Veille juridique semaine 11 mars 2024
I.1. Contentieux administratif
I.4. Subventions publiques / appel à projet :
II. Veille législative/réglementaire/autres
I.2. Droit public des affaires
A. Mise à jour du Guide des outils d’action économique par le Conseil d’État
I. Veille jurisprudentielle
I.1. Contentieux administratif
A. C.E. 11 mars 2024, req. n° 488227 – « Czabaj outragé ! Czabaj brisé ! Czabaj martyrisé ! mais Czabaj maintenu ! », le C.E. articule la forclusion Czabaj et la saisine de la C.A.D.A.
1 – Faits et procédure. En l’espèce, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse refuse implicitement le 17 novembre 2020 de communiquer les résultats, agrégés par établissement, des évaluations des acquis des élèves de cours préparatoire, cours élémentaire première année, sixième et seconde, pour les années 2016 à 2019 à la société CCM Benchmark. Le ministre n’informe pas la société sur les voies et délais de recours (à l’occasion d’un accusé de réception de la demande).
La société CCM Benchmark a alors saisi la CADA d'une demande enregistrée le 27 octobre 2020. Par un message électronique du 9 novembre 2020, le ministère a répondu à la société que les indicateurs correspondants ne seraient disponibles qu'au niveau du département et qu'ils seraient prochainement publiés en ligne. La commission a rendu son avis le 10 décembre 2020.
La société a introduit un recours contentieux devant le tribunal administratif de Paris le 1er décembre 2021, soit plus d’un an (délai raisonnable de la jurisprudence Czabaj) après la première décision de refus du 17 octobre, mais moins d’un an après la décision de la CADA du 10 décembre 2020.
Cette décision est annulée par le tribunal administratif de Paris qui enjoint au Ministre de les communiquer à la société CCM Benchmark, jugeant que le recours n’est pas tardif, car la décision du ministre du 9 novembre 2020 ne pouvait être regardée comme la confirmation du refus de communication opposé implicitement par l'administration à l'expiration du délai d'un mois à compter de la réception de la demande initiale de cette société dès lors qu'elle avait été prise antérieurement à l'avis de la CADA, qui doit permettre d'éclairer la décision de l'administration, de sorte qu'une décision implicite de confirmation de refus était née à l'expiration du délai de deux mois à compter de l'enregistrement de la saisine de la commission et que les conclusions d'excès de pouvoir de la société devaient être regardées comme dirigées contre cette dernière. Autrement dit, la décision de la CADA ferait débuter le délai de forclusion (sa saisine aurait alors un effet interruptif sur le délai de forclusion).
Par ailleurs, le tribunal juge qu'en tout état de cause, la notification de l'avis de la CADA le 10 décembre 2020 constituait une circonstance particulière justifiant de prolonger le délai raisonnable d'un an dans lequel le recours contentieux contre la confirmation du refus de communication devait être introduit en l'absence de mention des voies et délais de recours.
2 – Question de droit. La saisine de la CADA a-t-elle pour effet d’interrompre le délai de forclusion de la jurisprudence Czabaj, ou tout du moins est-elle une circonstance particulière justifiant la prolongation du délai d’un an ?
3 – Solution juridique. Le Conseil d’État va annuler et déjuger le tribunal administratif de Paris.
Il commence par rappeler que l'article L. 311-1 du Code des relations entre le public et l'administration dispose que les administrations sont en principe tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre.
Puis, il précise le cadre juridique applicable aux évaluations scolaires susmentionnées. En effet, l'article L. 241-12 du Code de l'éducation, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance précise que « le conseil d'évaluation de l'école, placé auprès du ministre chargé de l'éducation nationale, est chargé d'évaluer en toute indépendance l'organisation et les résultats de l'enseignement scolaire. A ce titre : / (...) 2° Il définit le cadre méthodologique et les outils des autoévaluations et des évaluations des établissements conduites par le ministère chargé de l'éducation nationale et analyse les résultats de ces évaluations ; pour ce faire, il s'appuie sur toutes les expertises scientifiques, françaises et internationales, qu'il estime nécessaires. Il s'assure de la fréquence régulière de ces évaluations d'établissements et définit les modalités de leur publicité. / L'accès aux données utilisées pour ces évaluations à des fins de statistiques et de recherche est garanti, sous réserve du respect de la réglementation applicable en matière de protection des données à caractère personnel et du livre III du code des relations entre le public et l'administration (...) ». Les juges du Palais Royal poursuivent en soulignant que « la même loi du 26 juillet 2019 a en outre modifié l'article L. 241-14 de ce code, qui prévoyait précédemment que « le rapport, les évaluations, les avis et les recommandations du conseil d'évaluation de l'école sont rendus publics ", pour y supprimer la mention des " évaluations " ».
Ce dont il en résulte que « les résultats de l'évaluation d'un établissement d'enseignement conduite en application des dispositions mentionnées […] constituent des documents administratifs dont la communication est régie par les dispositions du livre III du code des relations entre le public et l'administration, indépendamment de la publicité qui en est donnée par l'administration selon les modalités définies par le conseil d'évaluation de l'école sur le fondement du 2° de l'article L. 241-12 du code de l'éducation. Il en va de même des documents qui retracent les résultats des évaluations des acquis des élèves et qui ont, le cas échéant, été utilisés pour conduire l'évaluation des établissements dans lesquels ceux-ci sont scolarisés ».
Puis agençant ce cadre juridique à la jurisprudence Czabaj, il en déduit qu’ « en vertu des dispositions des articles R. 311-12 et R. 311-13 du code des relations entre le public et l'administration, le silence gardé par l'administration dans le délai d'un mois à compter de la réception d'une demande de communication de documents administratifs vaut décision de refus. L'article L. 342-1 de ce code subordonne la recevabilité du recours contentieux à la saisine pour avis de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA). Selon les dispositions des articles R. 343-4 et R. 343-5 du même code, le silence gardé par l'administration pendant un délai de deux mois à compter de l'enregistrement de la saisine de la CADA fait naître une décision implicite de confirmation de refus. Il en résulte que lorsque l'administration, saisie d'une demande de communication de documents administratifs, oppose un refus au demandeur postérieurement à la saisine de la CADA, cette décision doit être regardée comme la confirmation du refus de communication, susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, qui fait obstacle à la naissance d'une décision implicite à l'expiration du délai de deux mois mentionné à l'article R. 343-5 ».
De sorte que le délai raisonnable de forclusion d’un an court à compter de la première décision de refus, quand bien même la CADA serait saisie par la suite.
La saisine de la CADA n’est en tout état de cause pas, selon le Conseil d’État, une circonstance particulière permettant d’allonger le délai de forclusion d’un an.
Or, en l’espèce la décision contestée est née le 17 octobre 2020 (un mois après la première demande de communication). Ainsi, le courrier électronique du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports du 9 novembre 2020, notifié postérieurement à l'enregistrement de la saisine de la CADA par la société CCM Benchmark, constitue une confirmation du refus de communication implicite né du silence gardé par l'administration, saisie de la demande initiale de communication, dans le délai d'un mois.
La société pouvait donc agir en justice jusqu’au 17 octobre 2021, or elle a saisi le T.A. de Paris 1er décembre 2021.
Son recours est donc irrecevable, car forclos.
I.2. Domaine public
A. Cass. Civ. 3ème, 29 février 2024, n° 22-23.920 - Compétence du juge administratif pour connaître des redevances d’occupation du domaine public ouvrant droit à titre accessoire à des prestations de service.
1 – Faits et procédure. En l’espèce, la société Port Adhoc, qui gère un port de plaisance, a engagé une action en justice contre M. R., qui bénéficiait d'un droit d'amarrage sur un quai de ce port, devant le tribunal judiciaire de Perpignan afin d'obtenir le paiement d'une « redevance Marina ». Le tribunal de première instance ayant accédé à cette requête, M. R. a fait appel devant la Cour de cassation, notamment car le jugement n’a pas fait droit à l’exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative qu’il a soulevé, alors que les litiges relatifs au principe ou au montant des redevances d'occupation ou d'utilisation du domaine public sont portés devant la juridiction administrative.
2 – Question de droit. La question qui se pose en l’espèce est celle de la compétence juridictionnelle pour connaître des redevances d’occupation du domaine public ouvrant droit à titre accessoire à des prestations de service ?
3 – Solution juridique. La Cour de cassation souligne que selon l’article L. 2331-1, 1° du CG3P sont portés devant la juridiction administrative, les litiges relatifs aux autorisations ou contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou leur dénomination, accordées ou conclus par les personnes publiques ou leurs concessionnaires, de même que ceux relatifs au principe ou au montant des redevances d'occupation ou d'utilisation du domaine public, quelles que soient les modalités de leur fixation.
Elle en déduit qu’ « il en résulte, d'une part, que les litiges relatifs aux sommes dues au titre d'une redevance d'occupation du domaine public maritime, quel que soit le mode d'exploitation du port, ne ressortissent pas à la compétence de l'ordre juridictionnel judiciaire, d'autre part, qu'une redevance acquittée en contrepartie d'une autorisation d'occupation du domaine public ouvrant droit à titre accessoire à des prestations de service, et qui est déterminée de manière globale et forfaitaire en fonction des caractéristiques de l'occupation du domaine, indépendamment de l'utilisation effective des services, revêt le caractère d'une redevance domaniale et non, fût-ce pour partie, d'une redevance pour service rendu (CE 14 avril 2023, n° 46279, T.) ».
Or, pour écarter l'exception d'incompétence soulevée, le tribunal retient que si la société d'exploitation est chargée de recueillir les cotisations dues au titre de l'emplacement des navires de plaisance dans le port, celles-ci ne sont pas relatives à l'occupation du domaine public puisqu'elles constituent la contrepartie de prestations fournies dans le cadre d'un service public à caractère industriel et commercial.
La Cour en déduit qu’« en statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter la nature domaniale de la redevance réclamée, le tribunal a violé le texte susvisé ».
I.3. Contrats publics :
A. T.A. de Paris, 1er mars 2024, req. n° 2402585 - Un soumissionnaire peut proposer des prestations supplémentaires gratuites dans un DQE en y ajoutant des lignes non prévues à cet effet.
1 – Faits et procèdure. En l’espèce, par un avis d’appel public à la concurrence publié en juillet 2023, l’INSEP a lancé une consultation pour la passation d’un marché sous la forme d’un accord cadre mono-attributaire à bons de commande ayant pour objet la prestation de déménagement, de manutention et de garde meuble.
Par un courrier de janvier 2024, la société Project services a été informée du rejet de son offre et de l’attribution du marché à la société Bedel.
La société Project conteste cette attribution en référé précontractuel arguant que l’offre de l’attributaire apparaît anormalement basse, au regard du métier de déménageur où le coût incompressible de la main d’œuvre correspond à plus de 80% de la prestation et sur le fait que son offre comporte des prestations supplémentaires, non prévues dans le marché initial, offertes par l’attributaire.
2 – Question de droit. Un soumissionnaire peut-il proposer des prestations supplémentaires gratuites dans un DQE en y ajoutant des lignes non prévues à cet effet ?
3 – Solution juridique. Le T.A. commence par rappeller que les articles L. 2152-5, L. 2152-6 et R. 2152-4 du Code de la commande publique imposent que « au pouvoir adjudicateur qui constate qu’une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé. Si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché, il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter l’offre. Le juge du référé précontractuel commet une erreur de droit s’il se fonde, pour estimer que l’offre de l’attributaire était anormalement basse, sur le seul écart de prix avec celui des offres concurrentes, sans rechercher si le prix en cause était en lui-même manifestement sous-évalué et, ainsi, susceptible de compromettre la bonne exécution du marché. L’existence d’un prix paraissant anormalement bas au sein de l’offre d’un candidat, pour l’une seulement des prestations faisant l’objet du marché, n’implique pas, à elle-seule, le rejet de son offre comme anormalement basse, y compris lorsque cette prestation fait l’objet d’un mode de rémunération différent ou d’une sous-pondération spécifique au sein du critère du prix. Le prix anormalement bas d’une offre s’apprécie en effet au regard de son prix global ».
Le T.A. considère alors que « dans les circonstances de l’espèce, et s’agissant d’un marché tel que celui en litige dont l’objet principal est le déménagement, le seul fait que la société Bedel ait proposé un prix de 0 euro au titre d’une prestation supplémentaire de montage/démontage d’un meuble sur les trois dernières lignes du DQE qui en comportait 20, ne permet pas de regarder le montant de l’offre de la société Bedel comme étant manifestement sous-évaluée et susceptible de compromettre la bonne exécution du marché. Dès lors, la société Project services n’est pas fondée à soutenir que l’INSEP aurait méconnu le principe d’égalité entre les candidats et méconnu ses obligations de publicité et de mise en concurrence en n’exigeant pas de la société Bedel qu’elle justifie ses prix et en ne rejetant pas son offre comme étant anormalement basse ».
En outre, « la seule circonstance que l’attributaire ait, à titre commercial, intégré la prestation montage/démontage d’un meuble dans le prix de la prestation déménagement et a indiqué un prix à zéro euro pour les trois dernières lignes du DQE concernant des prestations supplémentaires, ne suffit pas à caractériser une méconnaissance du salaire minimum ou de la législation sociale. Par ailleurs, elle ne méconnaît pas l’exigence de chiffrage posée par le pouvoir adjudicateur ».
Le recours est donc rejeté.
B. T.A. de Paris, 6 mars 2024, req. n° 2403500 – (i) Le fait d’appliquer une convention collective distincte de l’objet du marché et d’avoir un code APE de l’INSEE distinct de l’objet du marché n’est pas de nature à rendre une offre irrégulière. (ii) Les prestations tenant d'une part, en l'accompagnement d’un acheteur dans la définition des différents formats de vidéos à réaliser selon les objectifs recherchés à travers notamment un conseil éditorial pour aboutir à une architecture globale des vidéos à réaliser, et, d'autre part, en l'écriture des scénarios pédagogiques et le pilotage de la réalisation de trois vidéos sont indissociables, de sorte qu’elles ne doivent pas être alloties.
1 – Faits et procédure. En l’espèce, par un avis de marché publié d’octobre 2023, l'établissement public Grand Paris Aménagement a lancé une procédure adaptée ouverte relative à la passation d'un accord cadre à bons de commande concernant une mission d'accompagnement à la réalisation de vidéos pédagogiques.
La société Otago productions candidate et voit son offre rejetée en février 2024.
Elle intente un référé précontractuel, arguant :
· que l'offre de la société déclarée attributaire, la société Qurieux, est irrégulière ou inacceptable dès lors, d'une part, qu'il existe une inadéquation entre le code APE qui lui a été attribué par l'INSEE et la convention collective appliquée par cette société, soit la convention collective nationale (IDCC 1486) applicable au personnel des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, d'autre part, qu'elle n'applique pas la convention collective nationale de la production audiovisuelle alors que le code CPV renseigné dans le règlement de consultation est le code " services de films et de vidéos à usage pédagogique ", et enfin, que ses statuts ne font pas apparaître l'activité de production de films et de programmes pour la télévision ;
· que le marché aurait dû être alloti.
2 – Question de droit. D’une part, le fait de ne pas appliquer une convention collective distincte de l’objet du marché et d’avoir un code APE de l’INSEE distinct de l’objet du marché est-il de nature à rendre une offre irrégulière ? D’autre part, les prestations tenant d'une part, en l'accompagnement d’un acheteur dans la définition des différents formats de vidéos à réaliser selon les objectifs recherchés à travers notamment un conseil éditorial pour aboutir à une architecture globale des vidéos à réaliser, et, d'autre part, en l'écriture des scénarios pédagogiques et le pilotage de la réalisation de trois vidéos sont-elles dissociables, de sorte qu’elles devraient être alloties ?
3 – Solution juridique. Le T.A. commence par rappeler la définition de l’offre irrégulière : « offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale » (article L. 2152-2 du Code de la commande publique).
Puis il souligne que le fait que l’attributaire d’un marché public applique une convention collective nationale distincte de l’objet du marché n’est pas de nature à rendre son offre irrégulière.
En outre, le fait que le code APE (activité principale exercée) qui a été alloué à l’attributaire du marché par l'INSEE est différent de l’objet du marché est sans incidence sur l'appréciation de la régularité de son offre, « dès lors que ce code n'est qu'une nomenclature statistique qui permet la codification de l'activité principale exercée par une société et non un classement contraignant qui lierait le pouvoir adjudicateur lors de l'examen des offres ».
Ensuite, le T.A. rappelle qu’est une offre inacceptable, « une offre dont le prix excède les crédits budgétaires alloués au marché, déterminés et établis avant le lancement de la procédure » (article L. 2152-3 du Code de la commande publique).
Or, en l’espèce le prix de l'offre de l'attributaire n’excède pas les crédits budgétaires alloués au marché.
Enfin, concernant l’allotissement, le T.A. rappelle que « saisi d'un moyen tiré de l'irrégularité de la décision de ne pas allotir un marché, il appartient au juge du référé précontractuel de déterminer si l'analyse à laquelle le pouvoir adjudicateur a procédé et les justifications qu'il fournit sont, eu égard à la marge d'appréciation dont il dispose pour décider de ne pas allotir lorsque la dévolution en lots séparés présente l'un des inconvénients que les dispositions précitées mentionnent, entachées d'appréciations erronées ».
Or en l’espèce, les prestations attendues, qui consistent, d'une part, en l'accompagnement de l'établissement public Grand Paris Aménagement dans la définition des différents formats de vidéos à réaliser selon les objectifs recherchés à travers notamment un conseil éditorial pour aboutir à une architecture globale des vidéos à réaliser, et, d'autre part, en l'écriture des scénarios pédagogiques et le pilotage de la réalisation de trois vidéos, forment un ensemble indissociable selon le T.A..
En sus, le T.A. souligne qu’en tout état de cause, « à supposer que l'objet du marché puisse être interprété comme définissant deux prestations distinctes, l'une de production, l'autre de réalisation, il résulte des précisions apportées par l'établissement public Grand Paris Aménagement à l'audience, non utilement contredites par la société requérante, que le pouvoir adjudicateur ne serait pas en mesure d'assurer lui-même les missions d'organisation, de pilotage et de coordination de ces deux prestations », de sorte qu’il serait possible de déroger à la règle de l’allotissement s’il fallait considérer les deux prestations comme étant dissociables.
Le recours est donc rejeté.
C. T.A. de Nice, 23 février 2024, req. n° 2400418 – Pas d’allotissement en raison des caractéristiques d’une œuvre d’art.
1 – Faits et procèdure. Le 2 octobre 2023, la régie P. A. a accordé à un Atelier un marché public pour la conception et la réalisation d'une statue de Jeanne d'Arc dans le cadre de l'aménagement d'un parc de stationnement.
Le 17 novembre 2023, le préfet des Alpes-Maritimes a requis l'accès aux documents du contrat afin de vérifier sa légalité.
Dans cette optique, le 25 janvier 2024, le préfet des Alpes-Maritimes a déposé une demande en référé pour suspendre l'exécution du contrat, alléguant que la régie n'avait pas respecté les dispositions de l'article R. 2172-7 et suivants du code de la commande publique concernant l'obligation de décoration des constructions publiques, notamment la mise en place d'un comité artistique. De plus, le préfet a estimé que le choix d'une procédure sans publicité ni mise en concurrence était insuffisamment justifié et que les négociations sur le prix avec l'unique candidat étaient fictives. Enfin, il a souligné que les prestations du contrat n'avaient pas été divisées en lots conformément à l'article L. 2113-10 du code de la commande publique.
2 – Question de droit. Le contrat est-il conforme aux règles de la commande publique ?
3 – Solution juridique. En premier lieu, le juge rappelle le cadre juridique du déféré préfectoral prévu par l’article L. 2131-16 du CGCT.
En second lieu, le juge des référés va considérer que les caractéristiques techniques et artistiques spécifiques de l'œuvre commandée justifiaient l'attribution du contrat à un seul candidat, sans publicité ni mise en concurrence, conformément à l'article R. 2122-3 du Code de la commande publique autorisant cette procédure pour l'acquisition ou la création d'une œuvre d'art.
En effet, la régie a bien justifié d'une part, que le marché ne pouvait être confié qu'à un opérateur économique unique, l'atelier attributaire, pour des raisons artistiques et techniques propres à cette œuvre, et, d'autre part, que le contrat a été régulièrement conclu en suivant la procédure de l'article R. 2122-3 du code de la commande publique, qui permet de contracter sans publicité ni mise en concurrence pour l'acquisition ou la création d'une œuvre d'art.
Il en découle que les arguments avancés concernant la non-application de l'article R. 2172-7 du code de la commande publique, le manque de motivation suffisante pour recourir à une procédure sans publicité ni mise en concurrence, et le caractère fictif des négociations avec l'attributaire ne semblent pas suffisants pour soulever un doute sérieux quant à la légalité du contrat contesté.
Le juge a également rejeté les allégations du préfet concernant une prétendue négociation financière fictive.
Enfin, il a estimé que la critique selon laquelle les prestations du marché auraient dû être divisées en plusieurs lots, conformément à l’article L. 2113-10 du Code de la commande publique n’était pas non plus suffisamment sérieuse pour mettre en doute la légalité du contrat compte tenu de la particularité de l’œuvre, « compte tenu de la particularité de l’œuvre commandée et du caractère indissociable de la statue et de son socle, le moyen tenant à la méconnaissance de l’obligation d’allotir n’est pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la régularité du marché litigieux ».
Le recours est donc rejeté.
D. C.A.A. de Versailles, 18 janvier 2024, req. n° 21VE00020 – Un marché public portant sur des travaux effectués pour le compte d’une personne publique dans un but d’utilité générale conclu par un EPIC est de droit administratif. Dès lors la loi du 16 juillet 1971 tendant à réglementer les retenues de garanties en matière de marchés de travaux au sens de l’article 1779-3° du Code civil est innaplicable.
1 – Faits et procédure. En l’espèce, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (ci-après le « CEA ») a lancé en 2015 la construction sur son site de Fontenay-aux-Roses d’un centre de recherche consacré aux maladies infectieuses et aux thérapies innovantes, dit « projet IDMIT ».
Le lot n° 10 de ce marché, « électricité courant faible, système de sécurité incendie et sécurité », a été attribué à la société CTB, pour un prix global et forfaitaire de 922 026,06 euros hors taxes.
L’ordre de service n° 1 a fixé au 8 octobre 2015 la date de démarrage des travaux qui devaient durer 20 mois. Ils ont été réceptionnés le 9 novembre 2017.
Par un courrier du 21 mars 2018, le CEA a, d’une part, prononcé la résiliation du marché aux torts, frais et risques de la société CTB et lui a, d’autre part, notifié le décompte général du lot n° 10 comportant à son débit la somme de 37 653,55 euros toutes taxes comprises.
La société CTB a contesté ce décompte par un mémoire en réclamation du 20 avril 2018. Par un courrier du 31 mai 2018, le CEA a rejeté l’ensemble de ses demandes.
Plusieurs contentieux devant le juge judiciaire sont intentés en référés, le juge judiciaire se déclare compétent.
Puis par jugement du 17 novembre 2020, le T.A. de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de la société CTB tendant, à titre principal, à ce que le T.A. se reconnaisse comme incompétent pour connaître du litige au profit de la juridiction judiciaire et, à titre subsidiaire, à la rectification du décompte général et à la condamnation en conséquence du CEA à lui verser la somme de 567 134,19 euros en règlement du solde du marché.
La société CTB interjette appel de ce jugement, maintenant ses conclusions initiales.
Elle soutient que :
— des juridictions de l’ordre judiciaire et le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ont rendu des décisions sur cette affaire en reconnaissant chacune leur compétence, ce qui nécessite la saisine du Tribunal des conflits au motif d’un conflit sur renvoi ;
— le tribunal administratif s’est reconnu à tort compétent dès lors que la juridiction judiciaire s’était déjà reconnue compétente sur ce contentieux ;
— le marché en cause étant un contrat de droit privé, le juge administratif doit se reconnaître comme incompétent pour en juger ;
— le CEA est un établissement à caractère industriel, scientifique et commercial soumis à l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 et ne remplit pas les critères organique ou matériel lui permettant d’être qualifié de maître d’ouvrage d’un marché public ;
— par ailleurs, le CEA a entendu faire application des règles relatives aux marchés privés de travaux avec la loi n° 75-584 du 16 juillet 1971 ; et la nature privée du contrat est conforme à la jurisprudence du Tribunal des conflits ;
— le principe du contradictoire a été méconnu dès lors que le tribunal administratif relève de manière erronée que la société CTB aurait produit un mémoire le 10 février 2020 postérieurement à la clôture de l’instruction alors que le tribunal administratif lui avait accordé un délai d’un mois pour produire à compter de l’enregistrement d’un mémoire du CEA le 16 janvier 2020 de sorte qu’en produisant un mémoire le 10 février 2020, la société requérante n’était pas tardive ;
— les sommes dues au titre du marché et des travaux supplémentaires acceptés correspondent à la somme de 110 643,10 euros toutes taxes comprises et de 111 665,16 euros toutes taxes comprises, de sorte que le CEA lui devait, après déduction du paiement des sous-traitants et du trop-perçu, au titre du marché de base la somme de 46 651,61 euros toutes taxes comprises et au titre des travaux supplémentaires acceptés la somme de 74 683,52 euros toutes taxes comprises ; au titre des travaux supplémentaires commandés, le CEA lui doit la somme de 61 512,04 euros toutes taxes comprises ; enfin, le CEA doit l’indemniser des préjudices subis au titre de la prolongation du délai d’exécution pour un montant de 330 469,54 euros toutes taxes comprises ;
— elle conteste les pénalités de retard qui lui ont été infligées ainsi que la retenue de garantie ; le CEA lui doit ainsi la somme totale de 567 134,19 euros toutes taxes comprises.
2 – Question de droit. Le contrat en cause est-il de droit privé ou de droit administratif ? Par ailleurs, quel est le solde du marché ?
3 – Solution juridique.
3.1 – Marché public de droit administratif. La C.A.A. commence par trancher la question de la compétence juridictionnelle du litige.
En premier lieu, la C.A.A. considère qu’elle n’est pas liée par les décisions des juges judiciaires, car il s’agit uniquement d’ordonnances de référés, or « l’autorité de la chose jugée ne peut s’attacher à des ordonnances de référés qui n’ont qu’un caractère provisoire et ne préjudicient pas au principal de sorte que le moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise aurait méconnu l’autorité de la chose jugée par ces juridictions de l’ordre judiciaire doit être écarté ».
En second lieu, la C.A.A. va considère que le marché en cause est bien un marché public administratif puisqu’il s’agit d’un marché portant sur des travaux effectués pour le compte d’une personne publique dans un but d’utilité générale. En effet, le CEA, « établissement public à caractère scientifique, technique et industriel » constitue une personne publique et les travaux concernés présentaient un caractère d’utilité générale dans le cadre de la recherche.
Ainsi, l’exception d’incompétence soulevée par la société requérante est, dès lors, être écartée.
3.2 - Conclusions tendant au paiement du solde du marché. En premier lieu, la requérante réclame des sommes dues au titre du marché initial. La C.A.A. rejette cette demande. En effet, si la société requérante soutient qu’il lui reste dû, au titre du marché initial, la somme de 110 643,10 euros toutes taxes comprises, cette même somme ressort du DGD transmis par le CEA dans son courrier du 21 mars 2018, avant prise en compte de diverses retenues, travaux supplémentaires et dépenses engagées par le CEA pour reprise de certains travaux. Le CEA a soustrait de ce montant les sommes dues aux sous-traitants pour des montants de 35 932,60 euros toutes taxes comprises, 18 686,63 euros toutes taxes comprises, 1 680 euros toutes taxes comprises et 7 943,68 euros toutes taxes comprises alors que la société requérante fait valoir que seules les sommes de 6 024 euros, 18 686,83 euros et 35 932,50 euros doivent être retenues. Toutefois, la société requérante n’apporte aucun élément d’explication, ni justification sur cette différence, et notamment sur les sommes dues à la société Archean ou sur celles dues à la société Goyon, alors que le CEA a détaillé son calcul dans son courrier du 31 mai 2018. Il y a ainsi lieu de retenir que la somme due au titre du marché de base, après prise en compte d’un trop perçu de 39 280 euros TTC, s’établit à un montant de 7 120,21 euros toutes taxes comprises.
En deuxième lieu, concernant les travaux supplémentaires :
· Pour ceux ayant fait l’objet d’ordres de service, la société requérante retient un montant de 111 665,16 euros toutes taxes comprises alors que le CEA reconnaît un montant de travaux supplémentaires de 112 764,29 euros toutes taxes comprises.
· Pour ceux n’ayant pas fait l’objet d’ordres de service, si la société requérante demande le paiement d’un montant de 61 512,44 euros toutes taxes comprises au titre des travaux supplémentaires passés sans ordre de service, le CEA n’accepte de reconnaître que des travaux pour un montant de 10 304,21 euros hors taxes soit 12 365,05 euros toutes taxes comprises. Or la requérante se borne à renvoyer à sa demande de projet de décompte final, adressée au CEA le 20 avril 2018, qui établit la liste des accords et désaccords sans donner de plus amples explications et sans établir ni alléguer que ces travaux auraient fait l’objet d’une demande du CEA ou auraient été indispensables à la réalisation des ouvrages dans les règles de l’art. Toutefois, le CEA, dans sa réponse le 31 mai 2018 à la réclamation formée le 20 avril 2018 par la société requérante, apporte des précisions sur les contestations opposées par cette société, en indiquant notamment que les prestations faisaient partie du marché initial, que la société requérante aurait dû anticiper certaines prestations, ou que certaines prestations restaient sans incidence financière. Or la société CTB n’apporte aucun élément de nature à contester cette analyse et à établir que ces travaux auraient dû être pris en compte à titre de travaux supplémentaires. Toutefois, s’agissant des canalisations que le CEA n’a inclus dans le décompte qu’à hauteur de 50 % au motif que ces travaux auraient dû être intégrés dans son offre initiale, il n’est pas contesté que ces travaux revêtaient un caractère indispensable de sorte que la société CTB a droit à leur paiement total pour un montant de 20 498,40 euros toutes taxes comprises. Il résulte de tout ce qui précède que le crédit du décompte général s’établit à la somme de 152 747,95 euros toutes taxes comprises.
En troisième lieu, concernant les préjudices subis par la société requérante, la C.A.A. rappelle que celle-ci ne peut prétendre à une indemnisation dans le cadre d'un marché à forfait seulement si elle prouve que les difficultés rencontrées découlent de circonstances imprévues bouleversant l'économie du contrat ou résultent d'une faute de la personne publique, notamment dans la supervision du marché, l'estimation des besoins, la conception ou la mise en œuvre du marché. La société requérante conteste d'abord le refus du CEA d'appliquer des dispositions concernant les retenues de garantie prévues par le code civil, mais ces dispositions ne s'appliquent pas aux marchés publics selon la C.A.A.. Elle soutient également que le CEA est responsable de retards ayant entraîné des pertes, mais elle n'a pas pu prouver que ces retards étaient imputables au CEA ou qu'ils étaient dus à des circonstances imprévues. En ce qui concerne les pénalités, le CEA a appliqué des pénalités à la société requérante pour différents retards et manquements. La société conteste certaines de ces pénalités, mais la C.A.A. constate que les retards et manquements ont été bien documentés par le CEA et que la société n'a pas fourni de preuve suffisante pour les contester.
En quatrième et dernier lieu, en ce qui concerne les réfactions opérées par le CEA et la retenue de garantie, le tribunal conclut que le CEA était en droit de déduire certaines dépenses du montant dû à la société requérante en raison de ses défaillances. La société requérante conteste également une retenue de garantie, mais la C.A.A. estime que le CEA était en droit de la pratiquer.
La demande de la société requérante est donc rejetée, sauf en ce qui concerne une correction mineure du décompte final.
E. T.A. de Marseille, 21 février 2024, req. n° 2401152 – (i) Il est permis de recourir à un critère de recevabilité des candidatures tenant à la production de qualification Qualibat ou de références techniques équivalente, alors même que l’objet de cette qualification concerne une prestation minime du marché. (ii) Une référence technique équivalente peut être des attestations de la qualité du travail réalisé dans plusieurs chantiers.
1 – Faits et procédure. En l’espèce, par un avis public d’appel à la concurrence publié le 6 mars 2023, la métropole Aix-Marseille-Provence a lancé une procédure d’appel d’offres en vue de la passation d’un accord cadre multi-attributaire pour la réalisation de travaux d’aménagement, de réparation, d’entretien et de rénovation de bâtiments et ouvrages divers des sites de la métropole Aix-Marseille-Provence. Le lot n°7 intitulé « Voiries, VRD zone ouest » portait sur un montant maximum de 425 000 euros (HT).
Le règlement de la consultation prévoyait, à son article 8.1 que « chaque candidat devait produire dans le dossier de candidature la qualification Qualibat ou des références équivalentes concernant le domaine » 1331-Poteaux et clôtures.
La société SMP a déposé sa candidature sur ce lot.
Par lettre du 22 janvier 2024, la métropole Aix-Marseille-Provence l’a informée que son offre n’avait pas été retenue.
Agissant en référé précontractuel, la société de Maintenance Portuaire et Construction, demande au T.A. de la cité phocéenne l’annulation la procédure de passation du lot n° 7 de l’accord cadre et d’enjoindre à la métropole de reprendre la procédure au stade de l’examen des candidatures.
Elle se prévaut d’une violation de l’article R. 2144-2 du Code de de la commande publique, relative à l’irrecevabilité des candidatures puisque l’obligation de produire dans le dossier de candidature une qualification Qualibat ou des références équivalentes concernant le domaine « 1331-Poteaux et clôtures » ne justifierait pas une irrecevabilité des candidatures car le marché, relatif à des travaux sur de voiries, ne comprend qu’accessoirement la pose de poteaux ou de clôtures. En outre, elle considère qu’elle a satisfait à cette condition puisqu’elle a produit à la demande du pouvoir adjudicateur des attestations de qualité du travail réalisé lors de chantiers comprenant la pose de grillage d’un montant supérieur
2 – Question de droit. Un tel critère de recevabilité des candidatures est-il légal ?
3 – Solution juridique. Le T.A. commence par rappeler qu’aux termes de l’article R. 2144-2 du Code de la commande publique, « l’acheteur qui constate que des pièces ou informations dont la présentation était réclamée au titre de la candidature sont absentes ou incomplètes peut demander à tous les candidats concernés de compléter leur dossier de candidature dans un délai approprié et identique pour tous. () ». Et que selon l’article R. 2144-7 du même Code : « Si un candidat ou un soumissionnaire se trouve dans un cas d’exclusion, ne satisfait pas aux conditions de participation fixées par l’acheteur, produit, à l’appui de sa candidature, de faux renseignements ou documents, ou ne peut produire dans le délai imparti les documents justificatifs, les moyens de preuve, les compléments ou explications requis par l’acheteur, sa candidature est déclarée irrecevable et le candidat est éliminé. () ».
Puis, il va considérer que
· D’une part, le R.C. d’un marché étant obligatoire dans toutes ses mentions, le pouvoir adjudicateur ne peut attribuer un marché à un candidat qui ne respecte pas une de ses prescriptions et doit éliminer, conformément aux dispositions précitées de l’article L. 2152-1 du code de la commande publique, les candidatures qui ne comportent pas toutes les pièces ou renseignements requis par les documents de la consultation et sont, pour ce motif, irrecevables. Dès lors la seule circonstance que l’objet principal du lot concerne la réalisation des voies et des VRD et que la dénomination du lot n’inclut pas les clôtures et les poteaux n’a pas pour effet de dispenser le candidat de respecter les prescriptions du règlement de la consultation, relatives aux clôtures et poteaux.
· D’autre part, il est constant que la société SMP n’a pas fourni, dans son dossier de candidature déposé le 1er juin 2023, de justification de la qualification Qualibat 1331 ou de références techniques équivalentes. Après avoir reçu une demande de régularisation concernant la qualification Qualibat, la société a répondu en adressant des pièces complémentaires concernant des attestations de la qualité du travail réalisé dans plusieurs chantiers comprenant la pose de poteaux et de grillages et la mise en forme de terrains destinés à la pose de grillage, pour des valeurs comprises entre 9 000 euros et 50 000 euros. Compte tenu de la consistance des travaux de pose de grillage à réaliser, évalués par l’offre de l’entreprise à environ 1 500 euros, qui concernent l’entretien de clôtures existantes par le changement ponctuel de 2 mètres carrés de grillage, la métropole ne pouvait pas estimer sans erreur manifeste d’appréciation que les documents versés par l’entreprise ne permettaient pas d’apprécier suffisamment les références techniques de l’entreprise pour la qualification correspondant à la pose de grillage.
Ainsi, le pouvoir adjudicateur ne pouvait pas, sans porter atteinte aux règles de publicité et de mise en concurrence, écarter la candidature de la société SMP, au motif qu’elle était irrecevable au sens de l’article R. 2144-7 du code de la commande publique, ladite société ayant été lésée par ce manquement.
Le T.A. annule donc la procédure de passation.
I.4. Subventions publiques / appel à projet :
A. C.A.A. de Marseille, 26 février 2024, req. n° 23MA01345 - Dans le cas où une subvention est attribuée au lauréat d'un appel à projet, les candidats évincés sont seulement recevables à contester, par la voie du recours pour excès de pouvoir, la décision d'attribution de la subvention, leur éviction n'étant que la conséquence nécessaire de cette décision d'attribuer la subvention à un tiers.
1 – Faits et procédures. En l’espèce, par une circulaire du 13 avril 2012 relative au financement d'accueils de jour pour les femmes victimes de violences au sein de leur couple dans chaque département, la ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale a adressé aux préfets un modèle d'appel à projets en vue de l'attribution d'une subvention pour financer, dans chaque département, la mise en place d'un accueil de jour pour les femmes victimes de violences au sein du couple.
Entre 2012 et 2020, l'Association Familiale Laïque du Var a bénéficié à ce titre, chaque année, d'une subvention d'environ 34 000 euros.
À la suite du « Grenelle contre les violences conjugales » qui s'est tenu en septembre 2019, l'identification de nouveaux besoins a conduit le préfet du Var, par un avis du 3 août 2020, à lancer une nouvelle procédure d'appel à projets en vue de la mise en place d'un accueil de jour pour les femmes victimes de violences au sein de leur couple, ouvrant au candidat sélectionné une subvention d'un montant de 40 000 euros.
Le 8 octobre 2020, un comité de sélection a rendu son avis, qui classait première la candidature de l'association En Chemin, notée 24 sur 25.
Par une lettre du 14 octobre 2020, le préfet du Var a informé l'Association Familiale Laïque, qui était depuis 2012 en charge de l'accueil de jour des femmes victimes de violences dans le département, du rejet de sa candidature.
Cette association a alors saisi le T.A. de Toulon d'une demande tendant à l'annulation de cette décision, ainsi que de la décision du 3 août 2020 décidant du principe d'un appel à projet en vue de l'attribution de la subvention.
Le T.A. après avoir rejeté comme irrecevable la demande d'annulation de la décision du 3 août 2020, qu'il a considérée comme une mesure préparatoire, a annulé la décision du 14 octobre 2020, en estimant qu'en attribuant la subvention à l'association En Chemin au lieu de l'attribuer à l'Association Familiale Laïque, le préfet avait commis une erreur manifeste d'appréciation.
2 – Question de droit. Est-il possible d’exercer un recours pour excès de pouvoir contre la décision de rejet d’une candidature pour un appel à projet attribuant une subvention ?
3 – Solution juridique. La réponse est NON : « dans le cas où une subvention est attribuée au lauréat d'un appel à projet, les candidats évincés sont seulement recevables à contester, par la voie du recours pour excès de pouvoir, la décision d'attribution de la subvention, leur éviction n'étant que la conséquence nécessaire de cette décision d'attribuer la subvention à un tiers dont elle n'est pas détachable », juge la C.A.A. de Marseille.
Ainsi, le jugement est annulé, puisque le recours tendait à l'annulation de la lettre du 14 octobre 2020 informant l'Association Familiale Laïque du rejet de sa candidature, était irrecevable.
II. Veille législative/réglementaire/autres
II.1. Contrats publics :
A. Rép. Min. J.O. A.N. 12 mars 2024, p. 1840 à la question n° 8242 du 23 mai 2023 – Guide d’utilisation de l’article L. 2112-4 du CCP (permettant d’imposer des moyens d’exécution localisés en Europe) qui peut être appliqué en matière energétique pour garantir la disponibilité dans des délais raisonnables de pièces de rechange dans le cadre de marchés relatifs à l'installation, l'entretien ou la maintenance d'installations de production d'énergie, voire pour répondre à des perturbations ou indisponibilités exceptionnelles sur certains segments ou secteurs industriels sous tension.
1 – Question. Le député Mme Christine Pires Beaune demande au Ministre si l'article L. 2112-4 du code de la commande publique (« un acheteur public peut imposer que les moyens utilisés pour exécuter tout ou partie d'un marché, pour maintenir ou pour moderniser les produits acquis soient localisés sur le territoire des États membres de l'Union européenne afin, notamment, de prendre en compte des considérations environnementales ou sociales ou d'assurer la sécurité des informations et des approvisionnements ») les conditions d'application de cet article et notamment indiquer si ces dispositions peuvent s'appliquer à d'autres secteurs, par exemple en matière de production d'énergie renouvelables (éoliennes, panneaux photovoltaïques).
En effet, selon elle, « cette disposition, qui pourrait constituer un puissant levier au service de la réindustrialisation et la souveraineté économique de l'Europe, est très peu utilisée par les acheteurs, à qui il n'a jamais été clairement précisé les cas dans lesquels ils pourraient y avoir recours. Seul cas connu, la direction générale de l'offre de soins (DGOS) en a recommandé l'usage pour l'achat d'équipements de protection individuels (EPI) en décembre 2021, considérant qu'il appartenait aux pouvoirs publics de « contribuer au développement des capacités de production européennes de masques sanitaires pour renforcer leur souveraineté et ainsi sécuriser durablement la chaîne d'approvisionnement au bénéfice des acteurs du système de santé, par la mise en place d'un dispositif de commande publique adapté ». Aussi, elle le sollicite afin que ses services puissent préciser aux acheteurs les conditions d'application de cet article et notamment indiquer si ces dispositions peuvent s'appliquer à d'autres secteurs, par exemple en matière de production d'énergie renouvelables (éoliennes, panneaux photovoltaïques) ».
2 - Réponse du ministre.
2.1 – Conditions. Le ministre précise :
1. Les conditions d'exécution et les critères d'attribution relatifs à la localisation géographique des opérateurs économiques sont prohibés dès lors qu'ils sont susceptibles de méconnaître les principes fondamentaux de la commande publique, notamment le principe de non-discrimination entre les candidats et de liberté d'accès à la commande publique.
2. Par dérogation, l'article L. 2112-4 du code de la commande publique offre néanmoins la possibilité pour les acheteurs d'imposer, dans leurs cahiers des charges, la localisation des moyens utilisés pour l'exécution de tout ou partie d'un marché public sur le territoire des Etats membres de l'Union européenne (y compris pour la maintenance ou pour la modernisation des produits acquis).
3. Toutefois, cette disposition ne doit pas faire échec à la mise en œuvre de la garantie d'égal accès à la commande publique accordée par l'Union européenne à certains pays tiers dans le cadre d'accords commerciaux, rappelée à l'article L. 2153-1 du code de la commande publique, ni porter une atteinte excessive à la libre concurrence ou aux libertés garanties par le marché unique. Elle ne peut donc pas s'interpréter comme instaurant une présomption de régularité de cette exigence d'implantation géographique ni comme permettant de fonder une préférence européenne qui justifierait de créer des discriminations envers les entreprises et les fournitures originaires des pays tiers à l'Union lorsque celles-ci bénéficient d'un accès garanti au marché européen.
4. En effet, les acheteurs ne peuvent y avoir recours que s'ils démontrent qu'elle est justifiée par l'objet du marché, nécessaire et proportionnée aux objectifs de bonne exécution du contrat (CJCE, 27 octobre 2005, Commission des Communautés européenne c/ Royaume d'Espagne, Aff. C-158/03 ; CE, 14 janvier 1998, Société Martin Fourquin, n° 168688).
Il en ressort donc que « la mise en œuvre de l'article L. 2112-4 du code de la commande publique doit donc être appréciée au cas par cas ».
L'acheteur doit pouvoir démontrer que seule une exigence de localisation de tout ou partie des moyens est en mesure d'atteindre ses objectifs, notamment en termes de sécurité des informations et des approvisionnements ou de prise en compte de considérations sociales ou environnementales. Il lui revient donc de justifier, pour chaque marché, que seule cette exigence constitue une condition déterminante, adéquate et effective de la bonne exécution des prestations, à l'exclusion de toute autre exigence de moindre effet. Seuls les moyens utilisés pour l'exécution du marché sont visés par cette disposition. Cela peut concerner, notamment, le lieu de production ou encore l'entrepôt où sont stockées les pièces ou les données, sous deux réserves.
D'une part, l'objet de l'implantation ne peut être imposé que s'il s'agit du seul moyen de répondre aux objectifs poursuivis.
D'autre part, il n'est pas possible d'exiger une implantation géographique préexistante à l'attribution du marché : il ne peut s'agir que d'une condition d'exécution du marché qu'un opérateur économique s'engage dans son offre à honorer après l'attribution et la signature du contrat.
2.2 – Exemples. Les acheteurs peuvent mettre en œuvre cette disposition notamment pour des marchés spécifiques, nécessaires pour le bon fonctionnement et la continuité de leurs missions et activités. Dans ce cadre, les justifications peuvent par exemple résider dans !
- la nécessité de garantir la sécurité des approvisionnements pour des produits de santé indispensables à la continuité du service public hospitalier ou à la réalisation d'actes de soin urgents et vitaux, dans les contextes de crises sanitaires ou internationales pouvant entraîner des pénuries.
- des nécessités relatives à la garantie de la sécurité des informations qui impliqueraient, outre des garanties spécifiques liées au respect des règles du règlement général 2016/679 sur la protection des données, d'exiger l'implantation de serveurs informatiques sur le territoire de l'Union dont les données ne pourraient être extraites à distance par des entreprises installées dans des pays tiers n'apportant pas les garanties exigées par ce règlement,
- des nécessités relatives à la disponibilité dans des délais raisonnables de pièces de rechange dans le cadre de marchés relatifs à l'installation, l'entretien ou la maintenance d'installations de production d'énergie, voire pour répondre à des perturbations ou indisponibilités exceptionnelles sur certains segments ou secteurs industriels sous tension.
2.3 – Critère. Dans l'hypothèse où les conditions de recours à l'exigence de localisation des moyens d'exécution du contrat seraient réunies, il est possible d'en faire une condition minimale obligatoire pour tous et de prévoir en outre un critère d'attribution permettant à l'acheteur d'évaluer la qualité (la valeur technique, la pertinence, l'adéquation, l'effectivité, etc.) des mesures proposées et des garanties associées au regard de l'objet et des conditions d'exécution du marché. Dans ce cadre, une meilleure note serait conférée à l'offre présentant le meilleur niveau de garantie des approvisionnements et le moins de risques que la bonne exécution du contrat soit contrariée par des réquisitions ordonnées par des autorités étrangères. Dans la droite ligne de ces préoccupations, les autorités françaises soutiennent activement le projet de règlement de l'Union européenne pour une industrie « zéro net » (NZIA), ainsi que celui sur les véhicules utilitaires lourds qui, en l'état, imposent notamment aux acheteurs de tenir compte, lorsqu'ils acquièrent des technologies « zéro net » ou des bus urbains, d'un critère de durabilité et de résilience qui permet de garantir une diversification et ainsi une sécurité des sources d'approvisionnement.
B. Chambre Régionale des Comptes de Guadeloupe, Rapport d’observations « Commune de Saint-François », exercices 2018 et suivants – L’utilisation répétée de la dérogation tirée de l’urgence impérieuse permettant de conclure des contrats de gré à gré ne peut plus être utilisée lorsque l’événement à l’origine de l’urgence se répète plusieurs fois, et n’est plus dès lors imprévisible.
En l’espèce, face aux importants échouages sur le littoral en 2023, la Commune de Saint-François a eu recours aux dispositions de l’article R.2122-1 du Code de la commande publique pour faire appel à des prestataires en faisant valoir l’urgence et les risques sanitaires de la situation.
En effet, l’article R. 2122-1 du Code de la commande publique dispose que « l’acheteur peut dans certains cas conclure un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables lorsqu'une urgence impérieuse résultant de circonstances extérieures et qu'il ne pouvait pas prévoir ne permet pas de respecter les délais minimaux exigés par les procédures formalisées. »
Or cette dérogation aux règles de la commande publique est utilisée depuis 12 ans par la commune.
La Chambre régionale des comptes en conclut donc « la commune ne peut s’en prévaloir ».
En conclusion, l’utilisation répétée de la dérogation tirée de l’urgence impérieuse permettant de conclure des contrats de gré à gré ne peut plus être utilisée lorsque l’événement à l’origine de l’urgence se répète plusieurs fois, et n’est plus dès lors imprévisible.
I.2. Droit public des affaires
A. Mise à jour du Guide des outils d’action économique par le Conseil d’État