L’article L. 1233-2 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif économique doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
Depuis l’ordonnance dite « Macron » du 22 septembre 2017, l’article L. 1233-3 du code du travail précise que le motif économique de licenciement est constitué en cas de baisse du chiffre d’affaires sur une période dont la durée augmente avec la taille de l’entreprise (pour plus de précisions sur ce point, consultez notre article consacré à la question).
La question se pose toutefois de savoir si une telle baisse du chiffre d’affaires est suffisante lorsqu’elle est purement conjoncturelle et passagère ?
Autrement dit, l’employeur peut-il profiter de difficultés qu’il sait passagères pour modifier structurellement l’emploi dans son entreprise ?
La réponse à cette question se trouve dans l’étendue du pouvoir de contrôle du juge. Celui-ci peut-il tenir compte de circonstances propres au cas d’espèce pour apprécier le caractère suffisamment sérieux des difficultés économiques, ou doit-il s’en tenir à la lettre de l’article L. 1233-3 ?
Antérieurement à l’ordonnance du 22 septembre 2017, la Cour de cassation a jugé à plusieurs reprises que le motif économique invoqué était insuffisant en cas de :
-Diminution du chiffre d’affaires sur une seule année (Cass. soc., 6 juillet 1999, n°97-41.036) ;
-Légère baisse d’activité suivie d’une reprise (Cass. soc., 26 juin 1991, n°89-44.033) ;
-Diminution passagère du volume de travail (Cass. soc., 28 janvier 2014, n°12-23.206).
Il n’est pas certain que ces jurisprudences soient toujours d’actualité dans la mesure où le caractère suffisant de la baisse d’activité semble avoir été défini par l’ordonnance du 22 septembre 2017.
Un argument joue néanmoins en faveur du maintien du pouvoir de contrôle du juge : il s’agit de l’article 9 de la convention n°158 de l’OIT qui prévoit que le juge doit être habilité « à examiner les motifs invoqués pour justifier le licenciement ainsi que les autres circonstances du cas et à décider si le licenciement était justifié. »
Le placement des salariés en activité partielle pourrait être l’une de ces circonstances.
Le bénéfice de l’activité partielle, indice du caractère temporaire de la baisse d’activité ?
L’activité partielle est un dispositif d’aide de l’Etat permettant à l’employeur de réduire temporairement sa masse salariale pour faire face à une situation exceptionnelle. Les entreprises ont massivement eu recours à ce dispositif pour faire face à la crise du COVID-19.
L’article R. 5122-1 du code du travail dispose que l'employeur peut placer ses salariés en position d'activité partielle lorsque l'entreprise est contrainte de réduire ou de suspendre temporairement son activité en raison notamment de la conjoncture économique.
Il a ainsi été jugé que l’Administration pouvait valablement refuser le bénéfice de l’activité partielle à une entreprise qui faisait face à des difficultés structurelles et non conjoncturelles (Conseil d’Etat, 13 nov. 1995, req. n°156339).
En plus d’être un indice du caractère temporaire de la baisse du chiffre d’affaires, l’activité partielle, en permettant à l’employeur de réduire ses charges, vient atténuer l’ampleur des difficultés rencontrées.
L’activité partielle, un mécanisme d’atténuation des difficultés économiques ?
On a vu précédemment qu’en principe, l’employeur qui connait une baisse d’activité sur une certaine période déterminée par la loi justifie d’un motif économique de licenciement.
Il est néanmoins difficile d’imaginer que deux employeurs connaissant une même baisse d’activité sur une période identique soient confrontés à des difficultés économiques de même ampleur lorsque l’un bénéficie de l’activité partielle et l’autre non.
Les conséquences économiques, pour celui qui bénéficie de l’activité partielle sont nécessairement moindres. Dès lors, comment pourrait-on considérer qu’ils sont placés dans une situation identique au regard du droit de licencier ?
La réponse à ces interrogations viendra probablement de la jurisprudence, il conviendra donc d'être attentif aux décisions qui pourraient être rendues à l'avenir sur ces questions.
Pour prolonger ces réflexions sur le licenciement pour motif économique, retrouvez les autres articles du cabinet Grelin & Associés consacrés à ce sujet :
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