Les motifs économiques permettant de procéder à un licenciement sont définis par l’article L. 1233-3 du code du travail.
Parmi ces motifs, on trouve notamment :
- Les difficultés économiques ;
- La nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ;
- La cessation de l’activité.
Néanmoins, l’employeur qui démontre que son entreprise est effectivement confrontée à l’une de ces situations n’éteint pas tout motif de contestation.
En effet, le salarié licencié peut encore démontrer que l’employeur est responsable de la situation qu’il invoque pour justifier le licenciement.
Il convient de distinguer le cas de l’employeur qui a intentionnellement provoqué les difficultés de son entreprise, de celui dont le comportement est fautif, mais non-intentionnel.
LA FAUTE INTENTIONNELLE DE L’EMPLOYEUR
L’employeur qui a délibérément opéré des choix de gestion préjudiciables à l’entreprise ne peut valablement se prévaloir des difficultés qu’il a sciemment créées.
C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation, dans un arrêt du 9 octobre 1991, affirmant que l’employeur qui s'était laissé dépouiller par pure complaisance d'une partie importante de son patrimoine, avait ainsi organisé son insolvabilité et ne pouvait se prévaloir de la situation à laquelle il avait contribué en connaissance de cause (Cass. soc., 9 octobre 1991, no 89-41.705).
Cette jurisprudence peut se rattacher au principe général exprimé par l’adage classique Fraus omnia corrumpit selon lequel « la fraude corrompt tout ». La Cour de cassation l’a d’ailleurs exprimé très clairement dans un arrêt du 13 janvier 1993 (Soc. 13 janv. 1993, no 91-45.894) par lequel elle a sanctionné un employeur dont la situation économique « résultait d’une attitude intentionnelle et frauduleuse » (sur la notion de fraude, voir également : Cass. soc., 12 janv. 1994, no 92-43.191).
LA FAUTE NON-INTENTIONNELLE ET LA LEGERETE BLAMABLE
- En l'absence de fraude, la validité du licenciement peut également être critiquée lorsque la gestion de l’entreprise révèle une faute de l’employeur.
Ces notions de faute de l’employeur ou de légèreté blâmable revêtent une importance particulière en matière en cas de cessation d’activité de l’entreprise.
Dans un arrêt du 16 janvier 2001, la chambre sociale de la Cour de cassation avait déjà laissé entendre que la cessation de l’activité de l’entreprise ne constituait un motif valable de licenciement qu’à condition de ne pas être due « à une faute de l’employeur ou à sa légèreté blâmable » (Soc. 16 janv. 2001, no 98-44.647).
Dans un arrêt dit « Goodyear Dunlop », du 1er février 2011 (Cass. soc. 1er févr. 2011, no 10-30.045), la même juridiction a apporté des précisions quant aux modalités d’appréciation de la faute ou de la légèreté blâmable de l’employeur en matière de cessation d’activité.
La Cour de cassation précise que les juges peuvent prendre en compte la situation économique de l’entreprise au moment de la cessation d’activité pour déterminer si l’employeur a commis une faute ou s’il a fait preuve de légèreté blâmable.
En l’espèce, la fermeture de l’entreprise était liée à une décision du groupe auquel elle appartenait, ce qui explique pleinement la position de la Cour de cassation.
En effet, si elle avait considéré que la décision prise par la société mère de cesser l’activité de la filiale justifiait à elle seule le licenciement des salariés, elle aurait permis aux groupes de sociétés de s’affranchir intégralement de l’obligation de fonder le licenciement économique sur une cause réelle et sérieuse.
Au contraire, en s’appuyant notamment sur les bons résultats de la filiale dont la fermeture avait été décidée, la Cour de cassation a jugé que l’employeur avait fait preuve de légèreté blâmable et que les licenciements prononcés étaient dépourvus de cause réelle et sérieuse.
- La jurisprudence interdit néanmoins aux juges de s’immiscer dans la gestion de l’entreprise et refuse de sanctionner l’employeur ayant commis de simples erreurs de gestion.
En effet, le caractère fautif de la gestion de l’entreprise est apprécié de façon restrictive par la jurisprudence.
Il a en effet été rappelé, dans un arrêt récent de la Cour de cassation, que la faute de l’employeur doit être distinguée de « l’erreur éventuellement commise dans l’appréciation du risque inhérent à tout choix de gestion » (Cass. soc., 4 nov. 2020, no 18-23.029).
Pour priver le licenciement économique de cause réelle et sérieuse, les agissements fautifs de l'employeur doivent donc aller au-delà de la simple erreur de gestion (pour un exemple, voir : Cass. soc., 24 mai 2018, no 17-12.560).
La position de la Cour de cassation manifeste son refus de voir les juges s’immiscer dans la gestion de l’entreprise et se substituer à la direction pour juger a posteriori des choix de gestion qui auraient dû être faits.
On peut donc en déduire que la notion de faute dans la gestion de l’entreprise devrait rester limitée à des situations dans lesquelles le comportement de l’employeur relève soit d’une intention frauduleuse, soit d’une faute de gestion grave et manifeste.
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