Introduction
Les associés, afin de sanctionner les dérives dans la gestion sociétaire, peuvent :
- révoquer un ou des dirigeants, à condition d’être majoritaires;
- engager leur responsabilité.
Cette responsabilité peut être individuelle, ou solidaire si plusieurs dirigeants ont participé à l’infraction.
S’il n’existe pas de régime uniforme de responsabilité des dirigeants pour tous les types de sociétés, des principes communs se dégagent des dispositions éparses du Code de commerce et civil à ce sujet.
Tout d’abord, il convient de noter que la responsabilité des dirigeants s’opère à l’égard des tiers d’une part, et à l’égard des associés ou de la société d’autre part.
La possibilité d’une action ut singuli, définie comme l’action sociale intentée par les associés au nom et pour le compte de la société, est prévue pour tous les types de société à l’article 1843-5 du Code civil.
Plusieurs dispositions spéciales complètent cette disposition générale, tels que l’article L.225-251 du Code de commerce pour les SA, l’article L.227-7 du Code de commerce pour les SAS, ou encore l’article L.223-22 du Code de commerce pour les SARL.
Pour que la responsabilité du dirigeant puisse être engagée, il faut, à l’instar de ce que prévoit le droit commun, constater la réunion de trois éléments :
- Un fait générateur, qui pour les dirigeants relève soit de la violation des dispositions législatives et réglementaires, soit de la violation des statuts, soit d’une faute de gestion;
- Un préjudice, qui peut être celui subi personnellement par l’associé (on parle alors d’action individuelle), ou celui causé à la société (on parle alors d’action ut singuli ou d’action sociale);
- Un lien de causalité entre le fait générateur et le préjudice.
Il convient de détailler les différentes infractions propres à caractériser un fait générateur de responsabilité des dirigeants (I), puis de s’intéresser au préjudice réparable issu de ce fait générateur (II).
- L’existence d’un fait générateur
Le fait générateur peut résulter d’une violation des dispositions législatives ou réglementaires applicables à l’entreprise (A), d’une violation des statuts (B), ou d’une faute de gestion (C).
- Une violation des dispositions législatives ou réglementaires applicables à l’entreprise
Le fait générateur de responsabilité peut résulter d’une infraction aux dispositions législatives ou réglementaires applicables à l’entreprise. Il s’agit par exemple du cas où le dirigeant s’octroie des pouvoirs qui appartiennent normalement à un autre organe, de l’inobservation des formalités de constitution ou des prescriptions relatives à la présentation des comptes sociaux, ou encore d’une infraction aux obligations fiscales, sociales ou aux règles de concurrence.
B. Une violation des statuts
Il peut s’agir encore d’une violation des statuts, lorsque le dirigeant a dépassé l’objet social dans le cadre de ses fonctions. Par exemple, le dirigeant n’a pas respecté une clause des statuts l’obligeant à obtenir l’accord préalable des associés pour tout emprunt dépassant un certain montant.
S’il s’agit d’une société à risque illimité où la protection des associés indéfiniment responsables est nécessaire, l’acte du dirigeant dépassant l’objet social n’engage pas la société, tandis que s’il s’agit d’une société à risque limité où la protection des tiers est nécessaire, l’acte du dirigeant dépassant l’objet social engage la société. C’est dans ce dernier cas où la société subit alors un préjudice émanant de cet acte.
C. Une faute de gestion
Il peut également s’agir d’une faute de gestion, notion très vaste qui renvoie selon la jurisprudence à un écart de conduite des dirigeants par rapport à une gestion avisée, et résultant d’un fait positif ou d’une abstention. La loi du 9 décembre 2016 est venue à ce titre encadrer sa définition, la simple négligence dans la gestion de la société n’étant plus qualifiée de faute de gestion.
Est considéré comme une faute de gestion, le fait pour un dirigeant de n'avoir pas tenté d'obtenir des associés une augmentation du capital en numéraire, celle-ci s'avérant nécessaire à la survie de la société (Cass. Com., 12 juillet 2016, n° 14-23310).
Un dirigeant d'une société dont les résultats étaient lourdement déficitaires, a été condamné à combler une partie du passif de son entreprise, au motif qu'il s'était octroyé une rémunération excessive et qu'il avait par ailleurs usé des biens de la société pour favoriser une autre entreprise qu'il dirigeait (Cass. Com, 28 juin 2017, n°14-29936).
Si la faute de gestion a contribué à l’insuffisance d’actif, celle-ci peut entrainer la condamnation du dirigeant à payer tout ou partie des dettes de l’entreprise dans le cadre de l’action en comblement du passif social. En cas de confusion de patrimoine ou de société fictive, le tribunal de commerce peut en outre étendre une procédure collective touchant l’entreprise à son dirigeant.
II. L’existence d’un préjudice réparable
Une fois le fait générateur établi, il faut encore que celui-ci cause un préjudice réparable subi personnellement par des tiers (A), des associés ou ex-associés (B), ou par la société elle-même (C).
- A l’égard des tiers
A l’égard des tiers ayant subi personnellement un dommage, il leur est nécessaire de démontrer que le dirigeant ait commis une faute personnelle détachable de son mandat, la personne morale servant d’écran contre le dirigeant. S’il n’y a pas de faute détachable, seule la société peut être responsable. S’il y a faute détachable, les dirigeants peuvent voir leur responsabilité personnelle engagée pour faute.
La faute détachable des fonctions a été définie par la Cour de cassation dans un arrêt du 20 mai 2003 (Cass. Com, 20 mai 2003, n°99-17.092).
Elle suppose la réunion d’une faute intentionnelle, d’une particulière gravité, qui soit incompatible avec l’exercice des fonctions sociales. Le dirigeant doit donc avoir conscience que son comportement, issu de l’exercice de ses fonctions sociales et dont la gravité sera appréciée souverainement par les juges du fond, va causer un dommage à un tiers et le rendre indigne de la confiance nécessaire à la direction d’une société.
B. A l’égard d’un associé ou ex-associé
A l’égard d’un associé ou ex-associé, une action individuelle existe.
Il est alors nécessaire pour celui qui se prétend victime de prouver l’existence d’un préjudice personnel, distinct du préjudice social et collectif. Ainsi, la dépréciation des titres sociaux due à une faute des dirigeants n’est pas un préjudice personnel de l’associé ou ex-associé.
C. A l’égard de la société
A l’égard de la société, en principe, les titulaires de l’action sociale sont les représentants de la personne morale qui subit un préjudice à la suite de la faute des dirigeants. Leur action est dite action sociale ut universi.
L’action ut singuli, exercée au nom et pour le compte de la société, par un associé effectif agissant individuellement, des associés effectifs représentant au moins 10 % du capital, ou des créanciers dans le cadre d’une procédure collective, est également envisageable. L’action étant exercée pour le bien commun de la société, les dommages-intérêts sont versés à la société.
Il convient de relever que l’action de l’associé, qu’elle soit ut singuli et/ou individuelle, doit être exercée dans un délai de trois ans à compter du fait dommageable ou à compter de la révélation du fait. En principe, la société reste engagée à l’égard des tiers sauf si le tiers avait connaissance du dépassement de l’objet social.