L’action collective en France
Le Président de la République a demandé en 2006 au gouvernement d’élaborer un projet de loi permettant « à des groupes de consommateurs et leurs associations d’intenter des actions collectives contre les pratiques abusives sur certains marchés ». En disant ces mots, tout le monde a penser que l’on allait introduire la « class action à l’américaine » en France.
Mais qu’elle est la situation actuelle ? Quels sont les recours collectifs mis à la disposition du consommateur ? Avec la proposition de directive de la Commission Européenne, la réforme semble aujourd’hui se placer d’un point de vue européen, alors qu’en est-il également de cette proposition ?
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La situation actuelle
Il existe déjà deux procédures particulières en matière de droit de la consommation en France : l’action en représentation conjointe et l’action collective en cessation d’agissements illicites. Il n’en demeure pas moins que la plupart du temps le consommateur français, aujourd’hui, doit le plus souvent intenter une action en justice de façon individuelle.
L’action en représentation conjointe : Cette procédure a été crée en 1992 (art L422-1 du Code de la consommation). Elle autorise une association de consommateurs à agir au nom de plusieurs consommateurs ayant subi des dommages de même origine, et dont elle a obtenu mandat.
L’action collective en cessation d’agissements illicites : Elle permet aux associations agréées de défense des consommateurs (ex : UFC Que Choisir, 60 millions de consommateurs…), d’agir devant les tribunaux (article L421-6 du Code de la consommation), pour demander la réparation de tout préjudice direct ou indirect porté à l’intérêt collectif des consommateurs.
Le 21 octobre 2009, sous la présidence de Monsieur Jean-Jacques Hyest, la Commission des lois du Sénat a décidé de constituer en son sein, un groupe de travail afin d’examiner l’opportunité et les conditions de l’introduction de l’action de groupe en droit français. Ce mécanisme peut en effet être favorable à la défense des intérêts des justiciables. Néanmoins, l'action de groupe peut s'avérer éminemment préjudiciable à l'activité économique, si elle est pratiquée de façon abusive. L'exemple des « class actions » américaines est, à ce titre, souvent brandi par les opposants à l'introduction d'une telle procédure. La Commission a décidé de se saisir de cette question en vue de la future intervention législative sur le sujet.
Au niveau européen, il n'en existe pas moins aujourd'hui un mouvement des législateurs nationaux comme des institutions communautaires, pour permettre ce type d'action. Plusieurs Etats européens ont consacré ce mécanisme et la Commission européenne travaille actuellement sur la mise en place d'un cadre juridique harmonisé dans le domaine des pratiques anticoncurrentielles ainsi que dans le domaine de la protection des consommateurs.
La Commission Européenne a proposé d’introduire la class action dans les pays de l’Union Européenne, elle prépare pour ce faire une directive relative à l’action collective, qui l’autorisera partout, mais pour un domaine précis : lorsque le principe de libre concurrence est entravée ou quand les entreprises abusent d’une position dominante. Cette directive s’appliquerait par exemple, si les opérateurs téléphoniques s’entendaient encore sur les prix.
Qu’en est il donc de cette proposition ?
La proposition de directive de la Commission Européenne
En 2008 la Commission Européenne a publié un « livre blanc » relatif à « l’indemnisation des consommateurs et des entreprises victimes d’infractions aux règles de concurrence ». Ce livre recommande notamment un élargissement des « class actions » dans toute l’Union Européenne.
Le livre blanc publié par la commission européenne vise donc à formuler des propositions « visant à accroître l’efficacité des demandes d’indemnisation des victimes, tout en garantissant le respect des systèmes et traditions juridiques européens ».
La généralisation de ces class actions au niveau européen permettrai aux victimes de se voir offrir la possibilité de regrouper leurs demandes d’indemnisation et d’engager ainsi des actions en réparation par l’intermédiaires de « représentants appropriés ». Elles bénéficieraient dès lors d’un meilleur accès à la justice. Mais il faut éviter d’aboutir à la réparation d’un même dommage plusieurs fois. À cet effet, la Commission recommande de n’autoriser que les actions par « représentation engagées ». Il s’agit d’une représentation des personnes regroupées par des associations de consommateurs reconnues. De même, cette notion de représentation engagée inclurait les actions auxquelles les victimes peuvent choisir de participer, « par opposition aux actions collectives intentées par des cabinets d’avocats en faveur d’un nombre indéterminé de requérants ».
En mai 2009, la Commission Européenne est allée plus loin encore, puisqu’elle propose une directive dans laquelle les Etats membres seront tenu de mettre en place une action de groupe (« group action ») permettant aux victimes d'une entente ou d'un abus de position dominante dans le marché intérieur d'être indemnisées du préjudice subi, par les tribunaux nationaux.
Selon l'article 4 du projet, les États membres devront s'assurer que deux personnes ou plus, par exemple les consommateurs ou clients d'une des entreprises condamnées pour entente ou abus de position dominante, pourront mener ensemble une action de groupe pour les dommages causés à leur encontre. Et les juridictions nationales seront obligées de traiter cette action comme si c'était une action individuelle.
Principe de « l’opt in »
La Commission européenne retient le principe dit « opt in » : seules les personnes présentes dans l'action de groupe bénéficieront du jugement. Un choix différent au système (« opt out ») retenu dans la « class action » américaine, selon lequel une victime démontrant appartenir au groupe peut bénéficier du jugement sans avoir été partie au procès. Pour autant, la juridiction nationale saisie d'une action de groupe sera tenue d'accepter que d'autres victimes de la même infraction se joignent au contentieux avant de trancher sur le montant de l'indemnisation.
Toutefois, l'action de groupe ne pourra être engagée qu'après une condamnation pour entente ou abus de position dominante d'une ou plusieurs entreprises. Cette condamnation devra provenir de la décision d'une autorité compétente (par exemple en France l'Autorité de la concurrence) ou d'un jugement d'une juridiction nationale.
Par conséquent, le tribunal saisi d'une action de groupe n'aura pas le droit de remettre en cause la condamnation pour entente ou abus de position dominante. Selon le document, il pourra être saisi sur une période d'au moins deux ans à compter de la condamnation finale pour entente ou abus de position dominante.
Le projet de la Commission européenne a ravivé le débat en France, comme nous l’avons vu précédemment puisqu’une commission étudie la possibilité de légiférer sur le principe de l’action de groupe en France.