Veille juridique de la semaine du 22 avril 2024
I.1. Droit des interventions économiques des collectivités territoriales
I.3. Contentieux administratif
II. Veille législative, réglementaire et autres…
I.1. Droit des interventions économiques des collectivités territoriales
A. C.A.A. de Nantes, 4ème Chambre, 19 avril 2024, req. n° 23NT01257 – Une commune peut participer au capital d’une SPV ayant pour objet la production d'énergie renouvelable.
1 – Faits et procédure. En l’espèce, par une délibération le conseil municipal d’une commune a décidé de souscrire au capital d’une société ayant pour objet la production d’énergie renouvelable à concurrence d'un montant de 17 250 euros, de verser une première avance en compte-courant d'associé d'un montant de 32 750 euros et a autorisé le maire à signer tous les documents en vue de la réalisation de cette souscription.
Le préfet de la Mayenne a demandé au T.A. de Nantes d'annuler la délibération du 6 mai 2021 ainsi que la décision du maire de la commune du 15 juillet 2021 refusant de procéder à son retrait.
Le T.A. a annulé la délibération du conseil municipal du 6 mai 2021 en tant qu'elle décide du versement d'une première avance en compte courant d'associé, a annulé la décision du maire du 15 juillet 2021 en tant qu'il a refusé d'inscrire à l'ordre du jour du conseil municipal la question du retrait de la délibération du 6 mai 2021 en tant qu'elle décide du versement d'une première avance en compte courant d'associé et a rejeté le surplus de sa demande.
Le préfet fait appel de ce jugement en tant qu'il rejette sa demande dirigée contre la délibération du 6 mai 2021 en tant qu'elle décidait la prise de participation de la commune au capital de la société. Elle soutient que la participation de la commune au capital de la société méconnait le principe de spécialité et d'exclusivité, la possibilité de souscription au capital de la société commerciale ayant été transférée au syndicat mixte de manière indissociable de l'exercice de la compétence relative à la production d'énergie renouvelable définie à l'article L. 2224-32 du C.G.C.T.
2 – Question de droit. La commune pouvait-elle participer au capital social de la société alors que son objet social est étranger à ses attributions ?
3 – Solution juridique. La C.A.A. va juger que oui, mais uniquement car par une interprétation constructive de dispositions du C.G.C.T..
En effet :
Ø D’une part, l'article L. 2224-32 du C.G.C.T. permet aux communes d’aménager et exploiter ou faire aménager et exploiter des installations produisant de l’énergie renouvelable.
Ø D’autre part, en principe, « sont exclues, sauf autorisation prévue par décret en Conseil d'Etat, toutes participations d'une commune dans le capital d'une société commerciale et de tout autre organisme à but lucratif ». Toutefois, par exception de telles participations sont possibles dans le capital de sociétés commerciales ou d’organismes à but lucratif ayant pas pour objet d'exploiter les services communaux ou des activités d'intérêt général dans les conditions prévues à l'article L. 2253-2, ou dans capital d'une société anonyme ou d'une société par actions simplifiée dont l'objet social est la production d'énergies renouvelables par des installations situées sur leur territoire ou, pour une commune, sur le territoire d'une commune limitrophe ou, pour un groupement, sur le territoire d'un groupement limitrophe.
Interprétant ces textes la C.A.A. juge que le législateur « n'a pas entendu imposer que seules les collectivités ayant la compétence en matière d'énergies renouvelables en vertu de l'article L. 2224-32 du même code puissent participer au capital d'une société anonyme ou d'une société par actions simplifiée dont l'objet social est la production d'énergies renouvelables. Ainsi, la circonstance que la compétence prévue à l'article L. 2224-32 du code général des collectivités territoriales aurait été transférée par la commune de Congrier au syndicat mixte est sans influence sur la légalité de la délibération du 6 mai 2021 ».
En tout état de cause le seul fait d’avoir précisé dans les statuts du syndicat mixte que celui-ci est « autorisé à prendre des participations dans des sociétés commerciales ou coopératives dont l'objet social concerne l'un de ses domaines d'intervention selon les modalités légales et réglementaires en vigueur et, en particulier, les dispositions de l'article L.2253-1 du code général des collectivités territoriales » ne suffit pas pour considérer que la commune a transféré sa compétence en la matière.
Le jugement du T.A. est donc annulé.
A. C.E. 24 avril 2024, req. n° 472038 – Précisions du régime indemnitaire du candidat irrégulièrement évincé lorsque le contrat litigieux est résilié par la suite.
1 – Faits et procédure. En l’espèce, la commune de la Chapelle d'Abondance a lancé une procédure d'attribution d'une DSP pour l'exploitation des remontées mécaniques et des pistes de ski alpin situées sur son territoire.
L'offre de la société d'exploitation de la Chapelle d'Abondance (SELCA) a été retenue. Le contrat a été signé le 10 novembre 2016.
La société Chapelle d'Abondance Loisirs Développement (CALD), candidate évincée, a demandé au T.A. de Grenoble de condamner la commune à l'indemniser de son manque à gagner ou, à titre subsidiaire, des frais de présentation de son offre.
Par un jugement du 19 novembre 2020, le T.A. a partiellement fait droit à sa demande en condamnant la commune de la Chapelle d'Abondance à lui verser 22 558 euros, correspondant aux frais de présentation de son offre.
La commune de la Chapelle d'Abondance se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 10 janvier 2023 par lequel la C.A.A. de Lyon, sur appel de la société CALD, a réformé ce jugement et porté le montant de sa condamnation à la somme de 450 000 euros correspondant au manque à gagner de cette société. La C.A.A. a jugé que par principe, la circonstance que le contrat en litige initialement signé a été résilié par la suite est sans incidence sur le droit à l'indemnisation du manque à gagner du concurrent irrégulièrement évincé.
2 – Question de droit. La circonstance que le contrat en litige initialement signé a été résilié par la suite est-elle sans incidence sur le droit à l'indemnisation du manque à gagner du concurrent irrégulièrement évincé ?
3 – Solution juridique. Le C.E. énonce que :
Ø D'une part, lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de la procédure d'attribution, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le contrat. Dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité. Dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre. Il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le contrat. Dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique.
Ø D'autre part, lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'irrégularité ayant, selon lui, affecté la procédure ayant conduit à son éviction, il appartient au juge, si cette irrégularité et si les chances sérieuses de l'entreprise d'emporter le contrat sont établies, de vérifier qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute en résultant et le préjudice dont le candidat demande l'indemnisation. Il lui incombe aussi d'apprécier dans quelle mesure ce préjudice présente un caractère certain, en tenant compte notamment, s'agissant des contrats dans lesquels le titulaire supporte les risques de l'exploitation, de l'aléa qui affecte les résultats de cette exploitation et de la durée de celle-ci.
Ø Enfin, dans le cas où le contrat a été résilié par la personne publique, il y a lieu, pour apprécier l'existence d'un préjudice directement causé par l'irrégularité et en évaluer le montant, de tenir compte des motifs et des effets de cette résiliation, afin de déterminer quels auraient été les droits à indemnisation du concurrent évincé si le contrat avait été conclu avec lui et si sa résiliation avait été prononcée pour les mêmes motifs que celle du contrat irrégulièrement conclu.
Le C.E. faisant application de ce dernier considérant de principe au cas présent souligne qu’ « en jugeant que, par principe, la circonstance que le contrat en litige initialement signé a été résilié par la suite était sans incidence sur le droit à l'indemnisation du manque à gagner du concurrent évincé, sans tenir compte des motifs et des effets de cette résiliation, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit ».
B. TA Grenoble, 16 avril 2024, req. n°2101037 - La seule qualité d'usagers du service de chauffage urbain ne saurait conférer aux requérants un intérêt pour agir dans le cadre d’un recours Transmanche.
1 – Faits et procédure. En l’espèce, la commune de Valence a confié par DSP à la société Coriance la gestion et l'exploitation de son réseau de chauffage urbain pour une durée de 24 ans.
Par un avenant n°1 du 18 août 2017, la société Energie verte de Valence (EVVA) s'est substituée dans les droits et obligations de la société Coriance pour l'exécution du contrat.
Par une lettre du 16 novembre 2020, l'association UDCAL et autres ont demandé la résiliation de la convention du 6 décembre 2016 et de ses trois avenants. Cette demande a été rejetée par une décision du 16 décembre 2020 dont les requérants demandent l'annulation.
Les défenderesses (la commune et la société titulaire de la DSP) font valoir que la requérante est dépourvue de qualité lui donnant intérêt à agir. Cette dernière se défend en arguant que ses membres sont susceptibles d'être lésés de manière suffisamment directe et certaine par la décision litigieuse eu égard aux incidences financières attachées à la poursuite de l'exécution du contrat et à la renonciation aux énergies renouvelables dans les conditions initialement définies.
2 – Question de droit. L’association a-t-elle intérêt à agir dans le cadre d’un recours Transmanche ?
3 – Solution juridique. Le T.A. commence par rappeler traditionnellement qu’« un tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par une décision refusant de faire droit à sa demande de mettre fin à l'exécution du contrat, est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction tendant à ce qu'il soit mis fin à l'exécution du contrat » (C.E. 30 juin 2017, SMPAT, req. n° 398445).
Par la suite, il va considérer la requérante comme dépourvue de tout intérêt à agir. En effet, « la seule qualité d'usagers du service de chauffage urbain ne saurait conférer aux requérants un intérêt pour agir ».
Or :
Ø D'une part, il leur appartient de démontrer que la poursuite de la convention de délégation de service public en cause est de nature à léser leurs intérêts de façon suffisamment directe et certaine. A cet égard, juge le T.A., la hausse des prix dont les requérants se prévalent, consécutive notamment au gel du prix du gaz et à la construction d'un équipement de chaufferie biomasse, ne saurait justifier de ce que leur intérêt serait lésé par la poursuite du contrat en cause alors que l'investissement est désormais réalisé, que le prix du gaz a repris son indexation depuis septembre 2021 et qu'il n'est pas contesté que la conclusion d'un quatrième avenant prévue en 2023 porte notamment sur une diminution du taux d'emprunt ainsi qu'une adaptation de la facturation du terme lié au coût du CO2.
Ø D'autre part, les requérants doivent également démontrer que la cessation du contrat est de nature à remédier à la lésion dont ils se prévalent. En l'espèce, selon le T.A., les requérants n'établissent pas que la résiliation du contrat permettrait de remédier aux intérêts prétendument lésés relatifs à l'incidence financière de l'exécution du contrat et à la renonciation aux énergies renouvelables. L'évolution des conclusions des requérants tendant à la signature « d'un avenant propre à garantir le respect de l'intérêt général et tirant les conséquences du jugement à intervenir » qui apparaissent contradictoires avec la demande de résiliation de la convention, confirme la volonté de ces derniers d'une poursuite du contrat. Dans ces conditions, les requérants ne justifient pas d'un intérêt direct et certain à ce qu'il soit mis fin à l'exécution de la convention de délégation de service public du chauffage urbain de Valence.
Le recours est donc jugé irrecevable.
C. T.A. Strasbourg, 19 avril 2024, n°2402132 – Offre irregulière d’un cabinet d’avocat pour violation des dispositions de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1971 relatives à la fixation d'honoraires.
1 – Faits et procédure. En l’espèce, par avis de marché du 4 septembre 2023, l'office public d'habitat Pôle Habitat Colmar - Centre Alsace (ci-après l’« OPH ») a engagé une procédure d'appel d'offres ouvert engagée par Pôle Habitat Colmar - Centre Alsace en vue de la passation d'un marché public de services pour le suivi administratif des dossiers de dégrèvement de taxes foncières sur les propriétés bâties.
Le 15 mars 2024, un cabinet d’avocat a été informée du rejet de son offre et de l'attribution du marché à un groupement.
Dans l'état de ses conclusions à la clôture de l'instruction, le cabinet évincé demande au juge des référés pré-contractuels, à titre principal, d'ordonner à Pôle Habitat Colmar - Centre Alsace de se conformer aux règles de la consultation et aux règles du droit de la commande publique en lui attribuant le marché, à titre subsidiaire, d'annuler la procédure de passation en litige.
En effet, il considère que l’offre de l’attributaire est irrégulière. En effet, il ressort de l'acte d'engagement du groupement que son prix est constitué uniquement par un pourcentage appliqué sur le montant du dégrèvement de taxes foncières sur les propriétés bâties obtenu et payé par la trésorerie. Cette modalité de rémunération constitue, selon la requérante, au sens des dispositions de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1971, une fixation d'honoraires uniquement en fonction du résultat, sans qu'il y ait lieu de faire de distinction entre les activités judiciaires et juridiques. En effet, aux termes de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, « les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client. () Toute fixation d'honoraires qui ne le serait qu'en fonction du résultat judiciaire est interdite. Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu ».
2 – Question de droit. L’offre de l’attributaire est-elle irrégulière ?
3 – Solution juridique. Le T.A. juge que l’offre méconnaît les dispositions de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1971 précité et est, dès lors, irrégulière au sens de l'article L. 2152-2 du code de la commande publique. Ainsi, le T.A. annule de la procédure de passation en litige au stade de l'examen des offres et la décision d'attribution du marché au groupement conjoint.
D. C.A.A. de Lyon 17 avril 2024, req. n°23LY03924 – Le caractère forfaitaire du marché public ne s’oppose pas à la rémunération des prestations supplémentaires.
1 – Faits et procédure. En l’espèce, la société Montessuit et Fils a demandé au T.A. de Grenoble, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la commune de Reignier-Esery et la communauté de communes Arves et Salève à lui verser une provision de 525 867,06 euros, subsidiairement de 392 077,70 euros TTC, en paiement de prestations excédant le forfait de rémunération du marché du lot 2 Fondation Gros œuvre des travaux de construction d'un complexe sportif et culturel.
Par ordonnance, le juge des référés du T.A. de Grenoble a fait droit à la demande présentée à titre subsidiaire.
La commune de Reignier-Esery et la communauté de communes Arves et Salève contestent cette dernière, elles soutiennent que :
- c'est à tort que pour regarder la créance comme non sérieusement contestable, l'ordonnance attaquée a tranché une question qui ne pouvait relever que du fond du litige, soumise à expertise qui doit examiner les limites du forfait de rémunération et la responsabilité du titulaire du marché dans ce dépassement ;
- celui-ci devait présenter une offre incluant la variante technique à l'origine du surcoût et le pouvoir adjudicateur n'a pas été alerté de l'incohérence des quantités indiquées par le DGPF
- le régime du forfait doit conduire le titulaire à assumer les surcoûts ;
- la réalité de la créance n'est pas établie ;
- l'allocation d'une provision contrarie la procédure contractuelle d'apurement de la créance contractuelle par versement d'acomptes mensuels.
2 – Question de droit. La société avait-elle droit à une rémunération du fait des prestations supplémentaires ?
3 – Solution juridique. La C.A.A. commence par rappeler qu’en vertu de l'article R. 2112-5 du Code de la commande publique et de l'article 3.2.1 du CCAP annexé au marché, les prestations sont rémunérées à prix forfaitaire, ce qui implique que l'entreprise assume toute dépense supplémentaire découlant des quantités estimatives de matériaux figurant au DGPF, sous réserve que l'ouvrage réalisé soit conforme aux spécifications techniques contractuelles. Cependant, en l’espèce, le marché conclu le 13 mars 2020 pour le lot 2 concernait la réalisation d'un gros œuvre conçu pour accueillir une charpente en acier et en bois. Par conséquent, le forfait contractuel et son aléa ne pouvaient s'appliquer qu'à la réalisation d'un ouvrage conforme à ces spécifications, même si des soumissionnaires étaient invités à envisager une variante qui n'a pas été chiffrée dans le marché en question.
En conséquence, juge la C.A.A. d'une part, la décision du maître d'ouvrage d'exiger de l'entreprise, sur recommandation de la maîtrise d'œuvre, la réalisation d'un ouvrage capable de supporter une couverture végétale et une charpente entièrement en bois requiert une rémunération hors forfait, et, d'autre part, les quantités supplémentaires de béton et de ferraillage à mettre en œuvre ne constituent pas un préjudice supporté par le maître d'ouvrage, mais une dépense nécessaire qu'il aurait dû supporter si le marché avait été initialement conclu en fonction de ce choix technique. Par conséquent, la prétendue responsabilité de l'entreprise dans l'évolution de la conception de l'ouvrage n'a aucune incidence sur son droit à une rémunération intégrale pour les prestations supplémentaires qu'elle a effectuées.
En outre, premièrement, le montant de 392 077,70 euros TTC accordé en première instance correspond aux quantités de matériaux nécessaires pour les plans d'exécution établis par la maîtrise d'œuvre et inclus dans les devis validés par celle-ci. Il ne peut donc être considéré comme couvrant des dépenses éventuelles ou non nécessaires. Deuxièmement, rien dans les éléments présentés ne suggère que ce montant rémunère, même partiellement, des prestations que l'entreprise n'aurait pas encore livrées, ce qui exclut qu'il constitue une avance non conforme au régime de paiement des acomptes prévu par l'article 3.3 du CCAP.
En conclusion, la commune de Reignier-Esery et la communauté de communes Arves et Salève ne sont pas fondées à contester la décision du juge des référés du tribunal qui les a condamnées à verser à la société Montessuit et Fils une provision de 392 077,70 euros par l'ordonnance attaquée. Leurs demandes en ce sens doivent être rejetées.
E. T.A. de Besançon, 6 mars 2024, req. n° 2400277 - Le sourcing ne méconnaît pas le principe d’impartialité.
1 – Faits et procédure. En l’espèce, par un avis d'appel à la concurrence publié le 10 novembre 2023, le CHU de Besançon a lancé une procédure de consultation en vue de la conclusion d'un accord-cadre ayant pour objet une prestation logistique et de « facility management ».
La procédure choisie était celle de l'appel d'offres ouvert. Trois offres ont été reçues dont celle de la SAS Bovis Franche-Comté.
Par un courrier du 7 février 2024, le CHU de Besançon a informé la SAS Bovis Franche-Comté, que son offre, ayant obtenu la note globale de 85,68/100, n'était pas retenue et que le marché était attribué à la SAS Idéa Logistique dont l'offre avait obtenu la note globale de 95,50/100.
Estimant que le pouvoir adjudicateur avait commis des manquements à ses obligations de publicité et de mise en concurrence, la SAS Bovis Franche-Comté, classée deuxième au terme de la procédure de mise en concurrence, demande au juge du référé précontractuel d'annuler la procédure de passation du marché.
La SAS Bovis Franche-Comté soutient que :
- il n'est pas établi que la société déclarée attributaire du marché ait disposé des capacités professionnelles, techniques et financières pour pouvoir candidater ;
- il n'est pas établi que la société attributaire a produit des attestations fiscales et sociales de moins de 6 mois avant la signature du marché ;
- le principe d'égalité de traitement a été méconnu dès lors que le directeur des achats du CHU, désigné comme l'interlocuteur des candidats et membre de la commission d'appel d'offres, a par le passé rédigé des mails menaçants et remettant en cause le professionnalisme des membres de la société Bovis ;
- le besoin du CHU n'est pas correctement défini dès lors qu'un certain nombre de prestations sont en option ou ne sont pas précisées dans leur entièreté par le CCTP du marché ce qui expliquerait la différence entre le prix proposé par elle et le prix proposé par la SAS Idéa Logistique ;
- l'offre de la société Bovis a été dénaturée par rapport à celle de la société retenue ;
- l'offre de l'attributaire est irrégulière.
2 – Question de droit. La procédure d’attribution est-elle régulière ?
3 – Solution juridique. En premier lieu, le T.A. commence par rappeler qu’ « il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats ».
Puis le T.A. va vérifier que le pouvoir adjudicateur n’a pas dénaturé l’offre de la requérante :
- selon le T.A. cette dernière ne présente aucun élément objectif de son offre qui ait fait l'objet d'une telle dénaturation, se contentant de critiquer le fait qu'elle ait pu obtenir soit la même note, soit une note inférieure à la SAS Idéa Logistique au titre de 6 des 11 points constituant le critère de la valeur technique.
- or il n'appartient pas au juge du référé précontractuel de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres.
Ainsi, le moyen tiré de la dénaturation de l’offre ne peut qu'être rejeté.
En deuxième lieu, le T.A. souligne que le principe d'impartialité, principe général du droit, s'impose au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative. Sa méconnaissance est constitutive d'un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence.
Or en l’espèce, le T.A. va constater qu’il n’y a pas eu d’atteinte à ce principe fondamental :
- Certes, un adjoint des cadres au sein de la direction des achats du CHU, qui a tenu des propos menaçants et présenté une animosité contre la SAS Bovis Franche-Comté entre 2018 et 2022 alors que ladite société était titulaire d'un précédent marché ayant un objet similaire à celui en litige est intervenu lors de la procédure de passation de ce nouveau marché puisqu’il avait la charge de fixer les rendez-vous pour que chaque candidat puisse visiter le site du CHU.
- Toutefois, la SAS Bovis Franche-Comté ne démontre ni même n'allègue qu'elle n'aurait pas pu prendre un tel rendez-vous.
- En tout état de cause, cet individu ne faisait pas partie de la commission qui s'est réunie pour attribuer le marché en litige et il n’a pas été le rédacteur du procès-verbal d'analyse des offres.
- Question plus intéressante, le T.A. juge que le fait que le CHU ait recouru au sourcing, conformément à l’article R. 2111-1 du CCP est sans lien direct avec le comportement passé de l’agent à l'égard de la société requérante.
De sorte que, les menaces et propos déplacés de cet qgent à l'égard de la société requérante ne sont, à eux seuls, pas susceptibles de faire naître en l'espèce un doute légitime sur l'impartialité du pouvoir adjudicateur.
En troisième lieu, la société requérante, s'appuyant sur le fait qu'elle était depuis plus de 4 années le co-contractant du CHU de Besançon dans le cadre d'un marché ayant un objet similaire à celui en litige, soutient que le CHU de Besançon n'aurait pas correctement défini son besoin dès lors qu'un certain nombre de prestations seraient en option ou ne seraient pas précisées dans leur entièreté par le CCTP du marché ce qui expliquerait la différence entre le prix proposé par elle et le prix proposé par la SAS Idéa Logistique.
Toutefois, le T.A. juge que la société requérante n'étant tenue de répondre qu'aux besoins exprimés par le CCTP du marché en litige, il lui appartenait de proposer un prix répondant à ces seuls besoins.
En tout état de cause, le T.A. juge que la société requérante n'explique pas en quoi les carences qu'elle pointe dans la définition de son besoin par le CHU de Besançon seraient constitutives d'un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation du marché en litige.
Le recours est donc rejeté.
F. T.J. de Paris, 29 février 2024, Sté Up Coop, n°24/50266 – Le critère permettant de départager des sociétés classées en première position ex aequo doit être prévus dans les documents de la consultation.
1 – Faits et procédure. En l’espèce, l'association OPCO 2i a engagé une procédure formalisée d'appel d'offres ouvert en application de l'article R. 2124-2, 1° du Code de la commande publique ayant pour objet l'attribution d'un marché de fourniture et de gestion de titres restaurants dématérialisés.
La société UP COOP, titulaire du marché, a déposé une offre.
Une décision de rejet lui a été notifiée par lettre de l'association OPCO 2i datée du 20 décembre 2023 comportant la motivation suivante : « Votre offre n'a pas été jugée la mieux-disante au vu des critères d'attribution de cette consultation. Le contrat a été attribué au fournisseur EDENRED FRANCE pour un montant de Sans objet (Accord-cadre). Votre offre a été classée ex-aequo avec l'attributaire. Bien que votre offre réponde au cahier des charges, conformément au Code de la Commande Publique qui oblige le pouvoir adjudicateur à une mise en concurrence régulière et une diversité des fournisseurs, le choix a été fait d'attribuer le marché à EDENRED. ».
Il ressortait par ailleurs de ce courrier que la société UP COOP et la société EDENRED avaient toutes deux obtenu la même note de 100/100 par suite de l'attribution de la note maximale au titre de chacun des critères, prix et technique, et de chacun des six sous-critères techniques prévus par le règlement de la consultation.
Par acte du 10 janvier 2024, la société UP COOP a fait assigner l'association OPCO 2i devant le président de tribunal statuant selon la procédure accélérée au fond. Aux termes de son assignation développée oralement à l'audience, elle demande au juge d’annuler la décision de l'association OPCO 2i en date du 20 décembre 2023 et d’annuler la procédure de publicité et de mise en concurrence suivie par l'association OPCO 2i.
Concernant la décision de rejet de l’offre de la société UP COOP, cette dernière soutient que l'association OPCO 2i a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence. Elle fait valoir :
- que le règlement de la consultation n'a pas prévu de règles permettant de départager deux offres qui seraient le cas échéant classées en première position ex aequo;
- que l'association OPCO 2i a neutralisé les critères de sélection des offres en attribuant exactement les mêmes notes à la société UP COOP et à la société EDENRED FRANCE; que dans ces conditions, en l'absence d'offre économiquement la plus avantageuse, l'association OPCO 2i ne pouvait que déclarer la procédure de publicité et de mise en concurrence infructueuse;
- qu'en outre, le critère mis en œuvre par l'association OPCO 2i pour départager les deux offres, à savoir la volonté de favoriser une diversité de fournisseurs, n'a pas été porté préalablement à la connaissance des candidats et est au surplus discriminatoire à l'égard de la société UP COOP, écartée du fait de sa qualité de titulaire sortant du marché.
L'association OPCO 2I réplique qu'elle a respecté les obligations de publicité et de mise en concurrence mises à sa charge par la réglementation. Elle fait valoir:
- qu'aucun texte n'impose de méthode de notation des critères ni ne prévoit l'obligation d'introduire dans les documents de la consultation une clause de départage en cas d'égalité entre deux offres;
- qu'en l'espèce, confrontée à une situation exceptionnelle résultant de la notation strictement égale de deux candidats ayant obtenu la note maximale à tous les critères, l'association OPCO 2i, qui aurait pu recommencer la procédure dans son intégralité, a préféré départager les deux offres sur la base des principes fondamentaux de la commande publique;
- que la "diversité des fournisseurs" évoquée dans sa lettre de rejet du 20 décembre 2023 ne constitue pas un critère à proprement parler mais résulte de l'application des dispositions d'ordre public du code de la commande publique et de la directive du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics, dont le considérant 79 dispose que lorsque les marchés sont divisés en lots, il devrait être permis aux pouvoirs adjudicateurs de limiter le nombre de lots pouvant être attribués à un même soumissionnaire;
- que le principe de liberté d'accès à la commande publique a pour conséquence l'ouverture du marché à de nouveaux prestataires et donc l'obligation, pour l'acheteur, de ne pas recourir de manière systématique à un même fournisseur, ainsi qu'il ressort d'une réponse du ministre chargé du budget (question n°00687 publié au JO du Sénat du 7 mars 2013, page 781).
2 – Question de droit. L’attribution du marché est-elle régulière ?
3 – Solution juridique. Le T.J. annule la procédure.
En effet, les documents de la consultation n’ont pas prévu de modalités particulières pour départager deux offres classées en première position ex aequo.
Or, pour justifier sa décision d'écarter l'offre de la société UP COOP au profit de celle de la société EDENRED FRANCE, l'association OPCO 2i explique, aux termes de son courrier du 20 décembre 2023, que « Bien que votre offre réponde au cahier des charges, conformément au Code de la Commande Publique qui oblige le pouvoir adjudicateur à une mise en concurrence régulière et une diversité des fournisseurs, le choix a été fait d'attribuer le marché à EDENRED».
À l'audience, l'association OPCO 2i a d’ailleurs confirmé que la formulation précitée exprime le fait qu'elle a décidé de retenir l'offre de la société EDENRED FRANCE au motif que cette dernière, à la différence de la société UP COOP, n'était pas la titulaire sortante du marché.
Le T.J. constate pourtant que ce critère, qui a donc déterminé la décision de l'association OPCO 2i, ne figurait pas dans les documents de la consultation de sorte qu'il n'a pas été porté à la connaissance des candidats.
Par ailleurs, le T.J souligne que ce critère n'est pas justifié par l'objet du marché ou ses conditions d'exécution et ne conduit pas à retenir l'offre économiquement la plus avantageuse.
En outre, souligne-t-il, si le Code de la commande publique impose au pouvoir adjudicateur de procéder à une mise en concurrence régulière au regard des principes et modalités qu'il édicte, il n'impose pas d'écarter le titulaire sortant d'un marché afin de recourir à une diversité de fournisseurs.
Ainsi, en écartant l'offre de la société UP COOP au profit de celle de la société EDENRED FRANCE par la mise en œuvre d'un critère non révélé en temps utile et discriminatoire, l'association OPCO 2i a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence.
La décision de l'association OPCO 2i de rejet de l'offre de la société UP COOP notifiée par lettre du 20 décembre 2023 est donc annulée, tout comme la procédure de publicité et de mise en concurrence du marché de fourniture et gestion de titre des restaurants dématérialisés engagée par l'association OPCO 2i.
G. C.E. avis, 22 avril 2024, projet de loi de simplification, n° 408246 – Le C.E. valide les dispositifs du projet de loi simplification.
I.3. Contentieux administratif
A. C.E. 22 avril 2024, req. n° 474179 – Une lettre de l’ACPR n’est pas un acte de droit souple contestable au sens de la jurisprudence GISTI.
1 – Faits et procédure. En l’espèce, par un courrier du 14 mars 2023, le premier secrétaire général adjoint de l’ACPR, en réponse à une demande de l'association Maison des lanceurs d'alerte du 19 janvier 2023 relative au traitement des signalements transmis par les lanceurs d'alerte, a indiqué, d'une part, que ses services communiquaient aux auteurs de signalements, dans le délai fixé par le décret du 3 octobre 2022 relatif aux procédures de recueil et de traitement des signalements émis par les lanceurs d'alerte et fixant la liste des autorités externes instituées par la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte, un retour d'informations sur le résultat final des diligences mises en œuvre pour les traiter et, d'autre part, qu'en raison du secret professionnel auquel les agents de l’ACPR étaient tenus, aucune indication détaillée sur la teneur des diligences de contrôle mises en œuvre dans le cadre du traitement d'un signalement ne pouvait toutefois être communiquée.
L'association Maison des lanceurs d'alerte demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce courrier.
2 – Question de droit. La question qui se posait est celle de la recevabilité d’un tel recours.
3 – Solution juridique. Le C.E. rappelle classiquement que « les documents de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices » (C.E. 12 juin 2020, GISTI, req. n° 418142).
Puis, le C.E. va déclarer le recours irrecevable : « la lettre du 14 mars 2023 par laquelle l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution a répondu à une demande de l'association requérante en lui faisant part de son interprétation des obligations lui incombant en vertu de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, modifiée par la loi du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte, ainsi que des dispositions du code monétaire et financier, ne révèle par elle-même aucune décision. Dès lors que cette lettre se borne à répondre à une demande particulière, elle ne saurait être regardée comme constituant un document de portée générale susceptible d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation des lanceurs d'alerte. Par suite, elle n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ».
A. C.E. 19 avril 2023, req. n° 474612 – La tarification pour l’année 2023 des établissements de santé privés jugée légale.
1 – Faits et procédure. En vertu de la législation en matière de sécurité sociale, chaque année, la loi de financement de la sécurité sociale établit un objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) pour tous les régimes de base obligatoires. Ce montant est déterminé dans la partie de la loi concernant les dépenses pour l'année suivante. De plus, les ministres responsables de la santé, de la sécurité sociale et du budget fixent, chaque année et dans un délai de quinze jours après la promulgation de la loi, le montant de l'ONDAM pour les activités médicales, chirurgicales, obstétricales et dentaires.
Également, dans le même délai, ces ministres déterminent certains éléments tarifaires, y compris les tarifs nationaux des services hospitaliers, qui entrent en vigueur le 1er mars de l'année suivante. Ces tarifs sont ajustés en fonction de divers coefficients prenant en compte les allégements fiscaux et sociaux pour les établissements de santé, ainsi que les dispositifs de revalorisation salariale du personnel.
Enfin, chaque année, les ministres arrêtent également, dans les quinze jours suivant la promulgation de la loi de financement de la sécurité sociale, le montant d'une dotation nationale destinée à financer des missions d'intérêt général et à aider à la contractualisation des établissements de santé.
Suite à des requêtes déposées par la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne (FEHAP) et l'association des hôpitaux privés sans but lucratif (HPSBL), ces arrêtés ont été contestés devant les tribunaux administratifs pour divers motifs, notamment en ce qui concerne l'application des coefficients aux établissements de santé et la majoration des indemnités de nuit pour le personnel hospitalier.
En vertu de la loi sur la sécurité sociale, chaque année, la loi de financement de la sécurité sociale établit un objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) pour tous les régimes de base obligatoires. Ce montant est déterminé dans la partie de la loi concernant les dépenses pour l'année suivante. De plus, les ministres responsables de la santé, de la sécurité sociale et du budget fixent, chaque année et dans un délai de quinze jours après la promulgation de la loi, le montant de l'ONDAM pour les activités médicales, chirurgicales, obstétricales et dentaires.
Également, dans le même délai, ces ministres déterminent certains éléments tarifaires, y compris les tarifs nationaux des services hospitaliers, qui entrent en vigueur le 1er mars de l'année suivante. Ces tarifs sont ajustés en fonction de divers coefficients prenant en compte les allégements fiscaux et sociaux pour les établissements de santé, ainsi que les dispositifs de revalorisation salariale du personnel.
Enfin, chaque année, les ministres arrêtent également, dans les quinze jours suivant la promulgation de la loi de financement de la sécurité sociale, le montant d'une dotation nationale destinée à financer des missions d'intérêt général et à aider à la contractualisation des établissements de santé.
Suite à des requêtes déposées par la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne (FEHAP) et l'association des hôpitaux privés sans but lucratif (HPSBL), ces arrêtés ont été contestés devant les tribunaux administratifs pour divers motifs, notamment en ce qui concerne l'application des coefficients aux établissements de santé et la majoration des indemnités de nuit pour le personnel hospitalier. Les tribunaux ont rejeté ces requêtes, confirmant la légalité des arrêtés contestés.
2 – Question de droit. Cette tarification est-elle légale ?
3 – Solution juridique. L'arrêté du 28 mars 2023, fixant l'objectif de dépenses d'assurance maladie pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie pour l'année 2023, est soumis à des critiques sur sa légalité interne. Selon la loi, les éléments tarifaires doivent être établis en respectant cet objectif, qui est préalablement déterminé en fonction de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie fixé par la loi de financement de la sécurité sociale. Ainsi, les coefficients appliqués aux tarifs doivent être conformes à cet objectif, et les contestations portant sur ces coefficients ne sont pas recevables.
Concernant l'arrêté du 30 mars 2023 fixant les tarifs pour l'année 2023, plusieurs points sont soulevés. D'une part, il est affirmé que le pouvoir réglementaire peut légitimement prévoir des coefficients de modulation pour tenir compte des effets des revalorisations salariales, sans pour autant ajouter de nouveaux critères non prévus par la loi. D'autre part, le principe d'égalité n'est pas violé, car les différences de traitement entre établissements sont en lien direct avec les dispositifs de revalorisation salariale qui leur sont applicables.
Concernant d'autres contestations, il est argumenté que les coefficients appliqués aux tarifs des établissements de santé privés à but non lucratif sont justifiés et ne contreviennent ni au respect des revalorisations salariales ni au principe d'égalité. Ainsi, les requêtes visant à annuler l'arrêté du 28 mars 2023 sont rejetées, entraînant également le rejet des demandes concernant l'annulation de l'arrêté du 30 mars 2023.
En ce qui concerne l'arrêté du 28 mars 2023 déterminant la dotation nationale de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation pour 2023, il est précisé que cette dotation peut inclure le financement de la permanence des soins hospitaliers. Par conséquent, l'arrêté attaqué peut légalement prévoir le financement d'une majoration des indemnités de nuit pour le personnel hospitalier, dans le cadre de l'aide à la contractualisation.
En résumé, toutes les requêtes sont rejetées, sans qu'il soit nécessaire d'examiner leur recevabilité, y compris les demandes d'injonction et les demandes de remboursement des frais de justice.
A. T.A. de Pau, 12 avril 2024, req. n° 2400721 – Suspension du refus des ministres de la Transition écologique et de l’Economie de prolonger la validité d’une concession de mines d’hydrocarbures.
1 – Faits et procédure. En l’espèce, par décret du 30 avril 1998, le Premier ministre a accordé aux sociétés Elf Aquitaine production, Esso de recherches et d'exploitation pétrolières, et Pétrorep une concession de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux dite « concession d'Itteville » pour une durée de 25 ans.
Par arrêté du 2 septembre 1999, le secrétaire d'État à l'industrie a autorisé la mutation de cette concession au profit des sociétés Elf Aquitaine exploration production France et Esso de recherches et d'exploitation pétrolières.
Par arrêté du 26 mai 2008, le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire a autorisé la mutation de cette concession au profit des sociétés Vermilion Rep et Total E ett P France.
Enfin, par arrêté du 21 octobre 2013, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a autorisé la mutation de cette concession au profit des sociétés Vermilion REP et Vermilion Pyrénées.
Ces sociétés ont déposé le 5 mai 2021 une demande de prolongation de la validité de cette concession. Les sociétés Vermilion REP et Vermilion Pyrénées demandent en référé-suspension, la suspension de l'exécution de la décision par laquelle le ministre de la transition énergétique et le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ont implicitement rejeté cette demande. Elles soutiennent que :
- l'urgence est caractérisée par les circonstances qu'elles ne peuvent exploiter les réserves additionnelles qu'elles ont identifiées grâce à leurs investissements au cours de la période initiale d'exploitation, notamment au moyen de nouveaux forages, en raison de l'incertitude sur le sens de la décision expresse qui est appelée à être prise sur leur demande, et alors que, du fait de la décision attaquée, ces investissements ne peuvent être amortis, les nouveaux forages nécessitent des autorisations administratives qui ne peuvent être demandées, et l'étude des opportunités de reconversion du champ d'Itteville à partir du 1er janvier 2040 ne peut se poursuivre, qu'elles doivent se contenter de poursuivre leurs activités en limitant leurs investissements et en n'exploitant pas le gisement selon ses possibilités, que l'amortissement des frais de maintenance n'est pas assuré, que le retard dans la prise d'une décision expresse sur leur demande les prive d'exploiter pleinement la concession en cause jusqu'au 1er janvier 2040, date de fin d'exploitation, alors que la quantité des réserves restantes permettrait une exploitation au-delà de cette date, que cette dernière contribue à la réduction de la dépense énergétique de la France, que le pétrole produit en France est moins polluant que le pétrole importé, que l'exploitation de la concession en cause contribue au maintien de l'économie locale et génère des taxes locales qui profitent aux collectivités territoriales, et que la décision attaquée les prive de rechercher des projets d'économie circulaire, notamment dans le domaine du chauffage ;
- la décision attaquée n'est pas motivée ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que leur demande remplit l'ensemble des conditions prescrites par le code minier et le décret n° 2006-648 du 6 juin 2006.
2 – Question de droit. Cette décision de refus des ministres de la Transition écologique et de l’Economie de prolonger la validité d’une concession de mines d’hydrocarbures doit-elle être suspendue ?
3 – Solution juridique. En premier lieu concernant la condition d’urgence du référé-suspension, le T.A. rappelle classiquement que « la condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension d'une telle décision, d'apprécier concrètement, compte-tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ».
Or au cas présent, ces conditions sont remplies puisque les dernières estimations faites en 2022 en ce qui concerne la concession d'Itteville faisaient état de nouvelles réserves exploitables s'élevant à 463 062 m³ d'huile, ainsi ce potentiel permettrait une exploitation de cette concession au-delà du 1er janvier 2040 et, dans un contexte économique favorable, en vue de permettre l'extraction de ces hydrocarbures, laquelle n'est pas possible en l'état des investissements réalisés jusqu'à présent, le concessionnaire pourrait y réaliser le forage d'un nouveau puits injecteur et celui de sept nouveaux puits, ce que celui souhaite faire, sous réserve de la délivrance de l'autorisation de prolongation de la validité de la concession sollicitée qui leur permettrait d'en assurer la rentabilité.
Le T.A. poursuit en jugeant que si le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique soutient que la décision attaquée ne prive pas les sociétés requérantes de déposer ces demandes d'autorisation d'ouverture de travaux miniers dès lors qu'en application de l'article L. 142-9 du Code minier, dans le cas où il n'a pas été statué sur la demande de prolongation de la concession à la date d'expiration de la période de sa validité, le titulaire de la concession peut poursuivre ses travaux jusqu'à l'intervention d'une décision de l'autorité administrative, ces demandes, qui s'accompagnent notamment d'une étude d'impact, nécessitent l'engagement de dépenses importantes qui risquent d'être exposées en pure perte, compte tenu de l'incertitude affectant l'obtention de l'autorisation demandée. En outre, le ministre ne fait valoir aucun motif d'intérêt général de nature à faire obstacle à la suspension sollicitée.
Par suite la condition d'urgence doit être regardée comme remplie.
En deuxième lieu, concernant le critère tenant au doute sérieux sur la légalité de l’acte contesté, le T.A. constate que la décision n’est pas motivée, puisqu’est née une décision implicite de rejet et que dans les deux mois suivants celle-ci les requérantes ont demandé au ministre de la transition écologique et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique la communication des motifs de cette décision, ce qu’ils n’ont pas fait.
Or, une telle motivation était imposée par les articles L. 142-7 et suivants du Code minier et L. 211-2 du CRPA.
En troisième et dernier lieu, le T.A. constate que la décision contestée est également entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.
En effet, il ressort d'un rapport du directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et des transports d'Île-de-France du 13 janvier 2022, que l'ensemble des services et des communes concernés par la demande des sociétés Vermilion REP et Vermilion Pyrénées ont été consultés, qu'ils ont tous émis des avis favorables à l'exception de deux communes, et qu'après examen particulier de ces deux avis défavorables auxquels des commentaires précis et pertinents ont été apportés, cette autorité a elle-même proposé au préfet de l'Essonne, territorialement compétent, d'émettre à son tour un avis favorable.
Par message électronique du 9 juin 2023, le représentant du ministre de la transition écologique a informé ces sociétés que le préfet de l'Essonne avait émis un avis favorable à leur demande et que le conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie des technologies, puis le Conseil d'État allaient être prochainement saisis.
Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ne fait valoir en défense aucun motif qui s'opposerait à la demande des sociétés requérantes et se borne à indiquer que son instruction n'était pas close à la date de la décision attaquée.
Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation est également de nature à créer un doute sérieux sur sa légalité.
Ainsi, l'exécution de la décision implicite de rejet de la demande de prolongation de la validité de la concession d'Itteville est suspendue et il est enjoint au ministre chargé des mines de prendre une nouvelle décision après une nouvelle instruction de la demande de prolongation de la validité de la concession d'Itteville présentée par les sociétés Vermilion REP et Vermilion Pyrénées.
II. Veille législative, réglementaire et autres…
A. Projet de loi de simplification de la vie économique – (i) Plateforme unique pour l’ensemble des marchés publics de l’État, des opérateurs de l’État, des hôpitaux et de la sécurité sociale, (ii) dossier unique, (iii) administrativisation des contrats privés de la commande publique, (iv) avance de trésorerie de 30% pour tous les contrats de la commande publique, (v) transparence accrue des délais de paiement, (vi) possibilité de ne pas allotir certains marchés publics ayant pour objet un projet d’installation de production d’énergie renouvelable en mer et de ne pas appliquer le droit au paiement direct.
B. Loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole.
- Dispositions relatives aux batteries et à la collecte et la valorisation des déchets (Articles 14 à 16)
Ce chapitre tire les conséquences du règlement (UE) 2023/1542 du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2023 relatif aux batteries et aux déchets de batteries. Ce règlement remplace l'actuelle directive « batteries » de 2006 et complète la législation existante en établissant des exigences en matière de durabilité, de sécurité, d’étiquetage et d’informations permettant la mise sur le marché ou la mise en service de piles, ainsi que les exigences en matière de collecte, de traitement et de recyclage des piles usagées.
Ce règlement s’applique à tout type de batteries, y compris les déchets de batteries portables, les batteries de véhicules électriques, les batteries industrielles, les batteries SLI (principalement utilisées pour les véhicules et les machines) et les batteries destinées aux moyens de transport légers (par exemple, les vélos électriques, les cyclomoteurs électriques et les trottinettes électriques).
Le règlement introduit des obligations en matière de devoir de diligence pour les opérateurs économiques qui mettent sur le marché ou en service des batteries, dès lors que leur chiffre d’affaire net annuel dépasse 40 millions d’euros. Ces obligations incluent l’élaboration de politiques de devoir de diligence à l’égard des batteries, un système de gestion au sein de l’entreprise, la gestion des risques, la vérification par tierce partie, la communication d’information. Des mesures de restriction ou d’interdiction de mise sur le marché des batteries pourront être prises par les Etats en cas de détection de non-conformité des entreprises. Ces dispositions prennent effet à partir du 18 août 2025.
Conformément au règlement, les Etats membres peuvent ordonner la restriction ou l’interdiction de la mise à disposition ainsi que le retrait du marché ou le rappel des batteries mises sur le marché en cas de non-conformité grave.
Il est prévu la mise en œuvre de contrôles documentaires et sur site afin de vérifier le respect des obligations de devoir de diligence et la mise en œuvre de mesures correctives. Il modifie le chapitre III du titre II du code des douanes. Un décret simple devra être pris pour déterminer les catégories d’agents compétents pour mettre en œuvre ces contrôles ainsi que le régime de sanction applicable.
Divers articles du code des titres II et IV du code de l’environnement sont modifiés afin de tirer les conséquences du règlement 2023/1542 du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2023 relatif aux batteries et aux déchets de batteries, modifiant la directive 2008/98/CE et le règlement (UE) 2019/1020, et abrogeant la directive 2006/66/CE. Ce règlement réforme le cadre législatif et réglementaire relatif à la conception des batteries et à la gestion des déchets issus de ces produits.
Concernant la conception, le règlement introduit une nouvelle restriction (le plomb) applicable aux substances contenues dans les batteries. Concernant la gestion des déchets, le règlement prévoit l’obligation de reprise par les distributeurs des déchets de batteries, à titre gratuit et sans obligation d’achat de nouvelles batteries, quelle que soit leur composition chimique, leur marque ou leur origine. Par ailleurs, afin de lutter contre le trafic illégal de déchets de batteries, et d’améliorer la traçabilité de ces déchets, le règlement laisse la possibilité aux Etats membres d’exiger que les personnes assurant la collecte des batteries ne puissent les collecter que si elles sont sous contrat avec les producteurs ou leurs éco-organismes.
Enfin, le règlement prévoit que les opérateurs de seconde vie des batteries sont considérés comme des producteurs au sens de la responsabilité élargie du producteur, et que leurs contributions financières doivent faire l’objet d’une modulation compte tenu du fait que ces batteries ont fait l’objet d’une seconde vie.
Est supprimé le dernier alinéa de l’article L. 541-38 du code de l’environnement pour tirer les conséquences d’une décision de la cour administrative d’appel de Paris en date du 29 juin 2023 et mettre en conformité notre droit national avec le droit européen.
En effet, la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire a introduit à l’article L. 541-38 du code de l’environnement une disposition qui interdit les importations de boue d’épuration sur le territoire français. Cette disposition a conduit le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires à refuser des autorisations d’importation de boues au titre de la réglementation sur les transferts transfrontaliers de déchets. Ces décisions ont toutefois été annulées par la décision de la cour administrative d’appel de Paris en date du 29 juin 2023 en raison de la non-conformité de l’interdiction d’importation des boues introduite par la loi 2020-105 au règlement (CE) n° 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets.
- Dispositions relatives au mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (Article 17)
L’article 17 concerne la création d’une nouvelle sanction applicable aux importateurs en cas de non-respect des obligations de déclaration relatives au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) prévu par le règlement (UE) 2023/956 du 10 mai 2023. Durant la période de transition du 1er octobre 2023 au 31 décembre 2025, les importateurs de produits concernés par le MACF ont des obligations de déclaration trimestrielle des émissions de gaz à effet de serre correspondant aux produits importés. Ces obligations de déclaration sont encadrées par le règlement d’exécution (UE) 2023/1773 du 17 août 2023. En cas de non-respect de ces obligations dans les conditions prévues par l’article 35 du règlement (UE) 2023/956, l’autorité compétente de l’Etat membre compétent doit appliquer des sanctions. Ces nouvelles dispositions sont introduites dans une nouvelle section du code de l’environnement.
Ce chapitre du titre II a pour objet de transposer deux directives (directives (UE) 2023/958 et (UE) 2023/959) et de mettre en œuvre un règlement (règlement (UE) 2023/957) adoptés par l’Union européenne en avril 2023. Ces textes européens révisent la directive 2003/87/CE qui concerne le fonctionnement du système d’échange de quotas de gaz à effet de serre (SEQE-UE) dite « directive SEQE-UE », et le règlement (UE) 2015/757 concernant la surveillance, la déclaration et la vérification des émissions de gaz à effet de serre du secteur du transport maritime, dit « règlement MRV maritime ». Ces révisions reflètent l’ambition rehaussée du SEQE-UE dans le cadre du paquet climatique « Fit for 55 ».
- Dispositions relatives au système d'échange de quotas d'émissions de gaz à effets de serre (Articles 18 à 21)
L’article 18 vise à modifier le code de l’environnement pour transposer les révisions de certaines dispositions générales du SEQE-UE et de dispositions spécifiques relatives aux installations fixes. Il modifie les articles relatifs aux définitions légales s’appliquant à la section dédiée au SEQE-UE, au périmètre d’applications du SEQE-UE, aux modalités de surveillance et de déclaration des émissions, aux obligations de restitution de quotas et aux sanctions générales en cas non-conformité afin d’y intégrer les changements nécessaires pour l’intégration du secteur maritime dans le SEQE-UE. De plus, l’article transpose dans le code de l’environnement des révisions spécifiques aux installations fixes en lien avec l’ambition rehaussée du SEQE-UE, notamment la modification du volume d’enchères de quotas (selon une baisse plus rapide), la baisse progressive du volume d’allocations gratuites dans les secteurs couverts par le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et les nouveaux mécanismes de conditionnalités qui visent à sanctionner par des baisses d’allocation de quotas gratuits les installations qui ne font pas d’investissements dans l’efficacité énergétique ou pour les moins performants sur le plan climatique qui ne font pas de plans de neutralité climatique. Enfin, il introduit plusieurs améliorations du dispositif, notamment une révision des modalités d’application de l’article 27 bis relatif à l’exclusion des très petits émetteurs (qui permet l’exclusion des petits producteurs d’électricité), la clarification du ministère en charge du SEQE-UE et la suppression de délais de validation des déclarations d’émissions et d’un dispositif de sanctions redondant pour le secteur aérien.
L’article 19 est relatif aux dispositions du SEQE-UE spécifiques à l’aviation. Il vise à modifier le code de l’environnement pour refléter l’extinction progressive de l’allocation gratuite de quotas « historiques » pour les compagnies aériennes, introduite dans la révision de la directive SEQE-UE. Il introduit en parallèle l’allocation de quotas gratuits pour encourager l’utilisation des carburants d’aviations durables. De plus, il inscrit des dérogations aux obligations de restitution de quotas pour les liaisons soumises au CORSIA conformément au périmètre d’application prévu par la directive 2023/958, à savoir une approche séparée qui consiste à appliquer le SEQE-UE pour les vols intra-européens et le CORSIA pour les vols extra- européens. Il introduit les nouvelles obligations de surveillance et de déclaration des effets hors CO2 qui s’appliquent pour le secteur de l’aviation.
L’article 20 concerne les dispositions du SEQE-UE spécifiques au transport maritime. Il vise à créer dans le code de l’environnement une sous-section dédiée aux dispositions pour les compagnies maritimes entrant dans le SEQE-UE. La sous-section précise le périmètre des trajets et des émissions couvertes par le SEQE-UE, notamment avec les seuils d’inclusion (jauge brute supérieure à 5000) fixés par le règlement MRV maritime, le périmètre et le calendrier des obligations de restitution de quotas pour les compagnies maritimes, les exemptions, notamment pour les trajets vers ou en provenance des régions ultrapériphériques et des petites îles, et la possibilité contractuelle pour une compagnie maritime de transfert des coûts du SEQE-UE à l’exploitant. Par ailleurs, cet article vise à introduire des sanctions en cas de non-respect des obligations de restitution de quotas, y compris des sanctions pénales et des sanctions d’immobilisation ou d’expulsion des navires, en conformité avec le règlement MRV maritime. Concernant les sanctions administratives et pénales de non-respect de surveillance et de déclaration des émissions de gaz à effet de serre prévues par le règlement MRV maritime, il est prévu de modifier le code de l’environnement et le code des transports afin de regrouper ces sanctions dans le code de l’environnement au sein de la nouvelle sous-section évoquée ainsi qu’une section spécifique liée aux contrôles et sanctions pénales.
L’article 21 vise la mettre en œuvre le mécanisme CORSIA (Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation, « Régime de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale ») de l’organisation internationale de l’aviation civile (OACI), en articulation avec le SEQE-UE, tel que prévu dans la directive SEQE-UE révisée. Il crée une nouvelle section dans le code de l’environnement qui précise le périmètre d’application de CORSIA selon l’approche séparée prévue par la directive 2023/958, qui consiste à appliquer le SEQE-UE pour les vols intra-européens et le CORSIA pour les vols extra-européens. Il étend le périmètre d’application de CORSIA aux vols concernant les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution, précise les exigences de compensation, l’obligation de conformité et les sanctions en cas de manquement à ces obligations.
- Dispositions en matière de droit de l'énergie (Articles 22 à 23)
L’article 22 abroge l’article L. 321-19 du code de l’énergie concernant le dispositif d’interruptibilité pour le mettre en conformité par rapport au droit européen des aides d’Etat. L’article L. 321-19 du code de l’énergie concernant le dispositif d’interruptibilité doit être abrogé pour mettre en cohérence les dispositions du code de l’énergie vis-à-vis du droit européen des aides d’Etat et garantir le respect des engagements pris par la France vis-à-vis de la Commission européenne. L’interruptibilité est un dispositif à la main du gestionnaire de réseau RTE permettant d’interrompre dans des situations d’urgence des consommations électriques de sites recrutés par appel d’offres. Elle apporte une assurance au système électrique français qui se distingue par le haut niveau de réactivité, de disponibilité et de fiabilité.
Suspecté par les services de la Commission européenne de pouvoir être considéré comme une aide d’Etat non notifiée, ce dispositif a fait l’objet de plusieurs années de négociations qui ont abouti à la clôture administrative d’une procédure informelle ex officio à la condition que le dispositif ne soit plus prescrit par les ministres mais uniquement par RTE après accord de la Commission de régulation de l’énergie et que le cadre législatif (article L. 321-19 du code de l’Energie) et réglementaire soit modifié en conséquence.
L’article 23 vise à transposer en droit français la définition de l’hydrogène renouvelable et de l’hydrogène bas-carbone des actes délégués afférents à la directive 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (RED). L’article L. 811-1 du code de l’énergie indique que les hydrogène renouvelable et bas-carbone doivent respecter un seuil d’émission de gaz à effet de serre dans leur procédé de production. Les actes délégués afférents à la directive 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (RED), notamment le règlement délégué 2023/1185 de la Commission du 10 février 2023 complétant la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil en établissant un seuil minimal de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour les carburants à base de carbone recyclé et en précisant la méthode d’évaluation des réductions des émissions de gaz à effet de serre réalisées grâce aux carburants liquides et gazeux renouvelables destinés aux transports, d’origine non biologique, et aux carburants à base de carbone recyclé ;, ont une définition sensiblement différente. Pour que l’hydrogène puisse être considéré comme renouvelable, il est nécessaire qu’un seuil de réduction de gaz à effet de serre de 70 % par rapport à un combustible de référence, soit vérifié à la consommation.
La modification proposée vise à transposer en droit français la définition de l’hydrogène renouvelable et de l’hydrogène bas-carbone des actes délégués de la directive RED précité. Il s’agit ainsi de passer d’un seuil d’émission mesuré à la production à un seuil mesuré à la consommation. Cette modification est particulièrement urgente et attendue pour donner de la visibilité à la filière en amont du lancement du mécanisme de soutien à la production d’hydrogène décarboné, dont les premières phases devraient avoir lieu fin 2023.
- Dispositions relatives aux contrats de concession aéroportuaire (Article 24)
L’article 24 porte sur les contrats de concessions aéroportuaires. Les tarifs des redevances pour service rendu perçues par certains aéroports sont soumis à une homologation par l’autorité administrative compétente préalablement à leur entrée en vigueur. L’Autorité de régulation des transports (ART) est compétente pour l’homologation des tarifs des redevances des aéroports dont le trafic annuel a dépassé cinq millions de passagers lors de l’une des cinq années civiles précédentes.
Aux termes du II de l’article L. 6327-2 du code des transports, l’ART doit notamment s’assurer, lorsqu’elle homologue les tarifs des redevances, que leur évolution est modérée par rapport aux tarifs en vigueur. Cette règle de modération tarifaire n’est toutefois pas prévue par la directive 2009/12/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2009 sur les redevances aéroportuaires et constitue ainsi une surtransposition.
L’article 20 modifie l’article L. 6327-2 du code des transports afin d’exonérer, exclusivement lors du changement d’exploitant d’un aéroport concédé, l’application de la règle de modération tarifaire lors de l’homologation des premiers tarifs des redevances par l’Autorité de régulation des transports. Dans ce cas, l’Autorité n’appliquera pas la contrainte d’une évolution modérée des tarifs des redevances aéroportuaires entre les derniers tarifs de l’exploitant sortant et les premiers du nouvel exploitant.
Cette modification permettra une meilleure articulation entre la régulation économique aéroportuaire et la mise en œuvre des principes de mise en concurrence de ces contrats tels qu’ils sont fixés par la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession, transposée par l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession et codifiée dans le code de la commande publique, dans la mesure où l’application de la règle de modération tarifaire lors de la première homologation des tarifs est susceptible de faire obstacle à l’exécution d’une offre d’un nouveau concessionnaire aéroportuaire.