Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 19 juillet 2023 à 16 h 56, Mme A B, représentée par Me Laspalles, doit être regardée comme demandant au juge des référés, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) l'injonction au préfet de la Haute-Garonne de la prendre en charge dans le cadre de l'hébergement d'urgence, dans un lieu adapté à sa situation, dans le délai de vingt-quatre heures suivant la notification de l'ordonnance et sous astreinte de 200 euros par jour de retard en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
3°) la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 2 000 euros au profit de son conseil, sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, et, en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle, la mise à la charge de cette même somme à son propre profit sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'urgence est établie dès lors qu'elle se trouve dans une situation de précarité ; les conditions de vie à la rue sont particulièrement inadaptées à son état compte tenu de son état de santé ; elle ne dispose d'aucune solution d'hébergement adaptée et stable en dépit de la saisine du dispositif de veille sociale ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale de la dignité humaine ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit à l'hébergement d'urgence.
Le préfet de la Haute-Garonne, à qui la requête a été régulièrement communiquée, n'a produit aucune observation écrite en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
La présidente du tribunal a désigné M. Truilhé, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique du 21 juillet 2023 à 11 h 30 en présence de Mme Guérin, greffière d'audience :
- le rapport de M. Truilhé, juge des référés ;
- et les observations de Me Laspalles, pour la requérante, qui a repris ses écritures ;
- le préfet de la Haute-Garonne n'étant ni présent ni représenté.
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.
Considérant ce qui suit :
Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :
1. Aux termes de l'article 20 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence sous réserve de l'appréciation des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ". Il y a lieu, eu égard à l'urgence qui s'attache à ce qu'il soit statué sur la requête de Mme B, de prononcer l'admission provisoire de l'intéressée à l'aide juridictionnelle.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
2. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ".
3. L'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles prévoit que, dans chaque département, est mis en place, sous l'autorité du préfet " un dispositif de veille sociale chargé d'accueillir les personnes sans abri ou en détresse ". L'article L. 345-2-2 du même code précise que : " Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence () ". Enfin, l'article L. 345-2-3 dispose que : " Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y bénéficier d'un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposé. ".
4. Il résulte de ces dispositions que toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale, a le droit d'accéder à une structure d'hébergement d'urgence et de s'y maintenir, dès lors qu'elle en manifeste le souhait et que son comportement ne rend pas impossible sa prise en charge ou son maintien dans une telle structure. Le représentant de l'Etat ne peut mettre fin contre son gré à l'hébergement d'urgence d'une personne qui en bénéficie que soit pour l'orienter vers une structure d'hébergement stable ou de soins ou un logement adaptés à sa situation, soit parce qu'elle ne remplit plus les conditions précitées pour en bénéficier.
5. Mme B, ressortissante géorgienne, née le 17 août 1984, s'est vu délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " le 18 octobre 2022, valable jusqu'au 17 octobre 2023. Elle a été prise en charge au titre du dispositif d'hébergement d'urgence le 6 décembre 2022. Par lettre du 28 juin 2023, le préfet de la Haute-Garonne l'a informée de la fin de sa prise en charge hôtelière dans un délai de sept jours. Par sa présente requête, Mme B doit être regardée comme demandant au juge des référés, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de la prendre en charge dans le cadre de l'hébergement d'urgence, dans un lieu adapté à sa situation.
6. En l'espèce, Mme B fait valoir qu'en refusant de la prendre en charge au titre de l'hébergement d'urgence, le préfet la contraint de vivre à la rue alors même qu'elle souffre d'un cancer et qu'elle bénéficie d'une prise en charge en chimiothérapie. Il résulte de l'instruction et notamment du certificat du médecin oncologue de l'institut universitaire du cancer de Toulouse que la situation de la requérante s'est dégradée depuis qu'elle s'est retrouvée contrainte de vivre à la rue. Dans les circonstances de l'espèce, son maintien dans la rue paraît incompatible avec son état de santé. Dans ces conditions, eu égard à la situation de vulnérabilité dans laquelle elle se trouve, Mme B justifie d'une situation d'urgence au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Le préfet de la Haute-Garonne, qui n'a produit aucune observation en défense, non seulement ne conteste pas cette vulnérabilité mais n'établit ni même n'allègue qu'il ne disposerait pas des moyens requis pour assurer la prise en charge de la requérante. Par suite, en s'abstenant de prendre en charge Mme B dans le cadre de l'hébergement d'urgence, ledit préfet doit être regardé comme ayant porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit de l'intéressée à un hébergement d'urgence qui constitue une liberté fondamentale.
7. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de désigner à Mme B un lieu d'hébergement d'urgence susceptible de l'accueillir, sans délai à compter de la notification de la présente ordonnance, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions combinées des articles L 761-1 du code de justice administrative et 37, alinéa 2, de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
8. Aux termes de l'article 37, alinéa 2, de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
9. La requérante ayant été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à titre provisoire, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions combinées en mettant à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au profit de Me Laspalles, conseil de Mme B, sous réserve que ledit conseil renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
O R D O N N E :
Article 1er : Mme B est admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à titre provisoire.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de désigner à Mme A B un lieu d'hébergement d'urgence susceptible de l'accueillir, sans délai à compter de la notification de la présente ordonnance, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.
Article 3 : L'Etat versera à Me Laspalles, conseil de Mme B, une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que ledit conseil renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A B, au préfet de la Haute-Garonne et à Me Laspalles.
Fait à Toulouse, le 21 juillet 2023.