La clause de non‐concurrence interdit au salarié d'exercer une activité concurrente à celle de son ancien employeur après la rupture de son contrat de travail.
Une telle interdiction porte atteinte au principe constitutionnel de liberté du travail (Cass. soc., 18 déc. 1997, no 95-43.409).
Le juge contrôle donc strictement le caractère proportionné de l’atteinte à cette liberté fondamentale, en imposant notamment un certain nombre de conditions à la validité aux clauses de non-concurrence.
Les nombreuses obligations imposées par la jurisprudence à l’employeur sont autant d’écueils que le rédacteur de la clause doit soigneusement éviter.
Il convient également de vérifier s’il existe des dispositions conventionnelles spécifiques avant de procéder à la rédaction de la clause de non-concurrence.
I – OPPORTUNITE DE LA CLAUSE : DANS QUELS CAS EST-ELLE PERTINENTE ?
En l’absence de clause de non-concurrence, l’employeur bénéficie déjà d’une protection contre d’éventuels agissements déloyaux de ses salariés du fait :
- De l’obligation de loyauté, qui s’impose à tous les salariés durant l’exécution du contrat ;
- De l’action en concurrence déloyale, qui protège l’employeur contre les actes de concurrence illicites (le détournement d’un fichier de clientèle, par exemple).
Or, comme on le verra plus bas, la clause de non-concurrence a un coût, elle doit faire l’objet d’une contrepartie financière à la charge de l’employeur.
La clause de non-concurrence n’est donc pertinente que lorsque la situation de l’entreprise justifie une protection de ses intérêts au-delà du périmètre des obligations de loyauté du salarié et du concurrent.
La stipulation d'une clause de non-concurrence se justifie lorsque l'employeur souhaite :
- Prolonger l’interdiction de concurrence du salarié après la rupture du contrat ;
- Interdire tout acte de concurrence de la part du salarié, même sans utilisation de procédés déloyaux.
II - CONDITIONS DE VALIDITE DE LA CLAUSE
Les conditions de validité des clauses de non-concurrence ont été fixées, en dernier lieu, par trois arrêts rendus par la Cour de cassation le 10 juillet 2002 (Cass. soc., 10 juill. 2002, no 99‐43.334, no 99‐43.335 et no 99‐43.336). Elles sont prescrites à peine de nullité de la clause.
Pour être valable, la clause de non-concurrence doit remplir les conditions suivantes :
- Être justifiée par les intérêts légitimes de l'entreprise ;
- Tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié ;
- Être limitée dans le temps et dans l'espace ;
- Comporter une contrepartie pécuniaire.
a. La justification au regard des intérêts légitimes de l’entreprise
La protection de certains intérêts de l'entreprise permet de justifier le recours à une clause de non-concurrence. Le juge apprécie le risque d’atteinte à ces intérêts en cas de départ du salarié pour une entreprise concurrente. Ce risque est caractérisé notamment lorsque le salarié :
- A accès à certaines informations stratégiques, relatives notamment aux secrets de fabrication (Cass. soc., 14 déc. 1976, n° 75‐40.114) ;
- Exerce des fonctions commerciales (Cass. soc., 28 juin 2000, n° 98‐43.729).
On notera que le risque d’atteinte à ces intérêts s’accroît généralement à proportion de l’importance des fonctions occupées par le salarié au sein de l’entreprise, même si le niveau de responsabilité n’est pas un critère suffisant.
b. La limitation dans le temps et dans l’espace
La clause de non‐concurrence doit être limitée à la fois dans le temps et dans l’espace, à peine de nullité (Cass. soc., 31 oct. 2005, n° 04‐ 46.119).
À cet égard, des limites peuvent être expressément fixées par les textes conventionnels applicables.
En l’absence de limite conventionnelle impérative, il n’existe pas de limite légale ou jurisprudentielle. Le juge du contrat de travail apprécie souverainement le caractère proportionné de la délimitation de la clause au regard des circonstances propres à chaque espèce.
Le juge dispose d’une certaine liberté quant au choix de la sanction appropriée lorsque le champ d'application de la clause lui parait excessif. Il peut la juger nulle au regard de l’atteinte à la liberté de travail du salarié (Cass. com., 15 nov. 1988, n° 87-11.032) ou en restreindre la portée (Cass. soc., 7 mai 1991, n° 87-43.470).
c. La contrepartie pécuniaire
La clause de non-concurrence ne prévoyant aucune contrepartie financière est nulle (Cass. soc., 10 juill. 2002, no 99‐43.334, no 99‐43.335 et no 99‐43.336). C’est le cas également lorsque le montant de la contrepartie est dérisoire (Cass. soc., 15 nov. 2006, n° 04-46.721).
Une clause de non-concurrence qui prévoyait une indemnité égale à 10 % de la rémunération du salarié sur la durée d’application a ainsi été jugée nulle en raison du caractère dérisoire de cette contrepartie (Cass. soc., 15 nov. 2006, n° 04-46.721).
Attention toutefois, le montant de la contrepartie ne doit pas être excessif. La Cour de cassation a en effet jugé que la stipulation d’une contrepartie exorbitante, qui visait à favoriser un ou plusieurs salariés d’une entreprise en difficulté, au détriment de celle-ci, était une cause de nullité de la clause de non-concurrence (Cass. soc., 4 nov. 2020, no 19‐12.279).
Qu’en est‐il des clauses de non‐concurrence, conclues sous l’empire de la jurisprudence antérieure aux arrêts du 10 juillet 2002, qui ne comportent pas de contrepartie pécuniaire ? Elles doivent être modifiées par avenant afin de remplir les conditions qui viennent d’être exposées.
d. La prise en compte des spécificités de l’emploi du salarié
Il convient de vérifier que la clause de non-concurrence, au regard des spécificités de l’emploi du salarié, ne porte pas une atteinte disproportionnée à sa liberté de travail.
Le juge apprécie, au regard des qualifications du salarié et de la spécificité de sa formation, les possibilités dont il dispose pour retrouver un emploi en dehors du périmètre d’application de la clause (Cass. soc., 18 déc. 1997, no 95‐43.409 ; Cass. soc., 27 juin 2001, no 99‐44.894).
Il a ainsi été jugé que la clause de non-concurrence dont le champ d’application est trop large pour permettre à la salariée de retrouver un emploi conforme à son expérience professionnelle est illicite et doit être annulée (Cass. soc., 18 sept. 2002, no 99‐46.136).
III - STIPULATION RECOMMANDEE
Il arrive fréquemment qu’après avoir stipulé une clause de non-concurrence dans un contrat, l’employeur se rende compte, au moment de la rupture, qu’il n’a pas réellement intérêt à la mettre en œuvre.
Il peut alors choisir de renoncer unilatéralement à cette clause, à condition que cette possibilité ait été prévue dès la conclusion du contrat.
En effet, la clause de non-concurrence étant stipulée dans l'intérêt de chacune des parties au contrat de travail, l'employeur ne peut, sauf stipulation contraire, y renoncer unilatéralement en cours d'exécution (Cass. soc., 11 mars 2015, no 13-22.257).
Il sera donc contraint d'obtenir l'accord du salarié pour la lever et à défaut, de verser l'indemnité de non-concurrence.
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