Initialement réservée aux couples hétérosexuels, la procréation médicalement assistée (PMA) est désormais possible pour toutes les femmes, ce qui inclut évidemment les couples de femmes.
Cette possibilité a été ouverte par l’article 1er de la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique modifiant l’article L. 2141-2 du Code de la santé publique, faisant ainsi de la France le onzième pays sur les 27 pays de l'UE à autoriser la PMA pour toutes les femmes, rejoignant les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, le Danemark, la Suède, la Finlande, l'Irlande, l'Espagne, le Portugal et Malte.
Cette loi encadre la PMA avec tiers donneur en posant notamment le principe de l’interdiction d’établissement d’un lien de filiation entre l’auteur du don et l’enfant issu de l’assistance médicale à la procréation (Article 342-9 code civil).
Autrement dit, l’auteur du don ne pourra se prévaloir d’aucun droit sur l’enfant.
Concernant la reconnaissance de l’enfant par un couple de femmes deux périodes sont à distinguer :
- Les couples de femmes qui ont eu recours à la PMA postérieurement à la publication de la loi du 2 août 2021.
- Les couples de femmes qui ont eu recours à la PMA antérieurement à la publication de la loi du 2 août 2021.
Dans la première situation,
L’article 342-10 du Code civil prévoit que « les couples ou la femme non mariée qui, pour procréer, recourent à une assistance médicale nécessitant l'intervention d'un tiers donneur doivent donner préalablement leur consentement à un notaire (…) ».
Concrètement :
- Le couple de femmes, qui va vouloir recourir à la PMA, devra se rendre chez son notaire.
- Le notaire recueillera leur consentement.
- Ce consentement entraînera la reconnaissance de l’enfant à naitre.
- Cette reconnaissance aura pour effet d’établir la filiation entre les deux femmes du couple et l’enfant à naître.
Ce nouveau mode de filiation issu de la loi du 2 août 2021 produit des effets strictement identiques à une filiation biologique ou par adoption.
Dans la seconde situation,
L’article 6 de la loi n°2021-1017 du 2 août 2021 relative à la Bioéthique prévoit en son IV que :
« Lorsqu'un couple de femmes a eu recours à une assistance médicale à la procréation à l'étranger avant la publication de la présente loi, il peut faire, devant le notaire, une reconnaissance conjointe de l'enfant dont la filiation n'est établie qu'à l'égard de la femme qui a accouché. Cette reconnaissance établit la filiation à l'égard de l'autre femme.
La reconnaissance conjointe est inscrite en marge de l'acte de naissance de l'enfant sur instruction du procureur de la République, qui s'assure que les conditions prévues au premier alinéa du présent IV sont réunies. »
Cette disposition est applicable pour une durée de trois ans à compter de la publication de la loi.
Concrètement,
- Avant que la loi du 2 août 2021 ne soit adoptée, certaines femmes avaient recours à la PMA dans d’autres pays européens l’autorisant.
- Une fois le retour du couple en France, seule la femme du couple qui avait accouché avait un lien de filiation avec l’enfant.
- La loi du 2 août 2021 permet aux femmes du couple de reconnaitre conjointement l’enfant né d’une PMA à l’étranger devant notaire ce qui aura pour effet d’établir la filiation avec l’enfant pour les deux femmes du couple.
Cette disposition est salutaire car elle permet aux couples de femmes ayant eu recours à une PMA avant la promulgation de la loi bioéthique, de bénéficier des mêmes droits que celles ayant eu recours à une PMA postérieurement à cette loi.
Toutefois, en conditionnant l’établissement de la filiation à la reconnaissance conjointe, la loi n’avait pas anticipé la possibilité pour la femme ayant accouché, de refuser cette reconnaissance conjointe, empêchant ainsi l’établissement de la filiation à l’égard de l’autre femme du couple.
Un correctif a été apporté à cette difficulté par l’article 9 de la loi n° 2022-219 du 21 février 2022 visant à réformer l’adoption.
Cette loi prévoit, à titre exceptionnel, pour une durée de trois ans à compter du 21 février 2022, que lorsque, sans motif légitime, la mère inscrite dans l'acte de naissance de l'enfant refuse ladite reconnaissance conjointe, la femme qui n'a pas accouché peut demander à adopter l'enfant, sous réserve de rapporter la preuve du projet parental commun et de l'assistance médicale à la procréation réalisée à l'étranger avant la publication de la même loi, dans les conditions prévues par la loi étrangère, sans que puisse lui être opposée l'absence de lien conjugal ni la condition de durée d'accueil prévues au premier alinéa de l'article 345 du Code civil.
Cette disposition permet d’éviter les situations dans lesquelles la mère biologique souhaiterait empêcher la mère d’intention d’établir sa filiation à l’égard de l’enfant.
Ces situations d’opposition de la mère légale ne sont pas cas d’école.
La Cour de cassation avait déjà eu l’occasion, avant la promulgation de la loi du 21 février 2022, de trancher un litige de cette nature (Cass. 1ère Civ. 3 novembre 2021, pourvoi n°20-16745) : un couple de femmes avait eu recours à une procréation médicalement assistée en Espagne qui leur a permis de donner naissance à des sœurs jumelles. Après leur union, la mère légale avait consenti, devant notaire, à l’adoption des enfants par son épouse, mais le couple s’est séparé quelques mois plus tard. La mère d’intention a déposé, avant que le divorce ne soit prononcé, une requête en adoption plénière à laquelle la mère légale s’est opposée.
Les juges du fond ont fait droit à la requête en adoption et, ce faisant, ont déclaré l’adoption des jumelles par la mère d’intention aux motifs que :
- L’examen des pièces du dossier démontre que la naissance des enfants résultait d’un projet de couple, que la requérante y avait participé tant lors de la grossesse de sa compagne qu’après la naissance des enfants et qu’elle avait tenté de maintenir les liens avec ceux-ci malgré la séparation du couple ;
- S’opposer à l’établissement de la filiation de la mère d’intention aurait entrainé des conséquences manifestement excessives et aurait été contraire au droit des enfants de connaître leurs origines et leur filiation.
La mère biologique a formé un pourvoi en cassation faisant grief aux juges du fond d’avoir fait droit à la demande d’adoption alors qu’elle estimait avoir justifié que la mère d’intention avait, d’une part, adopté à plusieurs reprises un comportement inapproprié et traumatisant à l’égard des enfants et, d’autre part, manifesté un intérêt à leur égard seulement après leur séparation.
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi, considérant que la cour d’appel, qui n’était pas tenue de s’expliquer sur chacun des éléments de preuve qui lui était soumis ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a souverainement déduit que l’adoption plénière des enfants par la mère d’intention était conforme à leur intérêt.
L’adoption plénière d’un enfant issu d’une PMA peut être ordonnée dès lors que les juges estiment qu’elle est conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant, ce qui se déduit notamment de la caractérisation d’un projet parental commun, et ce en dépit de l’opposition formée par le parent légal.
Des précédents jurisprudentiels avaient déjà statué en ce sens dans des affaires similaires (TGI Lille, 14 oct. 2019, n° 19/1037 ; TJ Pontoise, 24 nov. 2020, n° 19/01979) par une lecture extensive de l’article 348-6 du Code civil.
Cette jurisprudence est conforme à l’évolution législative actuelle, et notamment au dispositif prévu par l’article 9 de la loi n° 2022-219 du 21 février 2022 visant à réformer l’adoption.
Le correctif apporté par la loi du 21 février 2022 est important car les effets attachés à la reconnaissance de la filiation et par extension à la qualité de parent sont nombreux. La qualité de parent permettra notamment l’exercice de l’autorité parentale, le choix du nom famille ou encore la transmission du patrimoine.
Toute l’équipe du cabinet Grelin & Associés est à votre écoute pour vos problématiques liées au droit de la famille.
248, Boulevard Raspail 75014 Paris
Tél : 01 42 18 11 11
Mots clefs : avocat ; droit ; droit de la famille ; PMA ; AMP ; filiation ; couple homosexuel ; reconnaissance ; adoption ; patrimoine ; enfant ; parent ; projet parental ; mère d’intention ; mère légale ; intérêt supérieur de l’enfant ; bioéthique.