Il est de jurisprudence bien établie que les dépenses d’acquisition ou de construction du logement familial par un époux marié sous le régime de la séparation de biens, relèvent de la contribution aux charges du mariage.
Il s’agit ici du cas classique du bien immobilier acheté en indivision par des époux mariés sous le régime de la séparation de biens, chacun pour moitié, acquisition financée par un prêt commun, mais dont, en réalité, un seul des deux époux, règle, intégralement ou principalement, les échéances. Celui qui a payé la quote-part de son conjoint, en plus de la sienne, ne disposera d’aucune créance à l’encontre de l’autre, car la dépense faite est considérée comme une contribution aux charges du mariage (1ère Civ. 12 juin 2013, pourvoi n°11-26.748).
Les dépenses d’acquisition immobilière relèvent des charges du mariage, qu’il s’agisse du logement de la famille (1ère Civ. 14 mars 2006, n°05-15980 ; 1ère Civ. 15 mai 2013, n°26.933 ; 1ère Vic. 12 juin 2013, n°11-26.748), ou d’une résidence secondaire qui lui est affectée (1ère Civ. 18 décembre 2013, n°12-17.420). En revanche, l’acquisition immobilière qui n’est pas destinée à l’usage de la famille ne relève pas des charges du mariage (1ère Civ. 5 octobre 2016, n°15-25.944).
La Cour de cassation avait tempéré sa position dans un arrêt du 3 octobre 2019, en considérant que, sauf convention matrimoniale contraire, le financement par apport en capital ne relevait pas de la contribution aux charges du mariage (1ère Civ. 3 octobre 2019, pourvoi n°18-20.828, s’agissant de l’acquisition en indivision par les époux d’une résidence secondaire pour la famille, financée intégralement à l’aide du prix de vente d’un des biens personnels de l’époux).
Il était par ailleurs admis la possibilité pour l’époux ou l’épouse de prouver sa sur-contribution ou une contribution excessive au regard de ses revenus, pour faire valoir une créance contre l’autre.
Cette possibilité est sérieusement mise à mal par la 1ère chambre de la Cour de cassation, laquelle rappelle, par son arrêt du 18 novembre 2020, pourvoi n°19-15.353, que la présomption de contribution aux charges du mariage prévue dans une séparation de biens, une fois qualifiée d’irréfragable par les juges, exclut toute possibilité de prise en compte d’une sur-contribution d’un époux dans le financement d’un logement destiné à l’usage de la famille (voir déjà Cass. 1ère Civ. 3 octobre 2018, n°17-25.858, peu important que ce logement soit principal ou secondaire).
L’ex-femme réclamait à son ex-mari une créance de près de 75.000 € au titre du financement par ses deniers personnels de la construction du logement familial, sachant que les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens. La Cour d’appel de Nîmes avait accueilli sa demande. Le contrat de mariage stipulait que chacun des époux serait réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive aux charges du mariage, en sorte qu’ils ne seraient assujettis à aucun compte entre eux. Selon les juges du fond, le caractère irréfragable de cette présomption dont se prévalait l’ex-mari n’empêchait pas l'épouse « de faire la démonstration de ce que sa participation a excédé ses facultés contributives » de sorte que « si la sur-contribution est démontrée, elle a pour effet de rendre la clause inefficace ».
La Cour de cassation censure la cour d’appel, considérant que dès lors que les juges du fond qualifient d’irréfragable la présomption résultant de ce que les époux étaient convenus, en adoptant la séparation de biens, qu’ils contribueraient aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives et que chacun d’eux serait réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu’ils ne seraient assujettis à aucun compte entre eux ni à retirer à ce sujet aucune quittance l’un de l’autre, un époux ne peut, au soutien d’une demande de créance, être admis à prouver l’insuffisance de la participation de son conjoint aux charges du mariage, pas plus que l’excès de sa propre contribution.
Le caractère irréfragable ou simple de la présomption de contribution aux charges du mariage relève de l’appréciation souveraine des juges du fond. Mais dès lors que ces derniers la qualifient d’irréfragable, les époux sont présumés avoir exécuté leur obligation, et l’avoir fait proportionnellement à leurs facultés respectives, ni trop, ni trop peu. Aucune preuve contraire ne sera admise, et les excès de financement par l’un des époux ne seront pas récupérables.
Compte tenu de la position de la Cour de cassation, les futurs époux sont invités à porter une attention toute particulière à la rédaction de leur contrat de mariage. Pour éviter les mauvaises surprises, ils pourraient qualifier la présomption de contribution de simple ou d’irréfragable, et/ou définir son champ d’application en en excluant, par exemple, tous les investissements immobiliers sans exception. Evidemment, anticiper les conséquences financières d'un divorce et aborder sereinement ces sujets, alors que les futurs époux sont en pleine ébullition des préparatifs de mariage, n'est pas chose aisée.
Toute l’équipe du cabinet Grelin & Associés est à votre écoute pour vos problématiques liées au droit de la famille.
Retrouvez notre dernier article également consacré au financement du logement familial et à la contribution aux charges de la vie commune :
- L'aide matérielle entre partenaires pacsés ;
- La contribution aux dépenses de la vie courante entre concubins.
248, Boulevard Raspail 75014 Paris
Tél : 01 42 18 11 11
Mots clefs : avocat ; droit ; droit de la famille ; contrat de mariage ; clause ; contribution aux charges du mariage ; séparation de biens ; présomption ; irréfragable ; juge ; époux ; jurisprudence ; acquisition ; construction ; logement familial ; bien immobilier ; indivision ; prêt commun ; quote-part ; conjoint ; créance ; résidence secondaire ; usage familial ; convention matrimoniale ; financement ; apport en capital ; bien personnel ; preuve ; sur-contribution ; deniers personnels ; part contributive ; facultés contributives ; sur-contribution