Qui est propriétaire du sperme de son mari?

Publié le 31/03/2015 Vu 3 224 fois 0
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Un tribunal israélien a autorisé l’utilisation du sperme congelé d’un soldat décédé afin de faire naître un enfant, à la demande des parents de ce dernier, mais contre la volonté de la veuve.

Un tribunal israélien a autorisé l’utilisation du sperme congelé d’un soldat décédé afin de faire na

Qui est propriétaire du sperme de son mari?

Alors que la religion a une forte emprise sur la société israélienne, le pays garde des positions traditionnalistes sur certains sujets de société mais se caractérise également par des pratiques assez moderne voir avant-gardiste par rapport à des pays occidentaux desquels la religion est absente.

L’Etat d’Israël fait face à une nouvelle question de société, à savoir qui est le propriétaire du  sperme conservé d'un soldat tué : sa veuve ou ses parents? A partir de là se pose la question induite de savoir si l'État a le droit de permettre à un enfant d’être conçu par un père mort et donc de naître orphelin de ce dernier?

Un tribunal israélien présidé par le juge Miriam Kraus a rendu un jugement sans précédent sur cette question. Les parents du soldat ont droit à un petit-enfant à partir du sperme de leur fils, malgré l’opposition de la veuve.

Bref rappel des faits :

Il y a 10 ans, un soldat de réserve a été tué lors d'un exercice militaire. Sa veuve accepte de faire congeler plusieurs flacons de son sperme, comme le lui propose l'armée.

Quelques années plus tard, les parents souhaitent utiliser le sperme de leur fils pour faire naître un enfant. La veuve refuse de porter l'enfant elle-même, et même de permettre à une autre femme de le faire.

Le conflit sur ce point se retrouve alors devant la justice qui n’a jamais eu à traiter d’un cas similaire.

Arguments des parties :

La veuve avance que le sperme ne peut pas être hérité et qu'elle est la seule à avoir le droit de décider que faire de la semence de son mari défunt. Elle ajoute qu'une décision en faveur de ses beaux-parents "pourrait saper les normes sociales et le tissu de la société," et créer un précédent qui permettrait à toute famille d'utiliser le sperme laissé par un défunt au bon vouloir de chacun des membres de la famille.

Les parents du défunt font valoir, cependant, qu'ils savaient que leur fils aurait voulu un descendant. Ils affirment qu’ils auraient souhaité que la veuve porte l’enfant et lui donne naissance mais que celle-ci étant refusé cela ne peut être une fin de non-recevoir aux volontés de leur fils.

Parti au procés, l'Etat s'est opposé à la demande des parents du défunt.

La décision :

Comme évoqué plus haut, le juge Miriam Kraus a rendu une décision en faveur des parents, affirmant qu’ils avaient le droit de faire naître un petit-enfant à partir du sperme de leur fils, au motif que, bien que le sperme ne puisse être hérité, il doit être utilisé en accord avec les volontés du défunt avant sa mort.

Rapportant que le défunt souhaitait effectivement des enfants, elle statue donc dans le sens de l’utilisation du sperme, reconnaissant aux parents leur motivation de se porter garant de la réalisation du souhait de leur fils. "Le défunt a émis le souhait de laisser derrière lui une descendance (...) On ne peut pas ignorer le besoin émotionnel des parents de réaliser le rêve de leur enfant", a écrit la juge dans sa décision.

La veuve envisage néanmoins de faire appel de la décision.

Cette question de société est étroitement liée à celle de la GPA (Gestation Pour Autrui) qui contre toute attente est beaucoup plus libéralisée que ce que l’on pourrait imaginer en Israel.  

La possibilité pour une personne de porter un enfant qui ne sera pas pour elle et à la demande d’une autre est interdite dans de nombreux pays occidentaux, ou tout au moins extrêmement encadrée.

En Israël, les mères porteuses ont une existence légale, encadrée par la loi civile et la loi religieuse. Le législateur a tranché en faveur de la GPA avec comme objectif unique, tenter de remédier à la stérilité d’une personnen en lui offrant une nouvelle voie pour fonder une famille.

Pour pouvoir obtenir l’autorisation de bénéficier de cette pratique, les couples mariés (ce qui excluent les couples homosexuels) doivent passer devant une commission médicale où ils apporteront la preuve de l’incapacité de procréer naturellement. Ensuite, la future mère porteuse devra également prouver de sa bonne santé afin de permettre une grossesse saine. Celle-ci doit être officiellement divorcée, civilement et religieusement, ou veuve et doit avoir au moins un enfant et doit être juive selon la loi religieuse afin de considérer le nouveau-né comme juif au sens religieux du terme.  

Dans le cadre d’un contrat validé par un juge, les futurs parents s’engagent à accepter l’enfant quel que soit le bébé qui naîtra et à ne pas refuser la naissance. En contrepartie, la mère porteuse se verra payer avec une somme qui sera placée en séquestre jusqu’à la naissance.

Au jour de la naissance, l’Etat établit un acte de naissance où il n’est pas fait mention de la mère porteuse qui permettra la reconnaissance des parents « commanditaires » comme les parents légaux devant les administrations et les autorités religieuses.

A noter qu’à la différence de pays nombreux où la GPA est devenu un business, le «tourisme procréatif» est interdit. En effet, seuls les couples disposant de la nationalité israélienne ont droit à bénéficier de cette loi.

Pour dire un mot du mariage homosexuel que nous avons évoqué plus haut, celui-ci n’existe pas tout comme le mariage séculier. En effet, le mariage est en Israël de l’autorité des autorités religieuses (comme la plupart du droit de la famille), ce qui proscrit la légalisation du mariage homosexuel tant que le système actuel demeurera. La solution serait la mise en place d’un droit à l’union laïque parallèle aux règles confessionnelles – une sorte d’équivalent du PACS français. Une idée qui fait son chemin puisque certains leaders du Mahane Hatzioni s’y sont déclarés favorable lors des élections de 2015. 

Emmanuel Charbit, Avocat

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