Toute marchandise faisant l’objet d’un transport maritime est exposée à des risques si nombreux et dont les répercussions sont pour la plupart fort onéreuses que les primes payées aux compagnies d’assurances en contrepartie des polices souscrites, ne suffisent pas à couvrir cette forte sinistralité.
Aussi, pour garder un équilibre certain entre l’activité de l’assureur et la stabilité financière de l’entreprise, le législateur communautaire au moyen du mécanisme juridique du recours subrogatoire reconnu à l’assureur maritime permet à ce professionnel de pallier à la faiblesse du coût de la prime d’assurance.
Le code civil en ses articles 1249 et suivants définit les règles générales inhérentes à la subrogation. Il ressort notamment des dispositions des articles 1249 et suivants du code civil que la subrogation est légale ou conventionnelle. Les conditions de la subrogation légale et conventionnelle sont respectivement posées par les articles 1250 et 1251 du code civil. Mais nous nous attarderons uniquement sur la subrogation légale expressément prévue par le Code communautaire de la marine marchande applicable au Cameroun et en zone CEMAC, laquelle sera analysée par une étude sommaire les conditions relatives à sa mise en œuvre et de ses effets quant aux droits qui en découlent pour l’assureur sur facultés.
I- Les conditions de recevabilité de l’action en subrogation de l’assureur maritime.
A- Les conditions cumulatives.
L’article 705 du code communautaire de la marine marchande de 2012 applicable en zone CEMAC dispose notamment : « L’assureur qui a payé l’indemnité d’assurances acquiert à concurrence de son paiement tous les droits de l’assuré nés des dommages qui ont donné lieu à garantie »
La disposition avant citée pose donc deux conditions cumulatives attenantes à la recevabilité du recours subrogatoire de l’assureur maritime, le règlement préalable de l’indemnité d’assurances par l’assureur (1) et l’existence d’un dommage duquel dérive la responsabilité d’un tiers (2).
1- Paiement préalable de la prime par l’assureur maritime, condition première du recours subrogatoire.
La subrogation dans les droits et actions de l’assuré est irrecevable si l’assureur maritime n’a pas effectivement apuré l’indemnité d’assurance. C’est dire que l’assureur est tenu de produire devant la juridiction compétente, saisie du recours en paiement, une quittance subrogative signée de l’assuré dont il exerce les droits à la suite des avaries nées du transport de la cargaison. La jurisprudence retient fort opportunément que la subrogation dans les droits et actions de l’assuré est irrecevable si l’assureur maritime n’a pas effectivement payé l’indemnité d’assurance. (Cass. 3e civ 5 février 1985, n° 83.15.080, n° 219 ; Cass Com., 16 juin 2009, Bull. 2009, IV, n° 85, pourvoi n° 07-16.840).
2- De l’existence du dommage et de la responsabilité d’un tiers dans la survenance du sinistre.
Bien entendu, un lien de causalité doit unir le paiement de l’indemnité d’assurance à un dommage. Le recours subrogatoire n’a de réelles chances de succès qu’autant qu’il aura été établi que le tiers est effectivement responsable des avaries survenues au cours des opérations de transport.
II- Des effets du recours subrogatoire.
A. Les droits de l’assureur maritime du fait de la subrogation.
1. Transmission à l’assureur maritime des droits et actions contre le tiers responsable.
L’assureur facultés acquiert les droits et actions de l’assuré, lequel de son côté perd tout intérêt à agir contre le responsable à raison de ces droits, et est dès lors irrecevable en son action (Cass com., arrêt n° 1138 du 1er décembre 2009-08-20.656 ; Com., 1er décembre 2009, pourvois n° 08-14.203 et 08-14.585)
2. La perte est limitée aux droits transmis à l’assureur.
Il faut dire que le subrogeant désintéressé perd uniquement les droits qui se rattachent au dommage qui a donné lieu à indemnisation, et ce dans la mesure de celle-ci (cass 1ere civ 29 avr. 1975, n° 73-12.777, RGAT 1975)
B. Étendue de la subrogation.
1- Existence d’une créance du subrogeant.
Le subrogeant dispose avant la subrogation d’un recours contre le responsable, lequel obéit à un régime juridique déterminé. Sa créance est de nature contractuelle puisque destinataire ou ayant droit à la cargaison, il est partie au contrat de transport maritime. L’assureur subrogé peut donc se voir opposer toutes les exceptions dont disposait le responsable du sinistre contre l’assuré bénéficiaire de l’indemnité d’assurance.
2- Le montant réclamé est limitée à la somme due et payée en vertu du contrat d’assurances facultés.
A la différence de la cession de créances, la subrogation interdit au subrogé d’obtenir du tiers responsable un paiement d’un montant supérieur à celui qu’il a versé au subrogeant. Aussi le recours ne porte que sur une somme équivalente à l’indemnité dont l’assuré a été couvert.
L’assureur ne dispose donc pas d’un recours purement personnel, faute de préjudice direct, aussi ne peut-il par exemple prétendre à un préjudice commercial (Cass. 1ere civ, 12 décembre 1977, RGAT), ou même réclamer des dommages et intérêts ; Toutefois, l’assureur maritime est en droit de solliciter et obtenir les sommes déboursées en vue de l’introduction de l’instance, notamment les frais de justice (consignation, enrôlement, frais d’huissier).
C. Exercice du recours subrogatoire.
1. De la prescription et des délais.
L’action de l’assureur maritime est calquée sur celle du subrogeant. Il est donc impératif d’agir avant que l’action dont disposait l’assuré contre le responsable des avaries soit prescrite. L’article 707 du code communautaire de la marine marchande dispose en ce sens que « les actions nées du contrat d’assurances se prescrivent par deux ans. La prescription court à compter de la date de survenance du sinistre ».
Le délai biennal sus indiqué se situe logiquement en droite ligne de celui inhérent à toute réclamation dérivant du transport des marchandises par mer tel qu’il est édicté par l’article 20 de la Convention de HAMBOURG.
2. La procédure.
Le recours subrogatoire de l’assureur maritime obéit aux règles de compétence d’attribution et territoriale applicables à l’action en responsabilité dont disposait l’assuré.
L’article 565 du code communautaire de la marine marchande précise que les actions nées du contrat de transport maritime sont portées devant les juridictions compétentes selon les règles de droit commun.
Au Cameroun, la juridiction territorialement compétente est celle du domicile du débiteur au regard des dispositions de l’article 8 du code de procédure civile et commerciale.
Toutefois, la disposition communautaire ci-dessus visée, offre le choix à l’assureur subrogé dans les droits de l’assuré de porter son action en paiement devant le Tribunal dans lequel se trouve l’un des lieux ci-après listés, lorsqu’il est situé dans un État de la CEMAC ;
a) Le domicile du transporteur.
b) Le lieu de réception convenu dans le contrat de transport.
c) Le lieu de livraison convenu dans le contrat de transport ; ou
d) Le port où les marchandises sont initialement chargées sur un navire ou le port où elles sont finalement déchargées d’un navire ; ou
e) Tout autre lieu désigné à cette fin dans le contrat de transport.
Les mêmes règles prévalent, certes avec quelques exceptions, si l’action est portée contre une partie exécutante maritime (acconier, entrepreneur de manutention requis par le transporteur, consignataire, transitaire) avec la possibilité offerte à l’assureur de saisir le tribunal du domicile, du port de réception, de livraison ou celui ou elle réalise les opérations concernant les marchandises.
Quant à la compétence d’attribution, elle s’apprécie au gré du quantum en application des dispositions des articles 15 et 18 de la loi n° 015/2006 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire au Cameroun.
Mais il convient de s’interroger in fine sur l’opposabilité à l’assureur maritime d’une clause attributive de juridiction ou d’arbitrage insérée au connaissement.
Me Narcisse Hervé EKOME ESSAKE.