code des marchés publics alors applicable, en cas de sous-traitance, le titulaire demeure personnellement responsable de l'exécution de toutes les obligations résultant du marché.

 

Or il résulte de l’instruction que l'effondrement est exclusivement dû à la manière dont les travaux de terrassement ont été conduits par la SAS Rolando, sans qu'aucune faute de quelque nature que ce soit puisse être relevée à la charge de la commune de Bar-sur-Loup. Ainsi, cette commune est fondée à rechercher la responsabilité de la SAS Id Verde, titulaire du marché, à raison des manquements de son sous-traitant, la SAS Rolando, le constructeur devant répondre intégralement des défaillances de son sous-traitant auprès du maître d'ouvrage.

 

La responsabilité de la SAS Id Verde peut donc bien être engagée.

 

 

I.2. Domanialité publique :

 

E.    C.E. 3 avril 2024, req. n° 488803 – Rappel des règles de l’application dans le temps de la domanialité publique virtuelle et du CG3P : un bien acquis avant 2006 pour l’aménager afin de l’affecter à l’usage direct du public appartient au domaine public, quand bien même il n’a jamais été aménagé, a été laissé à l’abandon et a été utilisé par une association privée.

 

1 – Faits et procédure. En l’espèce, la Ville de Paris a fait l'acquisition en 1966 d’une parcelle de terrain dans le XVIIIe arrondissement. Cette parcelle est occupée depuis 1971 par l'association Club Lepic Abbesses Pétanque, qui y a construit 9 terrains de pétanque ainsi qu'un bâtiment à usage de buvette. 

 

Par un courrier du 1er février 2023, la Ville de Paris a mis en demeure l'association de libérer le terrain avant le 28 février 2023. 

 

Par une convention d'occupation du domaine public conclue le 25 juillet 2023 à la suite d'un appel à manifestation d'intérêt, la Ville de Paris a autorisé la société Fremosc à occuper cette parcelle à compter de la remise du site et jusqu'au 24 juillet 2035. 

 

La Ville de Paris se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 25 septembre 2023 par laquelle la juge des référés du T.A. de Paris a rejeté sa demande tendant à ce qu'elle ordonne, en application des dispositions de l'article L. 521-3 du C.J.A., l'expulsion de l'association, ainsi qu'à tous occupants de son chef, de cette parcelle. En effet, le T.A. a considéré que cette  demande était manifestement insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative, dès lors, d'une part, que la parcelle en cause n'avait jamais été directement accessible au public compte tenu de la nécessité, pour y accéder, d'emprunter une voie privée et, d'autre part, qu'elle n'avait jamais fait l'objet d'un aménagement spécial pour les besoins du service public, et qu'elle devait ainsi être regardée comme faisant partie du domaine privé de la Ville de Paris.

2 – Question de droit. La parcelle litigieuse fait-elle partie du domaine public de la Ville de Paris ?

 

3 – Solution juridique. D’abord, le C.E. rappelle qu’avant l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2006, du CG3P, l'appartenance d'un bien au domaine public était, sauf si ce bien était directement affecté à l'usage du public, subordonnée à la double condition que le bien ait été affecté au service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné. En l'absence de toute disposition en ce sens, l'entrée en vigueur de ce code n'a pu, par elle-même, avoir pour effet d'entraîner le déclassement de dépendances qui appartenaient antérieurement au domaine public, en application de la règle énoncée ci-dessus, compte tenu, notamment, de leur affectation à l'usage direct du public.

 

Or au cas présent, un avis de la commission centrale de contrôle des opérations immobilières poursuivies par les services publics ou d'intérêt public, daté du 16 septembre 1965, que la commune de Paris, devenue en 2019 la collectivité de la Ville de Paris, a acquis ce terrain, par un acte de vente daté du 23 juin 1966, en vue de la réalisation d'un espace vert ouvert au public dans le périmètre d'aménagement du site de Montmartre. Il en ressort également, comme l'a relevé la juge des référés, qu'une délibération du Conseil de Paris du 16 décembre 1968 a autorisé le préfet de Paris, alors en charge de l'exécutif de la commune, à entreprendre la réalisation de cet espace vert en prévoyant un budget de 129 000 francs, tandis qu'un arrêté du préfet de Paris du 20 juin 1969 a réparti ce budget en 73 000 francs de travaux d'architecture et 56 000 francs de travaux sur les parcs et jardins. Il résulte de ces circonstances, qui révèlent la volonté de la commune de transformer la parcelle en litige en espace vert et de l'affecter à l'usage direct du public, qu'elle a ainsi été incorporée à son domaine public, sans que l'entrée en vigueur du CG3P ait pu avoir pour effet d'en entraîner le déclassement.

 

Ainsi, en jugeant que, faute pour le terrain d'avoir été effectivement affecté à l'usage direct du public ou d'avoir fait l'objet d'aménagements spéciaux, il devait être regardé comme faisant partie du domaine privé de la commune de sorte que la demande de la Ville de Paris était manifestement insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juge des référés a commis une erreur de droit et a dénature les pièces du dossier.

 

À la grande différence du T.A., le C.E. fait une application remarquable de la « domanialité publique virtuelle par destination ». En effet, le T.A. avait constaté que certes, la Ville de Paris avait acquis la parcelle pour y réaliser des aménagements, mais que ces travaux étaient restés un vœu pieux, malgré les délibérations et la répartition du budget, de sorte que le terrain n’a pas été matériellement affecté à l’usage direct du public, ni fait l’objet d’un aménagement spécial pour les besoins du service public. Le C.E. rejette ce raisonnement en considérant que la volonté d’affecter le terrain à l’usage direct du public suffisait à le faire rentrer dans le domaine public (à rapprocher de C.E. 8 avril 2013, req. n° 363738).

 

II.         Veille législative, réglementaire et autres

II.1. Droit de l’énergie

 

A.   Parution des décrets et de l’arrêté relatifs à l’autoconsommation collective.

 

B.    Décret n° 2024-281 du 29 mars 2024 pris pour l'application du III de l'article 27 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables.

Le texte définit la liste des sites d'implantation des installations industrielles ou des projets de production ou stockage d'hydrogène dont les projets de raccordement au réseau public de transport d'électricité sont susceptibles de bénéficier d'une dispense d'évaluation environnementale, conformément au III de l'article 27 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies. 

 

II.2. Contrats publics

A.   Rép. min. n° 10420 : JOAN 9 janv. 2024, p. 208 (Q. 25 juill. 2023, M. Paul Molac) – Le Code de la commande publique ne saurait imposer au titulaire de répecruter la révision du prix du marché dans ses contrats de sous-traitance.  

 

Questionné par un député sur la la revalorisation des prix des contrats de sous-traitance des marchés publics, le Ministre de l’Économie donne les éléments de réponse suivants : 

·      Le droit de la commande publique ne permet pas d’assurer la redistribution des révisions des marchés au niveau des sous-traitants : « Ne sont appréhendées par le droit de la commande publique, que les règles relatives aux obligations financières qui lient le titulaire et, le cas échéant, son sous-traitant admis au paiement direct, et l'acheteur public. Le CCP ne permet d'imposer aucune obligation spécifique de redistribution aux sous-traitants, quand bien même ces derniers seraient des petites et moyennes entreprises (PME), des sommes issues de la revalorisation des prix telle que prévue au contrat entre l'acheteur public et le titulaire du marché. En effet, dans la mesure où les relations financières entre le titulaire et ses sous-traitants relèvent généralement du droit privé (hormis les cas dans lesquels le titulaire est lui-même une personne publique) et de leur liberté contractuelle, les règles prévues par le CCP ne sauraient permettre à l'acheteur de s'immiscer dans le choix des sous-traitants ou dans la définition des conditions de la sous-traitance. En particulier, il n'appartient qu'au titulaire et ses sous-traitants de négocier les caractéristiques du prix des prestations sous-traitées (montant, caractère ferme ou révisable, avances…) et rien ne s'oppose à ce que ces conditions soient différentes de celles stipulées dans le contrat principal. Il en va de même pour les relations entre sous-traitants directs et indirects, lesquelles n'ont aucune incidence sur les modalités de revalorisation financière qui ont été convenues dans le contrat conclu entre le titulaire et l'acheteur et ne relèvent pas du droit de la commande publique. Si le CCP dispose qu'un opérateur économique peut recourir à la sous-traitance lors de la passation du marché et tout au long de son exécution à condition de l'avoir déclarée à l'acheteur et d'avoir obtenu l'acceptation du sous-traitant et l'agrément de ses conditions de paiement, l'acheteur ne peut pas imposer à cette occasion que le titulaire redistribue équitablement le montant revalorisé qu'il pourrait percevoir en application d'une clause de variation des prix prévue au contrat principal »

 

B.    Décret n° 2024-308 du 4 avril 2024 relatif au contrôle du coût de revient des marchés de défense ou de sécurité de l'Etat et de ses établissements publics.

 

Le décret précise la forme selon laquelle les opérateurs économiques sont tenus de présenter leurs éléments techniques et comptables dans le cadre du contrôle du coût de revient des marchés de l'Etat et de ses établissements publics et définit la nature des charges comprises dans la détermination de ce coût et les modalités de leur comptabilisation.

 

 

 

 

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A propos de l'auteur
Blog de Droit public des affaires by Florent Cedziollo

Élève-avocat et passioné par le Droit public des affaires, je vous propose de retrouver mes articles et veilles juridiques à travers ce site internet.

D'une grande curiosité, j'aime également étudier et écrire sur des sujets relatifs au droit de la concurrence ou au droit international des affaires, voire même à l'économie.

Du fait de ma formation universitaire, étant notamment Normalien en Droit-Économie-Management, j'aime allier pratique et théorie.

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