Me Hubert Kalukanda Mashata

Maître Hubert Kalukanda Mashata est Avocat au Barreau près la Cour d'appel du Haut-Katanga en République Démocratique du Congo, depuis le 21 juin 2018, spécialisé en droit des affaires, droit du sport, droit minier et droit du travail. Il est Avocat associé au sein du prestigieux Cabinet Hubert Dumbi & Associés (HDA), basé à Lubumbashi (Haut-Katanga). Il est également Doctorant en droit à l'Université de Lubumbashi.

A propos du renouvellement de la composition de la Cour constitutionnelle en RD. Congo : Une question qui divise les juristes

Publié le 12/04/2024 Vu 557 fois 0
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Seuls trois juges de la Cour constitutionnelle parmi les neuf ont accompli moins de trois ans et peuvent par conséquent être reconduits pour un nouveau mandat et ce, conformément à l’article 8 de la Loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013.

Seuls trois juges de la Cour constitutionnelle parmi les neuf ont accompli moins de trois ans et peuvent par c

A propos du renouvellement de la composition de la Cour constitutionnelle en RD. Congo : Une question qui divise les juristes

 

I.                   Introduction

Au regard de l’article 158 de la Constitution du 18 février 2006, telle que révisée par la Loi n°11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de la Constitution de la République Démocratique du Congo, combiné à l’article 2 de la Loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle, cette dernière (Cour constitutionnelle) comprend neuf membres nommés par le Président de la République, dont trois sur sa propre initiative, trois désignés par le Parlement réuni en Congrès et trois désignés par le Conseil supérieur de la magistrature.

Les deux tiers des membres de la Cour Constitutionnelle doivent être des juristes provenant de la magistrature, du barreau ou de l’enseignement universitaire.

Le mandat des membres de la Cour constitutionnelle est de neuf ans non renouvelable. La Cour constitutionnelle est renouvelée par tiers tous les trois ans. Toutefois, lors de chaque renouvellement, il sera procédé au tirage au sort d’un membre par groupe.

Le Président de la Cour constitutionnelle est élu par ses pairs pour une durée de trois ans renouvelable une seule fois. Il est investi par ordonnance du Président de la République[1].

Il découle des dispositions sus évoquées que, les juges sont nommés pour un mandat de neuf ans non renouvelable. Une fois nommés, seuls trois juges peuvent effectivement exercer leurs fonctions sur une durée de neuf ans. Les six autres étant remplacés par tiers après chaque trois ans.

En effet, l’article 6 alinéa 1 de la Loi organique précitée confirme l’esprit de l’article 158 de la Constitution en ce qu’il dispose que : « Le mandat des membres de la Cour est de neuf ans. Il n’est pas renouvelable ». L’alinéa 2 du même article clarifie, en outre que, la « Cour est renouvelée par le tiers tous les trois ans. Lors des deux premiers renouvellements, il est procédé au tirage au sort du membre sortant par groupe pour les membres initialement nommés »[2]. Dans le contexte de l’actuelle composition de la Cour constitutionnelle, les juges au lieu du tirage au sort, mais certains le sort les a tirés. 

La première composition de la Cour constitutionnelle de la RDC a été instituée le 04 avril 2015, date marquant la prestation de serment.  

Après décès de certains, des démissions des autres et/ou tirages au sort réalisés pour d’autres encore, la première composition de la Cour a, en principe, achevé sa mission en date du 4 avril 2024 et totalisant ainsi neuf ans d'exercice des fonctions. Examinons le remplacement du juge constitutionnel et la terminaison du mandat.

Ainsi, la principale préoccupation au cœur de cette réflexion consiste à nous interroger sur le remaniement de toute la composition de la cour constitutionnelle ou le renouvellement par tiers de ses juges arrivés à terme du mandat. En d’autres termes, neuf ans après l’installation effective de la Cour constitutionnelle, tous ses juges devront être remplacés ? Quelle est la validité des décisions rendues par l’actuelle composition de la Cour après la date du 04 avril 2024, considérée en principe irrégulière à la date d’expiration du mandat ?

II.                Remplacement des juges de la Cour constitutionnelle et terminaison du mandat

Avant de parler de remplacement du juge constitutionnel, il y a lieu de relever de prime abord des modalités de terminaison du mandat.

Outre, le tirage au sort et l'arrivée à terme, le mandat du juge de la Cour constitutionnelle peut prendre fin dans les circonstances ci-dessous :

-          La démission volontaire ;

-          L'acceptation d'une autre fonction incompatible à la qualité du juge constitutionnel ;

-          Le décès.

Dans tous les cas, il faut pourvoir au remplacement du juge concerné pour achever ou non son mandat conformément à l’article 6 alinéa 2 de la Loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 qui dispose que : « La Cour est renouvelée par le tiers tous les trois ans. Lors des deux premiers renouvellements, il est procédé au tirage au sort du membre sortant par groupe pour les membres initialement nommés ».

Toutefois, l’article 116 de la même Loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle dispose que : « sans préjudice des dispositions de l’article 6 de la présente Loi organique, les membres de la première formation de la Cour, tirés successivement au sort par groupe de trois selon leur autorité de désignation, auront, à titre exceptionnel, respectivement un mandat de trois, six et neuf ans ».

Actuellement, seuls trois juges ont été nommés et, ont prêté serment en date du 15 juin 2022. Ils ont exercé les fonctions pendant moins de trois ans.  Il s’agit de :

1.      Christian YUMA BAHATI ;

2.      Sylvain LUMU MBAYA ;

3.      Dieudonné MANDZA BONDIA.

Il s’ensuit dès lors que ces trois (3) juges ont la possibilité d’être reconduit pour un autre mandat conformément à l’article 8 de la Loi organique sur la Cour constitutionnelle qui dispose que : « Le membre de la Cour nommé en remplacement de celui dont les fonctions ont pris fin avant terme achève le mandat de ce dernier. Il peut être nommé pour un autre mandat s’il a exercé les fonctions de remplacement pendant moins de trois ans ».

Ils viennent de trois composantes de désignation, notamment la Présidence de la République, le Parlement et le Conseil supérieur de la magistrature et ce, conformément à l’article 2 alinéa 1 de la Loi organique sus évoquée.

Les juges venus en remplacement ont achevé le mandat des juges initiaux. Dans d’autres Etats, ils sont appelés « juges suppléants ». Ils ont la latitude juridique de poursuivre l'exercice de leurs fonctions sur une période ne dépassant pas neuf ans. Car le mandat de neuf ans non renouvelable relève d'une limitation impérative de la Constitution de la RDC[3].

Il sied de signaler que, les trois juges précités n'ayant pas exercé leurs fonctions pendant plus de trois ans, ne sont pas susceptibles d’un tirage au sort ou susceptibles d'une nouvelle désignation par leurs institutions d’émanation, d’autant plus que le lien entre eux et leurs institutions d'origine ayant été rompu depuis leur nomination initiale définitive et leur prestation de serment en 2022.

C'est dans cette perspective qu’il y a lieu de parler carrément d’une  « nomination-actualisation »[4] et non d'une nouvelle « désignation » par leurs institutions d'origine comme envisagée par certains juristes. La désignation étant l'étape de sélection de départ appliquée aux candidats juges[5].

Il sied de constater que le renouvellement tertiaire a été conçu comme mécanisme d'aération permettant d'assurer le transfert d'expériences, de continuité et d'acquis aux nouveaux juges entrant après chaque trois ans.

La désignation des juges formulée aux articles 158 de la Constitution de la RDC et 2 de la Loi organique, et la nomination qui s'en suit ne sont pas des termes synonymes en Droit public. En général, la désignation précède la nomination. L'autorité de désignation n'est pas forcément celle de nomination.

Ainsi dans le contexte juridique de la Cour constitutionnelle congolaise, la désignation est une proposition-conforme à la nomination. En ce sens, il devient logique de parler de la simple nomination (actualisation) pour les autres juges n'ayant pas effectivement exercé pendant moins de trois à la Cour. Le leitmotiv consiste à préserver la permanence de l'institution par un transfert progressif d'expériences entre les entrants de la nouvelle composition et les restants de la précédente composition de la Cour.

L'indépendance de la Cour constitutionnelle tient à l'étendue de la protection juridique du statut du juge constitutionnel. La mainmise du pouvoir politique dans le renouvellement des juges constitutionnels participe à la précarisation juridique du statut du juge constitutionnel, qui, en permanence dans l'exercice de ses fonctions, doit avoir pour cadre de référence la Constitution et son plan personnel de carrière soumis aux aléas de la vie politique. Le juge constitutionnel devrait être au-dessus des soubresauts politiques.

III.             Que conclure ?

En définitive, l’article 7 de la Loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle est explicite en ce qu’il dispose que : « Il est pourvu au remplacement de tous membres de la Cour un mois au plus tôt ou une semaine au plus tard avant l’expiration du mandat dans les conditions prévues aux articles 2 à 6 de la présente Loi organique ».

Le contexte de la Cour constitutionnelle de la RDC est, et demeure complexe, car tous les neufs juges ont accompli neuf ans et doivent être libérés.

Cependant, trois juges d’entre eux ont accompli moins de trois ans et peuvent par conséquent être reconduits pour un nouveau mandat et ce, conformément à l’article 8 de la Loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle qui dispose que : « Le membre de la Cour nommé en remplacement de celui dont les fonctions ont pris fin avant terme achève le mandat de ce dernier. Il peut être nommé pour un autre mandat s’il a exercé les fonctions de remplacement pendant moins de trois ans ».

Toutefois, il y a de cas des juges issus de ce que certains auteurs qualifient de « faux ou tirages au sort putatifs » de 2018 avec deux juges qui avaient démissionné et un qui était décédé. Puis en 2020, les nominations de deux juges et affectations de deux anciens vers d’autres juridictions créant ainsi le cas d’incompatibilité. A cela s’ajoute le tirage au sort raté de 2021 qui avait eu lieu en 2022.

Toutes ces situations influent sur le calcul du nombre d’années de chaque juge. Et sans oublier le dépassement de la date du 04 avril 2024 qui rend la composition actuelle de la cour constitutionnelle  « irrégulière ».

Ainsi, le défaut et/ou le retard de l’installation définitive des deux chambres du parlement de la nouvelle législature nous semble largement contribuer à ce vide institutionnel qui permet au Président de la République de nommer les nouveaux juges. A cet effet, il est prudent de mettre en place urgemment toutes les institutions, notamment le Parlement pour permettre au Président de la République de prendre une ordonnance unique dans laquelle il nomme six nouveaux juges et confirme ou actualise les 3 autres juges, car ayant exercé les fonctions pendant moins de trois ans.



[1] Article 158 de la Constitution de la République Démocratique du Congo, telle que révisée par la Loi n°11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006

[2] Alinéa 2 de l’article 2 de la Loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle

[3] Clément LOKANDJA TOKENGE, le mandat du juge constitutionnel à l'épreuve du renouvellement tertiaire, En ligne.

[4] Article 8 in fine de la Loi organique sur la Cour constitutionnelle.

[5] Clément LOKANDJA TOKENGE, préc., note 3, En ligne

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Maître Hubert Kalukanda Mashata est Avocat au Barreau près la Cour d'appel du Haut-Katanga, spécialisé en droit des affaires et Consultant en Droit minier, Droit de sport et Droit commercial général.

Il est Écrivain et Défenseur des droits humains (droits économiques, sociaux...).

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