1. En application des articles 544 et suivants du Code civil, tout associé a le droit de rester dans la société et ne peut, ni en être exclu, ni être contraint de céder ses parts contre son gré. En principe donc, l’exclusion d’un associé semble théoriquement impossible.
Au surplus, l’article 545 du Code civil dispose que « nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité ». Le droit de faire partie de la société et de ne pas en être exclu, inhérent au droit de propriété de l’associé sur ses parts sociales, justifie l’hostilité de la Cour de cassation à l’égard de l’exclusion judiciaire (Com, 13 décembre 1994, n°93-11.569).
2. Il convient de préciser dans un premier temps qu’il reste bien entendu loisible à l’associé d’une société de quitter volontairement celle-ci en cédant ses parts sociales à un autre associé ou à un tiers acquéreur, sous réserve de respecter les clauses statutaires régissant la cession de parts sociales, et notamment, la procédure d’agrément qui peut être prévue.
L’associé d’une société peut se retirer de celle-ci en demandant le remboursement de ses titres par ladite société. Par contre, en tout état de cause, une SARL ne peut pas elle-même racheter les parts sociales de l’associé, sauf en cas de procédure de rachat forcé de ses parts sociales survenue suite à un défaut d’agrément.
3. Néanmoins, en pratique, la situation née d’un conflit sérieux entre associés d’une société, exige le plus souvent d’envisager le départ forcé d’un associé, ce dernier refusant de partir de sa propre volonté. Dans le silence des statuts, il est de jurisprudence constante que l’assemblée générale ne peut exclure l’associé de la société. La résolution votée ne reposerait en effet « sur aucun fondement juridique, ni statutaire, ni légal, ni réglementaire » et serait jugée nulle.
Les seuls cas de rachat forcé prévus par la loi se trouvent à l’article L.235-6 (nullité d’une société ou d’actes et délibérations postérieurs à sa constitution), L.223-34 al.3 (réduction de capital non motivée par des pertes pour les SARL) et L.631-19-1 al.2 (redressement judiciaire d’une société) du Code de commerce.
Il est toutefois possible de prévoir une clause d’exclusion « directement » ou « indirectement » statutaire. Cette clause a même été expressément autorisée par la loi pour un certain nombre de types de sociétés tels que les sociétés à capital variable, les sociétés coopératives ou encore les sociétés d’exercice libéral (SEL).
Par « directement » statutaire, on comprend les clauses prévues au sein des statuts; par « indirectement », on comprend les clauses incluses dans des actes extrastatutaires tels que le règlement intérieur, mais visées expressément par les statuts, ces derniers devant en outre indiquer leur force obligatoire pour les associés.
4. La possibilité de prévoir une clause statutaire est toutefois sujette à des conditions qui en déterminent la validité. Tout d’abord, s’agissant des modalités d’introduction de la clause, il est nécessaire que celle-ci soit introduite dans les statuts lors de la constitution de la société ou avoir été rajoutée en cours de vie sociale par décision unanime des associés (CA Paris, 27 mars 2001, n°00-12023).
Ensuite, il est nécessaire que la clause en question fixe explicitement les causes et modalités de l’exclusion. A ce titre, les parties disposent d’une grande liberté de définition. Il peut s’agir d’une exclusion envisagée comme sanction du fait fautif d’un associé, ou bien comme conséquence d’un fait générateur objectif et non fautif tel que la perte d’une qualité, titre ou statut jugé nécessaire à son maintien au sein de la société.
Mais cette liberté n’est pas totale.
5. La clause doit, in fine, ne comporter aucun risque d’exclusion arbitraire et respecter notamment l’ordre public sociétaire, en particulier l’article 1844 al. 1 du Code civil qui dispose que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives.
Par extension, aucune clause statutaire ne peut, sauf exception légale, supprimer le droit de vote de l’associé menacé d’exclusion, le droit de participer de l’article 1844 al. 1 du Code civil impliquant en principe le droit de voter les décisions collectives (Com, 9 février 1999, Château d’Yquem). Cette prohibition s’applique aux statuts de SAS (Com, 23 octobre 2007, Arts et entreprises). La sanction d’une clause qui contreviendrait au principe est d’être réputée non écrite pour le tout en vertu de l’article 1844-10 al. 2 du Code civil (Com, 9 juillet 2013, n°11-27.235) et d’entrainer la nullité par décision judiciaire. Il n’est pas possible pour un dirigeant ou mandataire social de la société de régulariser la clause en offrant à l’associé de prendre part au vote sur sa propre exclusion, une telle offre constituant une modification statutaire nécessitant l’accord unanime des associés, et la nullité n’est pas rendue facultative du fait que la participation de l’exclu au vote n’aurait permis l’adoption d’une décision contraire (Com, 9 juillet 2013 précité).
6. Les statuts peuvent, cependant, déléguer le pouvoir d’exclusion à l’organe exécutif de la société, à condition qu’une telle compétence ne contredise pas une disposition légale attribuant cette compétence de manière exclusive à l’ensemble des associés.
7. Qu’elle émane de l’assemblée générale des associés ou d’un organe exécutif, le respect du principe du contradictoire doit être observé, à peine d’indemnisation de l’associé exclu de manière irrégulière.
L’associé visé par la procédure d’exclusion doit ainsi pouvoir s’exprimer sur les griefs articulés contre lui, qui doivent être clairement prévus par les statuts et lui être notifiés par écrit. Cette notification s’accompagne d’une convocation en temps utile aux fins de lui permettre de faire valoir ses moyens de défense.
8. Enfin, sous peine de nullité, la clause d’exclusion doit prévoir de verser à l’associé la valeur des droits dont il est privé, valeur qui sera déterminée conformément à l’article 1843-4 du Code civil, soit par intervention d’un expert judiciaire en cas de contestation.
9. Quelle que soit la nature de l’exclusion, l’éventuel caractère abusif de l’exclusion - au regard du bien-fondé de la décision et des conditions procédurales de l’exclusion - pourra toujours être soulevé par l’associé évincé devant la juridiction compétente, le contrôle judiciaire de l’abus de l’exclusion étant d’ordre public.