Les entrepreneurs et leurs proches bénéficient d’une couverture sociale obligatoire insuffisante, les obligeant à souscrire un contrat d’assurance prévoyance complémentaire. Celui-ci comble les lacunes des indemnités de base en cas d’arrêt de travail temporaire, d’invalidité et de décès. Ces contrats sont rédigés dans un langage souvent alambiqué qui nuit à leur compréhension. Or, pour être bien indemnisé, vous devez en comprendre chaque clause. Nous vous proposons ici de décrypter les conditions générales et particulières des contrats de prévoyance des indépendants, afin d’en éviter les pièges.
Contrat indemnitaire ou contrat forfaitaire ?
Les contrats de prévoyance ont pour but de compenser les pertes de revenus de l’assuré. Ils se divisent en deux catégories : les contrats indemnitaires, largement majoritaires, et les contrats forfaitaires.
Le contrat forfaitaire
Pour un contrat forfaitaire, il revient à l’indépendant de déterminer le montant de son indemnité journalière, ce qui définit le tarif des cotisations versées en cas d’arrêt. L’indemnité dépend donc du montant versé et non du revenu réel. Les compagnies d’assurances s’assurent cependant que le contrat souscrit est cohérent avec les revenus, afin qu’il n’incite pas l’assuré à se mettre en arrêt de travail. Ce type de contrat est privilégié par les indépendants débutants, ne sachant pas encore quel sera leur niveau de revenu, ou ceux dont l’activité connaît des fluctuations importantes.
Le contrat indemnitaire
Le contrat indemnitaire se base sur les revenus réels que gagne l’indépendant au moment où il signe le contrat, ce qui implique de le réviser chaque année. La décroissance des revenus entraîne la baisse des indemnités en cas d’arrêt de travail.
Le contrat indemnitaire pondéré
Pour un contrat indemnitaire pondéré, l’assiette de calcul se base sur les deux ou trois années précédant l’arrêt de travail, plutôt que de se focaliser sur le revenu de la seule année précédente. Ce type de contrat atténue les conséquences d’une chute de revenus ponctuelle. En revanche, il s’avère inopérant si votre activité connaît une baisse durable.
La clause d’invalidité
La clause d’invalidité est primordiale dans un contrat de prévoyance pour un indépendant. Elle est assez complexe à comprendre. Vous devez considérer de multiples critères.
- Votre contrat peut vous proposer une rente et/ou un capital d’invalidité. Si cette invalidité s’avère permanente, un capital ne vous suffira sans doute pas, tandis qu’une rente est pérenne.
- Prêtez attention à la définition de l’invalidité précisée dans les conditions générales de votre contrat et comparez-la à celle définie par la Sécurité sociale.
- Vous devez distinguer l’invalidité partielle (de 33 % à 66 %) de l’invalidité totale (plus de 66 %, et certaines caisses imposent une invalidité totale à 100%, quasiment impossible à atteindre et sans laquelle aucune rente d’invalidité ne sera versée).
- Le barème fonctionnel de la Sécurité sociale ne prend pas en compte la spécificité de votre profession pour évaluer l’incapacité d’exercer une activité. Il n’est par conséquent pas en adéquation avec la gravité de votre situation.
- Le barème professionnel prend lui en compte la nature de votre activité professionnelle.
- Le barème croisé – se présentant sous forme de tableau à double entrée – tient compte à la fois du taux d’invalidité fonctionnelle et du taux d’invalidité professionnelle, mais là encore, si la caisse ne prend pas en compte exclusivement l’invalidité professionnelle, la rente peut être annulée, pour la simple raison que le taux combiné (taux professionnel/taux fonctionnel) vous place en deçà du taux minimum requis pour obtenir une quelconque rente, alors que dans les faits, vous pouvez être à un taux d’invalidité professionnel de 50% voire davantage, mais avoir un taux fonctionnel qui vous permet de faire ‘autre chose’ et d’exercer un autre métier.
- La détermination du taux d’invalidité est établie par un médecin indépendant expert. Elle est donc personnalisée et ne se base sur aucun barème.
La clause d’invalidité est trop souvent négligée par les indépendants qui se contentent d’en parcourir les grandes lignes. Or, la prévoyance invalidité en cas d’impondérable, est votre unique garantie de recevoir une rente d’invalidité en ligne avec vos besoins. Assurez-vous donc de souscrire un contrat de prévoyance qui vous protège en cas d’accident de la vie, et comprenez-en bien les clauses d’exclusion ainsi que le calcul du taux d’invalidité qui ne devrait prendre que le seul critère de votre taux d’invalidité professionnel (et non combiné avec votre taux d’invalidité fonctionnel). N’hésitez pas à faire appel à des experts en prévoyance, spécialisés dans votre domaine.
La franchise du contrat de prévoyance de l’indépendant
Il apparaît fondamental de vous intéresser à la franchise de votre contrat de prévoyance. Il prévoit un délai incompressible suivant l’arrêt de travail durant lequel vous n’avez droit à aucune indemnisation. Les indépendants et professionnels libéraux ne connaissent pas toujours les carences de leur régime obligatoire. Les indépendants doivent être conscients de la franchise de leur contrat de prévoyance. Elle peut être de 7, 15 ou 30 jours, et parfois même aller au-delà. Chaque indépendant doit considérer les carences de sa branche professionnelle pour souscrire une prévoyance complémentaire comblant le manque. La franchise – ne s’appliquant qu’aux ITT (Interruption Temporaire de Travail) – diffère en fonction des causes de l’arrêt. En outre, vous devez impérativement vérifier la durée de l’indemnisation qui peut être limitée, généralement entre 90 et 365 jours. Vous pouvez aussi choisir un contrat dont la durée d’indemnité est limitée à 3 ans et prévoyant ensuite une rente d’invalidité couvrant la période allant jusqu’à la retraite.
- La franchise en cas de maladie vous couvre en cas d’arrêt temporaire, à la suite d’un arrêt maladie prescrit par un médecin.
- La franchise en cas d’hospitalisation d’un contrat de prévoyance performant va de 3 à 4 jours. Vous trouvez également des contrats sans franchise qui vous octroient une indemnisation dès le premier jour d’hospitalisation. La condition le cas échéant peut être d’être hospitalisé durant plus de 24 heures.
Vous devez prendre en compte la tendance croissante de l’hospitalisation en ambulatoire qui implique un séjour inférieur à moins de 24 heures. Pour être indemnisé dans ce cas, vous devez choisir un contrat couvrant spécifiquement la prise en charge de l’hospitalisation en ambulatoire.
- La franchise en cas d’accident correspond à la prise en charge d’un dommage corporel, non intentionnel de la part de l’assuré et imprévisible. Vous devez prendre en compte la nature de votre activité, présentant plus ou moins de risque d’accident du travail, pour définir votre franchise.
Les clauses d’exclusion
Le dernier point sur lequel vous devez vous montrer pointilleux concerne les exclusions, car elles limitent, voire annulent votre accès aux indemnités. Les clauses d’exclusion les plus fréquentes présentes dans les contrats de prévoyance des indépendants sont les suivantes.
- Les affections disco vertébrales étant difficilement vérifiables, elles sont souvent exclues, d’autant qu’elles concernent autant les activités manuelles qu’intellectuelles.
- Les affections psychiatriques et psychiques comprennent les dépressions, pathologies neurologiques, psychosomatiques, burnout, etc. Elles sont encore moins vérifiables que les maux de dos, ce qui pousse les assureurs à les exclure de leurs clauses.
- Les sports dangereux qui peuvent être plus ou moins nombreux à être exclus dans les clauses du contrat de prévoyance : alpinisme, sports de glisse, sports équestres, sports de combats, sports nautiques et plongée sous-marine, etc. Les assurances tiennent aussi compte de la fréquence à laquelle vous les pratiquez et dans quelles conditions.
- Les grossesses pathologiques n’ont pas la cote dans les compagnies d’assurances. Elles concernent le risque d’accouchement prématuré, décollement placentaire, problème de contractions, placenta praevia, etc.
- Les exclusions territoriales peuvent concerner les personnes vivant en dehors de la France métropolitaine, c’est-à-dire en Corse ou dans les DOM-TOM.
Prenez le temps d’étudier toutes les clauses de votre contrat de prévoyance avant de le signer pour ne pas vous retrouver démuni si vous devez un jour réclamer des indemnités à votre assureur. Cet article a été produit en collaboration avec Mr Jean Marie Verschuur, Président de l’association BEAM (Bureau d'Etudes des Assurances Médicales) spécialisée dans la prévoyance pour professions libérales.