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COVID-19 - MON ASSUREUR DOIT-IL COUVRIR MES PERTES D’EXPLOITATION ?

Publié le Modifié le 22/06/2021 Vu 3 658 fois 0
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Les commerçants ayant été contraints de réduire ou de cesser leur activité en raison des interdictions administratives d’accueillir du public sont-ils couverts au titre de leur assurance pertes d’exploitation ?

Les commerçants ayant été contraints de réduire ou de cesser leur activité en raison des interdictions ad

COVID-19 - MON ASSUREUR DOIT-IL COUVRIR MES PERTES D’EXPLOITATION ?

L’assurance perte d’exploitation vise à permettre à une entreprise de faire face à ses charges fixes en cas de baisse d’activité consécutive à un sinistre. Le contenu des garanties offertes varie selon les polices d’assurances mais elles prévoient fréquemment une couverture de l’assuré en cas de fermeture administrative.

Or, afin de lutter contre l’épidémie de COVID-19, il a été fait interdiction à certains commerçants -sur décision de l’administration- d’accueillir du public au sein de leurs établissements. Ces mesures ont été fortement préjudiciables à certains secteurs d’activité, notamment à celui de l’hôtellerie et de la restauration.

Les commerçants qui avaient souscrit auprès de leur assureur une garantie perte d’exploitation ont alors cherché à bénéficier d’une indemnisation à ce titre afin de compenser les pertes enregistrées durant les périodes de fermeture.

Certains assureurs ont néanmoins tenté d’échapper à leur obligation en avançant un certain nombre d’arguments, qui ont été débattus à la fois devant les juridictions de référé et devant les juges du fond.

Au sein du débat général sur l’obligation de garantir la perte d’exploitation, on peut distinguer les questions soulevées relativement aux clauses d’exclusion de garantie (II) de celles qui se posent en l’absence d’exclusion de garantie (I).

 

I-                    En l’absence de clause d’exclusion de garantie en cas de pandémie

 

A-      Sur le caractère inassurable du risque pandémique

L’un des premiers arguments invoqués par les assureurs a été de soutenir que la décision administrative conduisant à un arrêt généralisé de l’économie pour faire face à une épidémie mondialisée ne pouvait, par essence, être inclus dans le risque garanti par l’assurance perte d’exploitation.

Cet argument, en réalité bien plus politique que juridique a rapidement été écarté.

Le tribunal de commerce de Paris, statuant en référé (T. com. Paris, 12 mai 2020, n° 2020017022, Dalloz actualité, 28 mai 2020, obs. R. Bigot), a ainsi constaté que, l’assureur ne s’appuyant « sur aucune disposition légale d'ordre public mentionnant le caractère inassurable d'une conséquence d'une pandémie, il [lui incombait donc] d'exclure conventionnellement ce risque ».

Or, le risque pandémique n'étant pas exclu du contrat signé entre les parties, le tribunal de commerce a jugé l’argument de l’assureur insuffisamment sérieux.

 

B-       Sur la qualification de fermeture administrative de l’interdiction d’accueillir du public 

Dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt du tribunal de commerce de Paris précité (T. com. Paris, 12 mai 2020, n° 2020017022), l’assureur soutenait que l’arrêté du ministre des Solidarités et de la Santé du 14 mars 2020 ne constituait pas une fermeture administrative totale ou partielle au sens du contrat d’assurance.

Il affirmait que l’arrêté en question interdisait simplement à l’assuré -en l’espèce, un restaurateur- d’accueillir du public au sein de son établissement mais n’imposait pas sa fermeture, dans la mesure où une activité de vente à emporter demeurait possible.

Le tribunal écarte toutefois cette argumentation, en raison notamment du caractère fondamental, pour l’activité d’un restaurant traditionnel, de la possibilité de recevoir du public. Il en déduit que l’interdiction de recevoir du public constituait bien une fermeture administrative totale ou partielle et que l’assureur était tenu de garantir le sinistre.

Bien que cela ne soit pas le cas en l’espèce, le tribunal de commerce prend le soin de préciser qu’en cas de maintien d’une activité de vente à emporter, la marge éventuellement procurée par cette activité doit logiquement être prise en compte pour la détermination des pertes d’exploitation garanties.

Par un arrêt du 25 février 2021, la cour d’appel d’Aix-en-Provence (Pôle 01 ch. 04, 25 février 2021 / n° 20/10357) a jugé de la même façon que les décisions de l'administration interdisant aux restaurateurs de recevoir du public devaient être qualifiées de fermetures administratives.

L’intérêt principal de cet arrêt ne concerne toutefois pas la qualification de fermeture administrative. Il réside en effet dans la motivation que donne la Cour à sa décision d’écarter l’application de la clause d’exclusion de garantie stipulée au contrat.

 

II-                  En présence d’une clause d’exclusion de garantie en cas de pandémie

 

La cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans l’arrêt précité du 25 février 2021, commence par rappeler le régime juridique applicable aux clauses d’exclusion de garantie, tel qu’il résulte à la fois du code civil, du code des assurances et de la jurisprudence de la Cour de cassation.

La Cour vise tout d’abord les articles 1170 et 1171 du code civil, prohibant respectivement les clauses abusives en général et les clauses abusives particulières aux contrats d’adhésion (ceux qui comportent un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l'avance par l'une des parties, en l’espèce par l’assureur).

La Cour cite ensuite le texte de l’article L. 113-1, alinéa 1er du code des assurances, qui sera au cœur de son argumentation :

« Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ».

La Cour rappelle enfin la jurisprudence de la Cour de cassation concernant l’article L. 113-1 du code des assurances, selon laquelle la condition tenant au caractère limité d'une clause d'exclusion de garantie n'est pas satisfaite si la clause litigieuse est interprétable (Civ. 1re, 22 mai 2001, n° 99-10.849).

En l’espèce, la clause d’exclusion de garantie stipulée au contrat était la suivante :

« Sont exclues (…) les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

Les juges d’appel constatent que l’exclusion n’est pas limitée dans la mesure où son application pure et simple conduirait à ne jamais indemniser l’assuré en cas d’épidémie.

La Cour relève notamment que « l’assureur ne produit aucune pièce concernant le cas où sa garantie aurait joué en cas d’épidémie. »

On comprend qu’en réalité, cette clause conduisait à limiter la garantie aux hypothèses dans lesquelles la prétendue « épidémie » aurait été circonscrite au seul établissement concerné par la décision administrative de fermeture.

Or, l’assuré exerçant une activité de restauration impliquant un nombre relativement limité de travailleurs, on voit mal dans quelle hypothèse la propagation d’une maladie contagieuse au sein du seul établissement de l'assuré :

-          D’une part, pourrait être qualifiée d’épidémie ;

-          D’autre part, pourrait ne justifier la fermeture que de cet établissement particulier.

La solution de la Cour, qui relève d’une stricte application des articles 1170 et 1171 du code civil et de l’article L. 113-1 du code des assurances, doit être saluée.

On observe de façon générale que, jusqu’à présent, le contentieux parait prendre une direction plutôt favorable aux commerçants assurés.

Il faut néanmoins garder à l’esprit que les solutions rendues dépendent essentiellement du contenu des stipulations contractuelles propres aux différentes polices d’assurance.

Il ne faudrait donc pas y voir l’établissement d’un principe jurisprudentiel selon lequel les assurés seraient automatiquement couverts contre le risque de perte d’exploitation, mais plutôt une stricte interprétation des clauses contractuelles, telles qu’elles avaient été rédigées antérieurement à la crise sanitaire.

 

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