Le harcèlement sexuel en Israel
Le harcèlement sexuel est au cœur de tous les débats de société depuis quelques semaines avec la découverte des faits reprochés à M. Weinstein producteur de cinéma américain extrêmement influent, et les témoignages nombreux d’actrices témoignant publiquement contre le producteur mais aussi les hashtags nombreux dont #balancetonporc
Mais ce n’est pas la première fois que les sociétés occidentales sont secoués par ces questions, et la société israélienne ne fait pas exception à la règle ; ici aussi de tels comportements ont fait la une dont l’affaire Katsav, lorsque l’ancien Président de l’État avait été condamné à 7 ans de prison pour des faits d’harcèlement sexuel et d’agression sexuelle entre autres.
Mais en Israël, comment se définie le harcèlement sexuel ?
Le harcèlement sexuel est un enchaînement d'agissements hostiles et à connotation sexuelle, dont la répétition et l'intensité affaiblissent psychologiquement la victime. Le harcèlement peut viser à intimider la victime, à la dominer, ou à obtenir un acte sexuel. Il désigne aussi les sollicitations de faveurs sexuelles au travail sous peine de sanction.
La première fois que la loi israélienne a introduit la notion d’harcèlement sexuel est en 1988 dans la loi sur l’égalité au travail.
En 1998, une loi sur le harcèlement sexuel a été introduite dans le système législative.
La loi y introduit 5 cas qui sont pénalement condamnable :
- Chantage afin d’obtenir des actes à caractère sexuel,
- Attouchements sans accords ;
- Propositions répétées à caractère sexuel ;
- Allusions répétées à orientation sexuelle ;
- Présentation de photos ou vidéos à caractère sexuel sans l’accord de l’intéressé (depuis 2014, puni de 5 ans de prison) ;
La loi fixe que des comportements comme définis dans la loi sont de nature pénale et entraînent des condamnations à de la prison et peuvent ouvrir droit à des condamnations de dommages et intérêts au civil, sans avoir à apporter la preuve d’un dommage causé.
Le harcèlement sexuel dans le cadre des relations d'autorité
Dans une situation où les relations de pouvoir sont existante, comme dans le cadre professionnel, dans le monde de l’éducation ou encore dans des activités faisant place à l'autorité publique, la loi israélienne prévoit une plus grande protection (article 3.a.6. de la loi sur la prévention du harcèlement sexuel).
La loi stipule qu'il s'agit de harcèlement sexuel même si la personne harcelée n'a pas osé montrer à l’harceleur qu’elle n'est pas intéressée et n'a pas osé lui demander d'arrêter. A l’inverse dans des situations « normales » où il n’existe pas de rapport d’autorité et/ou de relations de pouvoir, la caractéristique de harcèlement sexuel ne se verra appliquer que si la personne harcelée a montré à l’harceleur qu'il n'est pas intéressé à répondre positivement à ses « avances ».
Dans certaines professions, des règles d'éthique ont également été établies, à fin d’interdire les rapports inappropriées (même par accord) entre un professionnel et ses clients en définissant également les sanctions qui l'accompagnent.
Il y a quelques années, le procureur général a adressé une lettre d'avertissement aux Rabbins Avraham Shapira et Haim Druckman, qui n’avaient pas signalé aux autorités les actions du chef de la yeshiva Nativ Meir, le rabbin Ze'ev Kopolowicz, qui avait harcelé sexuellement des étudiants.
Ce dernier élément pose la question de la dénonciation ou tout au moins du rôle que doivent jouer les témoins de harcèlement sexuel.
Caractérisation complexe :
La caractérisation du harcèlement sexuel est complexe car elle fait entrer plusieurs composants qui sont parfois en dedans et en dehors, à savoir le fait de toucher par mégarde le corps de sa subordonnée, ou de faire une remarque déplacée sur le physique sans ne rien chercher en retour.
Cependant, il existe des éléments communs et acceptés par toutes les juridictions :
- Le comportement constituant un harcèlement sexuel ;
- Un comportement jugé comme indésirable par l’autre ;
- La dimension sexuelle du comportement ;
- La notion d’atteinte à l’intégrité ou de dommage causée à la victime ;
Il est en effet parfois assez difficile d’identifier l’agression sexuelle à cause de la perception opposée des harceleurs et harcelés ; pour l’un la répétition de remarque visant à obtenir les faveurs d’une autre sera jugée comme lourde et maladroite alors que l’autre y verra une agression à son encontre. De même, sera considéré comme un acte romantique ou de drague lorsqu’il y a réciprocité alors qu’il entrera dans le cadre de la loi sur le harcèlement sexuel lorsqu’une des personnes ne donne pas son accord.
Harcèlement sexuel dans le cadre du travail :
La loi de 1998 prévoit trois moyens de lutter, à savoir :
- La voie pénale avec le dépôt de plainte ;
- La voie civile avec l’assignation de l’employeur ou de l’harceleur ;
- La voie disciplinaire avec le dépôt d’un rapport en interne auprès du responsable chargé de ce type de questions ;
Ces trois méthodes peuvent être utilisées séparément ou de concert.
Il est à noter que la loi interdit de porter atteinte au sein de l’entreprise à une personne victime de harcèlement en l’empêchant de porter plainte ou de témoigner et doit lutter contre les commérages pouvant porter atteinte à la victime.
La loi prévoit que l’employeur doit prendre toutes les mesures raisonnables afin de d’empêcher la réalisation de fait de harcèlement sexuel dans la relation employeur/employé, par un employé, ou par l’un de ses représentants même si ce dernier n’est pas employé, et de gérer un tel cas.
La loi précise comment un employeur doit agir dans ces cas :
- Établir un moyen efficace pour porter plainte et enquêter ;
- Dans une entreprise de plus de 25 salariés, l’employeur affichera les dispositions de la loi ;
- Nommer une personne en charge de ces questions ainsi qu’un remplaçant, et lui fournir les moyens de réaliser sa mission ;
- S’occuper de manière efficace et confidentielle du cas de harcèlement ;
- Faire tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher que de tels cas ne se reproduisent et pour corriger le préjudice causé ;
- Mener des activités d’information et de formation sur cette question à intervalles raisonnables ;
Israël a aujourd’hui l’une des législations les plus dures dans ce domaine puisqu’elle arrive à s’appliquer même dans des situations où le rapport d’autorité n’existe pas.
Comme dans la plupart des pays, l’une des barrières à l’application pleine et entière de cette loi est souvent le silence de certaines femmes qui n’osent pas porter plainte par peur d’être montrée du doigt ou de ne pas être crues dans un monde où certains voient dans ce type de comportement des actes déplacés tout au plus.
Les informations contenues dans cet article ne sauraient se substituer à un conseil juridique spécifique.
Emmanuel Charbit, Avocat
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