Classiquement le pouvoir de direction de l’employeur connaît des limites, il en va de même pour le pouvoir de surveillance.
I) Les limites classiques au pouvoir de surveillance de l’employeur
L’un des grands principes en matière civile est celui de loyauté de la preuve. La doctrine définit la loyauté comme une manière d'être dans la recherche de la preuve, conforme à la dignité de la personne et conforme à la justice.
Ce principe s’applique évidemment dans le cadre de la relation de travail et du pouvoir de surveillance de l’employeur.
Découlant de cette obligation de loyauté, plusieurs principes viennent limiter le pouvoir de surveillance de l’employeur.
- Devoir d’information préalable des salariés, prévu à l’article L. 1222-4 du Code du travail.
- L’information et la consultation du CSE préalablement à la mise en œuvre d’un moyen de contrôle de l’activité des salariés prévu à l’article L. 2312-38.
- L’exigence de proportionnalité entre la mise en place de la mesure de surveillance et l’atteinte à la vie privée du salarié prévu par l’article L. 1121-1 du Code du travail. A cet égard on peut noter qu’une surveillance constante et individualisée par une caméra porte une atteinte est disproportionnée au respect à la vie privée du salarié même si elle était mise en place dans un but de sécurité.[1]
Il est également à noter que certains procédés de surveillance (géolocalisation et vidéosurveillance notamment), nécessiteront l’accomplissement de plusieurs formalités par l’employeur (déclaration CNIL, préfecture, information sur le lieu de travail par un panneau de signalisation, etc).
A défaut de respecter ces prérequis, les preuves produites par l’employeur ne seront pas recevables en justice car contraire au principe de loyauté.
II) Le caractère équitable de la procédure comme exception au principe de loyauté de la preuve
La Cour européenne des droits de l’Homme dans un arrêt López Ribalda et autres c/ Espagne rendu le 17 octobre 2019[2] est venue poser la règle suivante : pour déterminer si l'utilisation comme preuves d'informations obtenues au mépris de l'article 8[3] ou en violation du droit interne a privé le procès du caractère équitable voulu par l'article 6, il faut prendre en compte toutes les circonstances de la cause et se demander en particulier si les droits de la défense ont été respectés et quelles sont la qualité et l'importance des éléments en question.
Dans un arrêt publié au bulletin rendu le 10 novembre 2021[4], la Chambre sociale de la Cour de cassation est venue tempérer le principe de loyauté de la preuve en matière d’enregistrement.
Dans cet arrêt, la Chambre sociale s’aligne, sur la position de la Cour européenne des droits de l’Homme en matière de preuve et de droit au respect de la vie privée et familiale.
En effet, dans cet arrêt, la Cour, estime que « l’illicéité d’un moyen de preuve, […] n'entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l'utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle d'un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. »
Reste à savoir la portée réelle de cet arrêt, tous les enregistrements illicites pourront-ils être retenus sous couvert du caractère équitable de la procédure ? Comment va être apprécié la proportionnalité de l’atteinte par rapport au but poursuivi ? Les salariés pourront-ils invoquer ce principe en leurs faveurs dans le cadre d’un contentieux ?
La pratique répondra à toutes ces questions ce qui permettra d’entériner ou contraire d’écarter le tempérament que semble poser la Cour de cassation dans cet arrêt.
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