Le motif économique, aux termes de l’article L. 1233-3 du code du travail, est un motif de licenciement non-inhérent à la personne du salarié.
Il se compose de deux éléments : l’élément causal, et l’élément matériel.
L’élément causal est l’élément extérieur à la volonté de l’employeur qui rend nécessaire le licenciement, le fait générateur. Il peut s’agir, conformément à l’article L. 1233-3 précité :
- De difficultés économiques ;
- De mutations technologiques ;
- D’une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité ;
- De la cessation de l’activité de l’entreprise.
L’élément matériel, lui, réside dans les conséquences de l’élément causal sur l’emploi du salarié licencié. Il peut s’agir, soit :
- D’une suppression de l’emploi occupé par le salarié ;
- D’une modification nécessaire de l’emploi qui serait refusée par le salarié.
I- L’ELEMENT CAUSAL DU MOTIF ECONOMIQUE : LE FAIT GENERATEUR
A- Typologie des faits générateurs pouvant être invoqués par l’employeur
La liste de faits générateurs proposée par l’article L. 1233-3 du code du travail n’a théoriquement pas de caractère limitatif. Il est néanmoins conseillé de rattacher le licenciement économique à l’un au moins des motifs suivants.
a. Les difficultés économiques existantes
L’article L. 1233-3 du code du travail dispose que la suppression ou la modification d’emploi est justifié lorsqu’elle est la conséquence de difficultés économiques rencontrées par l’entreprise.
Le législateur, dans un souci de sécurisation des décisions de licenciement économique, a donné un certain nombre de précisions concernant la définition des difficultés économiques suffisantes.
Les difficultés économiques sont notamment caractérisées en cas d’évolution significative d'au moins un indicateur économique tel que :
- Une baisse des commandes,
- Une baisse du chiffre d'affaires,
- Des pertes d'exploitation,
- Une dégradation de la trésorerie,
- Une dégradation de l'excédent brut d'exploitation.
Cette liste n’est toutefois pas limitative, l’employeur est donc libre de s’appuyer sur d’autres indicateurs pour établir les difficultés économiques qu’il rencontre.
Concernant la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, le texte précise qu’elles ont un caractère significatif dès lors qu’elles sont constatées sur une période dont la durée est définie en fonction de la taille de l’entreprise.
À titre d’exemple, une baisse du chiffre d’affaires sur une période de trois trimestres consécutifs sera, a priori, jugée significative dans une entreprise de de moins de 300 salariés, mais pas dans une entreprise de plus de 300 salariés.
Attention toutefois, une partie des commentateurs de ce texte considère que le juge conserve le pouvoir d’apprécier le caractère suffisant des difficultés économiques, même en présence d’une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires sur la période définie par le texte.
b. Les difficultés économiques prévisibles : la nécessité de sauvegarder la compétitivité
L’employeur est également fondé à précéder à une suppression ou une modification d’emploi, en l’absence de difficultés économiques actuelles, lorsqu’il est confronté à la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise.
Le juge est néanmoins tenu de vérifier que la mesure envisagée est rendue nécessaire par l’existence d’une menace pesant sur la compétitivité de l’entreprise (Cass. soc., 11 janv. 2006, n° 04-46.201 et n° 05-40.977).
Cela signifie concrètement que la situation économique de l’entreprise est la suivante :
- Elle ne fait pas nécessairement face à des difficultés économiques au moment où le licenciement est envisagé ;
- Il est prévisible qu’elle sera confrontée à des difficultés économiques en l’absence de réorganisation.
Le motif de la sauvegarde de la compétitivité est donc complémentaire de celui relatif aux difficultés économiques, dans la mesure où il permet à l’employeur de faire preuve d’anticipation.
Attention néanmoins, le licenciement décidé en l’absence de menace réelle sur la compétitivité, motivé exclusivement par des considérations liées à la rentabilité, est jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 1er déc. 1999, n° 98-42.746).
c. Les mutations technologiques
En l’absence de difficultés économiques, l’employeur confronté à la nécessité de réorganiser son entreprise en raison de mutations technologiques est fondé à procéder à des suppressions ou des modifications d’emploi.
L’existence de mutations technologiques est caractérisée notamment en cas d'introduction d'une nouvelle technologie (Cass. soc., 15 mars 1994, no 92-43.612 ; Cass. soc., 2 mars 1993, no 90-44.956). L’existence d’une menace sur la compétitivité n’est alors pas exigée (Cass. soc., 9 oct. 2002, no 00-44.069).
Attention toutefois, le juge opère un contrôle de l’importance de la mutation technologique en jeu. Il a ainsi été jugé qu’un simple changement de logiciel était insuffisant (Cass. soc., 13 mai 2003, no 00-46.766).
d. La cession totale de l’activité de l’entreprise
La cessation de l’activité de l’entreprise est également un motif économique de licenciement pouvant être prononcé en l’absence de difficultés économiques.
Cette cessation d’activité doit être totale et définitive.
Il ne doit pas s’agir :
- D’une cessation partielle d’activité (Cass. Soc., 23 mars 2017, no 15-21-.183), une simple fermeture d’établissement est insuffisante ;
- Ni d’une fermeture temporaire (Cass. Soc., 15 oct. 2002, D. 2002, IR 2914) ; en cas de fermeture temporaire de l’entreprise, il peut être envisagé de recourir au régime de l’activité partielle.
B- L’appréciation de l’élément causal
L’appréciation faite de la légitimité de la cause du licenciement dépend encore de deux facteurs : le périmètre d’appréciation du motif économique, et l’éventuelle responsabilité de l’employeur dans la survenance de la cause du licenciement.
a. Le périmètre d’appréciation du motif économique
Le motif tenant à la cessation de l’activité de l’entreprise s’apprécie, comme son nom l’indique, au niveau de l’entreprise qui emploie les salariés.
Le cadre d’appréciation des autres motifs économiques de licenciement dépend de l’appartenance ou de la non-appartenance de l’employeur à un groupe d’entreprises.
Lorsque l’employeur ne fait pas partie d’un groupe, la réalité du motif économique invoqué s’apprécie à l’échelle de l’entreprise. Cela signifie par exemple que des difficultés rencontrées par un établissement de l’entreprise, si elles sont compensées à l’échelle de l’entreprise par la situation des autres établissements, ne peuvent suffire à justifier une suppression ou une modification d’emploi.
Lorsque l’employeur fait partie d’un groupe, la réalité du motif économique invoqué s’apprécie au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national. Trois conditions cumulatives doivent donc être remplies pour qu’une entreprise soit associée avec l’employeur pour l’appréciation du motif économique :
- Elle appartient au même groupe ;
- Elle appartient au même secteur d’activité ;
- Elle est établie sur le territoire français.
b. La responsabilité de l’employeur dans la survenance de la cause du licenciement
Le juge peut être amené à tenir compte d’une éventuelle responsabilité de l’employeur dans la dégradation de la situation de l’entreprise rendant nécessaire les mesures envisagées.
C’est notamment le cas lorsque l’employeur a commis une faute ou a fait preuve d’une légèreté blâmable (Cass. soc., 4 nov. 2020, no 18-23.029).
La Cour de cassation se montre toutefois rigoureuse dans la caractérisation de la faute de l’employeur, qu’elle différencie de la simple erreur de gestion (Cass. soc., 14 déc. 2005, no 03-44.380).
II- L’ELEMENT MATERIEL DU MOTIF ECONOMIQUE : LES CONSEQUENCES SUR L’EMPLOI
Une fois le fait générateur établi, un lien de causalité doit encore être établi avec les conséquences sur l’emploi.
A- La suppression du poste
Il s’agit de la conséquence la plus évidente : la situation économique de l’entreprise justifie la suppression d’un ou de plusieurs postes occupés par des salariés.
Cette suppression du poste implique que le salarié licencié ne soit pas remplacé sur son poste de travail.
L’employeur peut néanmoins attribuer les fonctions correspondant au poste supprimé à un salarié dont le poste est maintenu (Soc. 29 janv. 1992, no 90-41.087) ou les répartir entre plusieurs postes existants (Soc. 29 janv. 1992, no 91-42.128).
B- La modification du contrat refusée par le salarié
La situation de l’entreprise peut encore justifier une modification d’un ou plusieurs postes, sans qu’ils soient supprimés. Lorsque cette modification concerne un élément constitutif du contrat de travail, elle ne peut pas être imposée par l’employeur.
On pense notamment à la réorganisation justifiant une modification du lieu de travail.
Dès lors, l’employeur qui justifie d’une cause économique peut proposer la modification qu’il ne peut imposer et, en cas de refus du salarié, procéder à son licenciement pour motif économique.
En matière de licenciement pour motif économique, les obligations de l’employeur ne se limitent toutefois pas au respect de l’obligation de motiver le licenciement. L’employeur est notamment tenu de respecter :
- La procédure de reclassement ;
- L’ordre des licenciements ;
- La procédure de licenciement à l’égard du salarié et, le cas échéant, à l’égard des instances de représentation du personnel et de la Direccte
Pour aller plus loin, retrouvez nos autres articles consacrés au licenciement pour motif économique :
- Une baisse de commande est-elle suffisante pour justifier un licenciement pour motif économique ?
- Et si mon employeur était responsable de mon licenciement économique ?
Toute l’équipe du cabinet Grelin & Associés est à votre écoute pour vos problématiques liées au droit du travail.
GRELIN & ASSOCIÉS
248, Boulevard Raspail 75014 Paris
Tél : 01 42 18 11 11
Mots clés :
droit ; droit du travail ; contrat de travail ; licenciement ; motif économique ; difficultés économiques ; mutations technologiques ; sauvegarde de la compétitivité ; réorganisation ; entreprise ; cessation d'activité ; suppression d'emploi ; modification du contrat ; refus du salarié ; élément causal ; fait générateur ; élément matériel ; indicateur économique ; chiffre d'affaires ; baisse des commandes ; pertes d'exploitation ; trésorerie ; excédent brut d'exploitation ; menace ; compétitivité ; anticipation ; rentabilité ; nouvelle technologie ; cessation partielle ; fermeture temporaire ; périmètre d'appréciation ; groupe ; secteur d'activité ; territoire national ; faute de l'employeur ; légereté blâmable ; erreur de gestion ; suppression d'emploi ; suppression de poste ; remplacement ; poste maintenu ; procédure ; reclassement ; ordre des licenciements ; représentants du personnel ; direccte ; avocat