1. La loi Macron du 6 août 2015 a instauré une insaisissabilité de droit de la résidence principale des entrepreneurs individuels mais n’a pas supprimé la possibilité pour ces entrepreneurs de rendre insaisissables les autres biens immobiliers non professionnels qu’ils peuvent posséder par le biais d’une déclaration notariée d’insaisissabilité, faite devant notaire et soumise à publicité (publication au bureau des hypothèses et au registre de publicité légale à caractère professionnel sur lequel l’entrepreneur peut être immatriculé).
Toutefois, l’article L.526-1 du Code de commerce dispose que la déclaration notariée d’insaisissabilité ne peut avoir d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent, postérieurement à sa publication, à l’occasion de l’activité professionnelle du déclarant. Ainsi, les droits des créanciers professionnels dont la créance est née avant sa publication, ou encore ceux des créanciers non professionnels ne sont pas affectés par une telle déclaration.
2. Quid de l’opposabilité de la déclaration d’insaisissabilité à une procédure collective?
Dans le silence de la loi, la chambre commerciale a énoncé que le débiteur pouvait opposer la déclaration d’insaisissabilité qu’il a effectuée avant d’être mis en liquidation judiciaire, et ce malgré la règle du desaisissement posée à l’article L.641-9 du Code de commerce (Cass. com. 28-6-2011 n° 10-15.482 : RJDA 11/11 n° 957).
Après s’être appuyé sur la règle du desaisissement du liquidateur, la chambre commerciale a décidé de se fonder uniquement sur la notion d’intérêt collectif des créanciers, dans un arrêt du 13 mars 2012 (Cass. com. 13-3-2012 n° 11-15.438 : RJDA 6/12 n° 609), confirmé le 18 juin 2013 (Cass. com. 18-6-2013 n° 11-23.716 : JCP E 2013.1452 note Lebel).
Enfin, un arrêt de la chambre commerciale du 24 mars 2015 est venu poser le principe que le débiteur peut opposer à son liquidateur la déclaration d’insaisissabilité qu’il a effectuée avant d’être mis en liquidation judiciaire, écartant par ailleurs toute référence aux règles du dessaisissement ou à l’intérêt collectif des créanciers (Cass. com. 24-3-2015 n° 14-10.175 : RJDA 6/15 n° 451).
--> Il résulte de tout ce qui précède, et bien que le fondement utilisé par la jurisprudence ait évolué, que le liquidateur ne peut être autorisé par le juge-commissaire à poursuivre la vente de l’immeuble insaisissable (Cass. com. 5-4-2016 n° 14-24.640 : RJDA 7/16 n° 565), auquel cas ce dernier commettrait un excès de pouvoir (Cass. com. 24-3-2015 précité, réaffirmé dans un arrêt du 22 mars 2016, n°14-21267).
3. Quels moyens reste-t-il au liquidateur pour agir contre la déclaration d’insaisissabilité?
Il est établi que le liquidateur ne peut agir dans l’intérêt des seuls créanciers postérieurs à la déclaration pour demander l’inopposabilité de la déclaration (Cass. com. 13-3-2012; Cass. com. 18-6-2013 précités), ou exercer contre elle l’action paulienne régie aujourd’hui par l’ancien article 1167 du Code civil devenu l’article 1341-2 du même code (Cass. com. 23-4-2013 n° 12-16.035 : RJDA 7/13 n° 655).
Dans un premier temps, la Cour de cassation, par un arrêt de revirement de la chambre commerciale du 15 novembre 2016 (n°14-26.287) est toutefois venue contredire la portée de la solution retenue dans l’arrêt du 13 mars 2012, en retenant que le liquidateur judiciaire qui a qualité pour agir au nom des créanciers peut invoquer l’inopposabilité de la déclaration d’insaisissabilité non publiée afin de reconstituer leur gage commun. Un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation (Com., 14 mars 2018, n°16-27.302) est venu récemment préciser, au sujet d'une indivision, que le liquidateur n'est néanmoins pas en droit de liquider une indivision pour obtenir la partie du bien appartenant au débiteur de la procédure collective si la déclaration d'insaisissabilité a été régulièrement publiée. Cette dernière lui est alors inopposable et produit tous ses effets.
Dans un second temps, par un arrêt du 14 décembre 2016 (Cass. 1re civ., 14 déc. 2016, n°15-21876, F–D), la première chambre civile de la Cour de cassation a contredit la solution retenue par la chambre commerciale le 23 avril 2013, en jugeant recevable l’action paulienne intentée par un liquidateur contre une déclaration d’insaisissabilité.
--> Le liquidateur dispose donc aujourd’hui de ces deux fondements pour agir contre la déclaration d’insaisissabilité.
4. Par ailleurs, en cas de déclaration d’insaisissabilité intervenue depuis la date de cessation des paiements fixée par le jugement d’ouverture, le liquidateur peut attaquer ladite déclaration sur le terrain des nullités de la période suspecte en vertu de l’article L.632-1 I 12° du Code de commerce dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 12 mars 2014.
--> La compétence reconnue au liquidateur pour exercer cette action a été consacrée par un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 1er avril 2014 (n°13-14.086).