Question publiée au JO le : 16/08/2022
Réponse publiée au JO le : 20/09/2022 page : 4142
Texte de la question:
M. Éric Ciotti interroge Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme, sur les contrats de vente one shot de matériel ou de licence de site internet, adossés à un contrat de location financière. Le principe de ces contrats est simple : un fournisseur d'un bien (photocopieur ou autre) ou d'un service (création d'un site internet par exemple), propose la fourniture de ce service ou de ce bien, ainsi que sa maintenance, à un entrepreneur. En même temps que la transaction est réalisée, le bien est cédé à une société de financement qui l'achète au fournisseur et le loue à l'entrepreneur. Ce dernier se retrouve engagé dans un contrat de location, souvent à durée relativement longue (2 à 3 ans), avec une société financière au lieu du fournisseur qui l'avait démarché initialement. Si dans la majorité des cas les contrats et le matériel sont mis en place par des fournisseurs sérieux, il peut arriver que certains d'entre eux moins scrupuleux proposent, grâce à un discours commercial trompeur, des contrats très déséquilibrés portant atteinte au fragile équilibre de ces petites entreprises qu'ils démarchent. Pour remédier à ces cas-là, il est prévu à l'article L. 221-3 du code de la consommation, par renvoi à d'autres dispositions, un délai de rétractation de quatorze jours pour les contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. Il reste que le critère de « champ de l'activité principale », qui permet d'accorder le bénéfice de la disposition prévoyant un délai de rétractation de quatorze jours, a vu sa clarté contestée par voie judiciaire. Si la jurisprudence est pour le moment plutôt protectrice à l'égard des professionnels qui acceptent la fourniture d'un bien ou d'un service par le biais de ces contrats, il paraît important de s'assurer qu'une nouvelle appréciation de ce critère ne diminue pas la portée du dispositif du code de la consommation. Compte tenu de cette incertitude, il lui demande si le ministère compte apporter des précisions à la loi, afin que ce dispositif de protection, qui bénéficie prioritairement aux artisans, commerçants et professions libérales, puisse être consolidé.
Texte de la réponse:
Les pratiques commerciales de certains fournisseurs de biens et services consistant à faire signer, à l'issue d'une seule visite dans leurs locaux professionnels, à des commerçants, artisans ou professionnels libéraux, un contrat de location longue durée sans option d'achat, rapidement cédé à un bailleur financier qui, quels que soient les aléas rencontrés par le locataire, exigera jusqu'à son terme le paiement du loyer financier, font l'objet d'une surveillance renforcée des services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression desfraudes (DGCCRF). Ainsi, 22 fournisseurs ont été contrôlés en 2020. Trois avertissements, huit injonctions de mise en conformité avec les règles du code de la consommation, ainsi que trois procès-verbaux pénaux ont été dressés à l'encontre de certains d'entre eux. Les procès-verbaux constatent notamment des pratiques commerciales trompeuses sur la portée des engagements du vendeur et des droits du client, ainsi que des manœuvres frauduleuses pour faire renoncer le « petit » professionnel à son droit de rétractation. S'agissant du critère relatif au champ de l'activité principale de ces petites entreprises, il entre principalement en jeu en ce qui concerne le bénéfice des dispositions protectrices du code de la consommation en cas de vente hors établissement, et notamment du droit de rétractation de 14 jours. La loi Hamon du 17 mars 2014 relative à la consommation avait déjà clarifié la précédente rédaction du code de la consommation, pour permettre à un plus grand nombre de « petits » professionnels de bénéficier de ce droit. Le code prévoyait, en effet, dans sa rédaction antérieure, que le contrat ne devait pas avoir un « rapport direct » avec l'activité du professionnel. La jurisprudence récente se montre plutôt plus protectrice des professionnels concernés dans l'appréciation de ce critère. Ainsi, dans son arrêt Cass. Civ 1ère, 12 septembre 2018, n° 17-17.319, la Cour de cassation a jugé que la communication commerciale et la publicité via un site internet n'entraient pas dans le champ de l'activité principale d'une architecte qui avait sollicité une entreprise pour créer un site dédié à son activité professionnelle, et que cette architecte pouvait, dès lors, bénéficier du droit de rétractation prévu par le code de la consommation. Dans son arrêt Cass. Civ 1ère, 27 novembre 2019, n° 18-22.525, la Cour de cassation a estimé qu'une personne exerçant une activité de production et de fourniture de bois de chauffage, et qui avait été démarchée sur le lieu de son activité professionnelle pour souscrire un ordre d'insertion publicitaire dans un annuaire local, avait signé un contrat dont l'objet n'entrait pas dans le champ de son activité professionnelle, et devait également bénéficier de ce droit de rétractation. Par conséquent, la rédaction actuelle de cette condition, soumise à l'interprétation souveraine des tribunaux, apparait suffisamment claire et protectrice des professionnels concernés pour que le Gouvernement n'envisage pas de la modifier.