DES AFFAIRES CRIMINELLES ET DES GRACES
SOUS-DIRECTION DE LA JUSTICE PÉNALE GÉNÉRALE
Bureau de la législation pénale générale
Le 7 août 2012 Date d’application : immédiate
Mesdames et Messieurs les Procureurs Généraux près les Cours d’Appel et le Procureur de la République près le Tribunal Supérieur d’Appel Mesdames et Messieurs les Procureurs de la République
POUR INFORMATION
Mesdames et Messieurs les Premiers Présidents des Cours d’Appel
et le Président du Tribunal Supérieur d’Appel
Mesdames et Messieurs les Présidents des Tribunaux de Grande Instance
N° Nor :
N° Circulaire : CRIM 2012 -15 / E8 - 07.08.2012
JUS D 1231944 C
Référence : Titre :
Textes : Mots clefs : Publication :
S.D.J.P.G. 12 L 79 C
Présentation des dispositions de droit pénal et de procédure pénale de la loi n° 2012- 954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel
Art. 222-33, 222-33-2, 225-1, 225-1-1, 225-2 et 432-7 du code pénal ; art. 2-2 et 2-6 du code de procédure pénale ; art. 24, 32, 33 et 48-4 de la loi du 29 juillet 1881
Association ; discrimination ; harcèlement sexuel ; harcèlement moral ; orientation ou identité sexuelle ; victimes
La présente circulaire sera publiée au Bulletin Officiel et sur l’Intranet justice. Modalités de diffusion (pour les magistrats)
LA GARDE DES SCEAUX MINISTRE DE LA JUSTICE
à
POUR ATTRIBUTION
Diffusion directe aux PROCUREURS GENERAUX, et, par l’intermédiaire de ces derniers, aux PROCUREURS DE LA REPUBLIQUE |
Diffusion directe aux PREMIERS PRESIDENTS, et, par l’intermédiaire de ces derniers, aux MAGISTRATS DU SIEGE |
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Plan de la circulaire I. Rétablissement du délit de harcèlement sexuel
1.1. Nouvelle définition du délit de harcèlement sexuel
1.1.1. Harcèlement sexuel exigeant des actes répétés
1.1.2. Harcèlement sexuel résultant de la commission d’un acte unique
a) Présentation de l’incrimination
* Pression grave
* Finalité des pressions
b) Nécessité de ne pas qualifier des viols ou des agressions sexuelles en harcèlement sexuel
1.2. Répression du délit de harcèlement sexuel
1.2.1. Répression de l’infraction principale 1.2.2. Circonstances aggravantes
II. Répression des discriminations faisant suite à du harcèlement sexuel
2.1. Discrimination prévues par le code pénal
2.1.1. Présentation générale des nouvelles dispositions 2.1.2. Application des nouvelles dispositions.
2.2. Discriminations prévues par le code du travail
III. Modifications concernant la répression du harcèlement moral et des discriminations commises en raison de l’identité sexuelle de la victime
3.1. Aggravation des peines du harcèlement moral
3.2. Consécration législative de la répression des discriminations et aux autres infractions commises en raison de l’identité sexuelle de la victime
IV. Renforcement de la prise en compte des droits des victimes de harcèlement sexuel 4.1. Droits des associations de défense des victimes
4.2. Indemnisation par le fonds de garantie
4.3. Interdiction de publier l’identité des victimes dans les médias
4.4. Droit des victimes et application dans le temps des nouvelles dispositions
4.4.1. Non rétroactivité des dispositions nouvelles
4.4.2. Situation des personnes victimes de faits commis avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi a) Rappel de la nécessité d’examiner la possibilité de requalification
b) Affaires ayant donné lieu à enquête ou à instruction et ne pouvant faire l’objet d’une requalification c) Disposition de droit transitoire permettant aux juridictions correctionnelles déjà saisies d’allouer des dommages et intérêts sur le fondement du code civil
Annexe : Tableau présentant de façon synthétique les nouvelles dispositions
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La loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel, adoptée à l’unanimité par le Parlement, a été publiée au Journal Officiel du 7 août 2012. Elle a pour objectif principal de rétablir dans le code pénal l’incrimination de harcèlement sexuel prévue par l’article 222-33 de ce code, qui avait été abrogée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012 en raison de l’imprécision de sa rédaction qui résultait de la loi du 17 janvier 2002, et de tirer toutes les conséquences législatives de ce rétablissement.
Elle modifie à cette fin plusieurs codes et lois, dont le code pénal, le code de procédure pénale et le code du travail ainsi que la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
Les nouvelles dispositions donnent une définition plus précise mais également plus large que par le passé du délit de harcèlement sexuel, afin de recouvrir l’ensemble des situations dans lesquelles des personnes peuvent faire l’objet de ce type d’agissements, qui portent atteinte de façon inadmissible à la dignité de la personne humaine, et dont les femmes sont le plus souvent les victimes.
Elles aggravent les peines maximales encourues, afin que celles-ci soient à la hauteur de la gravité de ces faits et en cohérence avec celles prévues pour les autres infractions sexuelles.
Elles prévoient également une répression spécifique et élargie des discriminations qui peuvent être commises à l’encontre des victimes de harcèlement sexuel.
La présente circulaire a pour objet de présenter et de commenter les principales modifications de droit pénal et de procédure pénale résultant de la nouvelle loi, et de définir les orientations générales de politique pénale que les magistrats du parquet devront mettre en œuvre dans l’application des nouvelles dispositions, notamment en ce qui concerne les victimes de ces infractions. Figure en annexe un tableau synthétique des nouvelles incriminations.
Pour mieux apprécier le sens et la portée des nouvelles dispositions, les juridictions pourront, si elles l’estiment nécessaire, se reporter aux travaux parlementaires1 qui comportent de très nombreuses et utiles précisions en la matière, dont les plus importantes ont du reste été reprises dans la présente circulaire.
Ces nouvelles dispositions sont applicables sur l’ensemble du territoire de la République.
I. Rétablissement du délit de harcèlement sexuel
L’article 1er de la loi a rétabli l’article 222-33 du code pénal dans une nouvelle rédaction.
1.1. Nouvelle définition du délit de harcèlement sexuel
Les I et II de l’article 222-33 donnent une double définition du harcèlement sexuel, selon qu’il s’agit de faits répétés, ou d’un acte unique qui est assimilé au harcèlement sexuel.
1 En particulier le rapport n° 619 du 27 juin 2012 de la Commission des lois du Sénat fait par M. Anziani, et le rapport n° 86 du 18 juillet 2012 de la Commission des lois de l’Assemblée nationale fait par Mme Crozon.
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Il convient d’observer que cette nouvelle définition a été reprise par les articles 7 et 8 de la loi à la fois dans le code du travail (infra, 2.2) et dans l’article 6 ter de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, afin d’affirmer de façon expresse le principe de l’interdiction du harcèlement sexuel (et des discriminations pouvant en résulter) à l’encontre des salariés et des agents publics. Les dispositions de l’article 222-33 ont en tout état de cause une portée générale et s’appliquent dans tous les milieux, notamment les milieux sportifs ou éducatifs : c’est du reste pour cette raison que le Parlement a estimé qu’il n’était pas nécessaire de rappeler l’interdiction du harcèlement sexuel dans le code du sport ou dans le code de l’éducation.
1.1.1. Harcèlement sexuel exigeant des actes répétés
Le I de l’article 222-33 dispose que le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
Tout en étant mieux structurée et plus précise, cette nouvelle définition s’inspire en partie de la définition du harcèlement sexuel figurant dans plusieurs directives européennes (2002/73/CE du 23 septembre 2002, 2004/113/CE du 13 décembre 2004 et 2006/54/CE du 5 juillet 2006).
Le délit suppose tout d’abord des comportements de toute nature (propos, gestes, envois ou remises de courriers ou d’objets, attitudes..) qui sont imposés à la victime, qui sont répétés et qui présentent une connotation sexuelle.
Le non consentement de la victime est ainsi un des éléments constitutifs du délit, qui suppose des actes imposés par leur auteur, et donc subis et non désirés par la victime. La loi n’exige toutefois nullement que la victime ait fait connaître de façon expresse et explicite à l’auteur des faits qu’elle n’était pas consentante (ce qui pourrait par exemple résulter d’une demande formulée par écrit ou devant témoins de mettre un terme aux agissements).
En effet, cette absence de consentement, dès lors qu’elle n’est pas équivoque, pourra résulter du contexte dans lesquels les faits ont été commis, un faisceau d’indices pouvant ainsi conduire le juge à retenir une situation objective d’absence de consentement (par exemple un silence permanent face aux agissements, ou une demande d’intervention adressée à des collègues ou à un supérieur hiérarchique). Il convient d’observer que le verbe imposer utilisé dans la définition du délit de harcèlement sexuel est également utilisé dans la définition de l’exhibition sexuelle.
La condition de répétition des actes, inhérente à la notion même de harcèlement, et qui existe dans d’autres délits comme les menaces, exige simplement que les faits aient été commis à au moins deux reprises. Elle n’impose pas qu’un délai minimum sépare les actes commis, ces actes pouvant être répétés dans un très court laps de temps.
Il suffit que les comportements revêtent une connotation sexuelle, ce qui n’exige donc pas qu’ils présentent un caractère explicitement et directement sexuel.
Pour être punissables, ces comportements doivent soit porter atteinte à la dignité de la victime en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créer à l’encontre de la victime une situation intimidante, hostile ou offensante.
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La première hypothèse recouvre les propos ou comportements ouvertement sexistes, grivois, obscènes, tels que des paroles ou écrits répétés constituant des provocations, injures ou diffamations, même non publiques, commises en raison du sexe ou de l’orientation ou de l’identité2 sexuelle de la victime. Il peut évidemment s’agir de comportements homophobes ou dirigés contre des personnes transsexuelles ou transgenres.
La seconde hypothèse correspond aux cas dans lesquels, même si le comportement ne porte pas en lui-même atteinte à la dignité, il a pour conséquence de rendre insupportable les conditions de vie, de travail ou d’hébergement, de la victime. Ce peut être par exemple le cas lorsqu’une personne importune quotidiennement son ou sa collègue, en lui adressant sans cesse à cette fin des messages ou des objets à connotation sexuelle, alors que ce dernier ou cette dernière lui a demandé de cesser ce comportement.
1.1.2. Harcèlement sexuel résultant de la commission d’un acte unique
a) Présentation de l’incrimination
Le II de l’article 222-33 dispose qu’est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.
La définition de ces faits est très directement inspirée de la définition originelle du harcèlement sexuel qui figurait dans le nouveau code pénal et qui a été pour partie revue par la loi du 17 juin 1998.
Toutefois, il est expressément indiqué dans cette nouvelle définition qu’un acte unique suffit à caractériser l’infraction, alors que l’ancienne définition, qui utilisait le verbe harceler, paraissait impliquer la répétition des actes.
Le délit prévu par le II de l’article 222-33 permet ainsi d’atteindre les objectifs exprimés par le législateur et le Gouvernement lors des débats sur le nouveau code pénal intervenus en 1991, qui étaient de réprimer des faits de harcèlement sexuel, soit parce qu’il s’agissait de faits répétés, soit parce qu’il s’agissait d’un acte unique mais présentant une particulière gravité.
Cette particulière gravité, telle que retenue par le II de l’article 222-33, résulte du fait qu’est exigée une pression grave commise contre la victime et présentant une finalité de nature sexuelle. Ces faits ont été qualifiés à plusieurs reprises lors des travaux parlementaires de « chantage sexuel » en raison du caractère expressif et imagé de cette expression3.
Des précisions peuvent être apportées sur la notion de pression grave et sur la finalité de ces pressions.
2 Sur les termes « identité sexuelle », voir infra 3.2.
3 Il doit être souligné qu’une même personne pourra évidemment commettre à la fois, à l’égard de la même victime, mais par des actes distincts, les faits de harcèlement définis au I de l’article 222-33, et ceux assimilés au harcèlement définis au II de cet article. La prévention devra alors viser les deux qualifications, qui font l’objet de numéros Natinf différents. En cas de cumul idéal entre les deux délits – les mêmes actes, répétés, constituant des pressions à finalité sexuelle et portant atteinte à la dignité ou créant une situation hostile – il est possible de retenir l’une ou l’autre des deux qualifications, mais il paraît souhaitable de retenir celle prévue par le II.
* Pression grave
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La notion de pression grave recouvre en pratique des hypothèses très variées, dans lesquelles une personne tente d’imposer un acte de nature sexuelle à la victime en contrepartie :
- Soit d’un avantage recherché par cette dernière, comme l’obtention d’un emploi, l’obtention d’une augmentation, l’obtention d’un contrat de bail, la réussite à un examen...
- Soit de l’assurance qu’elle évitera une situation particulièrement dommageable, telle qu’un licenciement ou une mutation dans un emploi non désiré, une augmentation significative du montant d’un loyer payé au noir, un redoublement lors des études....
Toutes ces contreparties constituent ainsi des pressions dont le caractère de gravité s’appréciera au regard du contexte, et plus précisément des relations existant entre le harceleur et sa victime, de la situation dans laquelle se trouve cette dernière, et de sa capacité plus ou moins grande à résister à la pression dont elle est l’objet.
Comme indiqué précédemment, cette pression peut être constituée par un acte unique et n’a pas besoin d’être répétée. A notamment été évoquée à plusieurs reprises lors des travaux parlementaires l’hypothèse de la personne qui fait l’objet d’une telle pression à l’occasion d’un unique entretien d’embauche, ou lors d’une visite d’un appartement mis en location4.
* Finalité de la pression
La pression doit être exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.
L’acte de nature sexuelle qui est, au moins de façon apparente, recherché, peut être très divers. Il correspond en pratique à la notion de faveurs sexuelles qui figurait dans l’ancienne définition, mais qu’il n’a pas paru opportun de conserver en raison de son caractère peu respectueux pour la victime. Il n’est notamment pas exigé que soit recherchée une relation sexuelle. Il peut s’agir de tout acte de nature sexuelle, notamment les simples contacts physiques destinés à assouvir un fantasme d’ordre sexuel, voire à accentuer ou provoquer le désir sexuel.
Il est précisé que la finalité peut être réelle ou apparente afin de ne pas exiger la démonstration d’un dol spécial chez l’auteur des faits, parfois délicat à caractériser.
Cela permet de sanctionner les personnes qui agissent sans avoir vraiment l’intention d’obtenir un acte sexuel, par exemple par jeu ou dans le seul but d’humilier la victime, ou afin d’obtenir sa démission, dès lors que, de façon objective et apparente, les pressions ne pouvaient que donner l’impression à la victime comme aux tiers qui ont pu en être les témoins, qu’un acte de nature sexuel était recherché.
Enfin, il n’est pas nécessaire que l’acte soit recherché au profit de l’auteur du harcèlement, dans la mesure où il peut l’être au profit d’un tiers (une telle précision figurait auparavant dans l’article L. 1153-1 du code du travail).
4 Bien évidemment, le délit prévu par le II sera également constitué lorsque les pressions auront été commises à plusieurs reprises, ce qui sera sans doute fréquent en pratique, notamment s’agissant de pressions commises par un employeur sur une personne qui est déjà salariée dans l’entreprise.
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b) Nécessité de ne pas qualifier des viols ou des agressions sexuelles en harcèlement sexuel
Au cours des débats parlementaires, il a été observé que, par le passé, des faits constituant des infractions sexuelles plus graves, et notamment des agressions sexuelles ou des tentatives d’agression sexuelle, avaient pu être poursuivis sous la qualification de harcèlement sexuel.
De telles pratiques ne sont évidemment pas satisfaisantes, et les magistrats du ministère public devront veiller à toujours retenir la qualification la plus haute dès lors que les éléments constitutifs de cette qualification seront réunis.
En particulier, si l’auteur des faits a effectivement obtenu, sous la contrainte ou la menace, un contact physique à connotation sexuelle avec la victime, la qualification d’agression sexuelle ou de tentative d’agression sexuelle devra en principe être retenue.
C’est du reste pour prévenir le recours à la qualification de harcèlement dans des cas d’agressions sexuelles que la définition du délit assimilé au harcèlement sexuel utilise uniquement l’expression de pressions graves, et n’emploie plus, comme c’était le cas dans la définition du délit jusqu’à la loi du 17 janvier 2002, les termes de menace ou de contrainte qui, en application de l’article 222-22 du code pénal, caractérisent le viol ou les agressions sexuelles.
1.2. Répression du délit de harcèlement sexuel
Les peines principales d’emprisonnement et d’amende en matière de harcèlement sexuel sont prévues par le III de l’article 222-33.
Il convient de rappeler que les peines complémentaires qui étaient auparavant prévues demeurent encourues en application des dispositions inchangées du code pénal.
Il s’agit des peines prévues par l’article 222-44 du code pénal, peines qui s’appliquent à tous les délits prévus par le chapitre II sur les atteintes à l’intégrité physique et psychique de la personne (interdiction de porter une arme, suspension et annulation du permis de conduire, confiscation du véhicule ou des armes ou d’un animal) ainsi que des peines de l’article 222-45 (interdiction des droits civiques, civils et de famille, interdiction d’exercer une fonction publique ou une activité en lien avec des mineurs, obligation d’accomplir un stage de citoyenneté ou de responsabilité parentale) et, depuis 2010, de la peine d’affichage et de diffusion de la décision (art. 222-50-1).
Les magistrats du ministère public ne devront pas hésiter à requérir le prononcé de ces peines à chaque fois qu’elles paraîtront opportunes.
1.2.1. Répression de l’infraction principale
Le harcèlement sexuel et les faits assimilés au harcèlement sexuel sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.
Ces peines ont été doublées par rapport à celles qui étaient auparavant prévues.
Elles permettent une répression de ces faits à la hauteur de leur gravité, et en cohérence avec l’échelle des peines prévues pour les autres infractions sexuelles.
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1.2.2. Circonstances aggravantes
Cinq circonstances aggravantes, dont quatre existent déjà pour de nombreuses autres infractions, ont été instituées par le législateur. Ces circonstances aggravantes portent les peines à trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende.
Ces aggravations sont prévues lorsque les faits sont commis :
1° Par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ; 2° Sur un mineur de quinze ans ;
3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;
4° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de l’auteur ;
5° Par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice.
Il convient de souligner que l’abus d’autorité qui, jusqu’en 2002, caractérisait un des éléments constitutifs du délit de harcèlement, est désormais une circonstance aggravante.
La circonstance de vulnérabilité économique prévue par le 4° constitue une innovation, même si cette notion est pour partie déjà connue de notre droit, en tant qu’élément constitutif des délits de conditions de travail ou d’hébergement contraire à la dignité de la personne prévus par les articles 225-13 et 225-14 du code pénal. Elle a en effet paru particulièrement opportune en matière de harcèlement sexuel, souvent commis contre des personnes particulièrement fragiles en raison de leur situation économique et sociale, et qui ne sont pas en mesure de s’opposer aux comportements de leur harceleur, comme par exemple des jeunes femmes élevant seules leurs enfants à la suite d’une rupture conjugale et disposant de très faibles revenus.
La circonstance aggravante de minorité ne concerne que les mineurs de quinze ans, comme c’est déjà le cas pour les infractions prévues par le chapitre II du titre II du livre II du code pénal, et notamment le viol et les agressions sexuelles.
Toutefois, lorsque le harcèlement sexuel sera commis dans le cadre du travail contre un mineur de quinze à dix-huit ans, il convient de remarquer qu’il s’agira le plus souvent d’un apprenti, d’une personne en alternance ou en formation, et la circonstance aggravante d’abus d’autorité pourra fréquemment être retenue. En effet, les autres salariés de l’entreprise ont, du fait de la situation de la victime qui se trouve en état de subordination hiérarchique, des fonctions d’autorité à son égard. Dans ces hypothèses, le ministère public devra systématiquement retenir cette circonstance aggravante. Si tel n’est pas le cas (notamment si les faits sont commis par un autre apprenti), le ministère public ne devra pas hésiter dans ses réquisitions à prendre en compte la minorité de la victime et à faire preuve de la sévérité que justifie la gravité de ces faits.
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II. Répression des discriminations faisant suite à du harcèlement sexuel
Un des principaux apports de la nouvelle loi est de sanctionner de façon spécifique les discriminations résultant des faits de harcèlement sexuel. Ces faits n’étaient à l’origine réprimés, par les dispositions du code du travail antérieures à la recodification de ce code résultant de l’ordonnance du 12 mars 2007, que lorsqu’il s’agissait de discriminations commises dans le cadre des relations de travail. La recodification de ce code, tout en maintenant la prohibition de ces discriminations, avait cependant involontairement supprimé les pénalités encourues.
Tout en rétablissant ces pénalités dans le code du travail, la loi complète également les dispositions du code pénal relatives aux discriminations, afin de réprimer de façon générale les discriminations faisant suite à du harcèlement sexuel, même hors le cadre des relations du travail.
2.1. Discriminations prévues par le code pénal
2.1.1. Présentation générale des nouvelles dispositions
L’article 3 de la loi a inséré, après l’article 225-1 du code pénal qui énumère les motifs de discriminations interdits, un nouvel article 225-1-1 prohibant les discriminations résultant d’un harcèlement sexuel.
Cet article dispose que constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes parce qu’elles ont subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis à l’article 222-33 du code pénal ou témoigné sur de tels faits, y compris, dans le cas mentionné au I du même article, si les propos ou comportements n’ont pas été répétés.
Les actes discriminatoires sanctionnés sont ceux commis par des particuliers ou des agents publics prévus par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal, qui ont été modifiés pour faire également référence au nouvel article 225-1-1.
En ce qui concerne les actes commis par des particuliers, il s’agit des discriminations consistant :
- A refuser la fourniture d'un bien ou d'un service, comme par exemple la location d’un logement ou l’entrée dans une discothèque ;
- A entraver l'exercice normal d'une activité économique quelconque ;
- A refuser d'embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne ;
- A subordonner la fourniture d'un bien ou d'un service à une condition fondée sur l'un des éléments prévus au nouvel article 225-1-1 ;
- A subordonner une offre d'emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise à une condition fondée sur l'un des éléments prévus au nouvel article 225-1-1 ;
- A refuser d'accepter une personne à l'un des stages visés par le 2° de l'article L. 412-8 du code de la sécurité sociale.
Ces faits sont punis de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende, et lorsque la discrimination consiste dans le refus d’un bien ou d’un service commis dans un lieu accueillant du public ou aux fins d'en interdire l'accès, de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.
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En ce qui concerne les actes commis par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, il s’agit des discriminations consistant :
- A refuser le bénéfice d'un droit accordé par la loi, comme par exemple l’octroi d’une prestation sociale ;
- A entraver l'exercice normal d'une activité économique quelconque.
Ces faits sont alors punis de cinq ans d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende.
2.1.2. Application des nouvelles dispositions.
Il convient de souligner que la discrimination prévue par l’article 225-1-1 concerne à la fois :
- Les personnes qui ont été elles-mêmes les victimes de harcèlement sexuel, qu’elles aient subi ou refusé de subir ces faits.
- Les personnes qui, sans être les victimes de harcèlement, ont témoigné sur ces faits. La protection des témoins en matière de harcèlement sexuel, qui figurait déjà dans le code du travail, a paru devoir être généralisée à tous les cas de discriminations faisant suite à du harcèlement sexuel, en raison de l’importance que revêtent les témoignages dans ce type de procédures.
Il convient également de souligner que les discriminations faisant suite à un harcèlement sexuel seront constituées même si les faits de harcèlement n’ont pas été répétés, non seulement s’il s’agit d’une pression grave prévue au II de l’article 222-33, constituée par un acte unique, mais également s’il s’agit de propos ou comportements prévus par le I de cet article.
La discrimination sera par exemple constituée si une personne, qui a fait l’objet de la part de son employeur d’un propos à connotation sexuelle portant atteinte à sa dignité, même non répété, est licenciée pour avoir protesté à la suite de ce comportement sexiste.
Il convient ainsi de bien distinguer le délit de discrimination de celui de harcèlement sexuel, le délit de discrimination ne supposant pas nécessairement la commission préalable d’un délit de harcèlement sexuel.
Trois situations seront ainsi susceptibles de se présenter en pratique :
- Une personne a été victime du délit de discrimination, sans que le délit de harcèlement ait été commis, comme dans l’exemple précité.
- Une personne a été victime d’un délit de harcèlement sans que celui-ci soit suivi d’une discrimination (par exemple une personne est harcelée par un collègue de travail, sans que ces faits aient une conséquence sur sa carrière).
- Une personne a été victime du délit de harcèlement, puis d’une discrimination suite à ce délit (par exemple une personne est harcelée par son employeur avant d’être licenciée pour cette raison) : il conviendra dans un tel cas que le ministère public poursuive les deux infractions, puisque ces délits distincts sont l’un et l’autre constitués.
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2.2. Discriminations prévues par le code du travail
L’article 7 de la loi apporte plusieurs modifications au code du travail en matière pénale.
Ces modifications ont pour premier objet de rappeler le principe de l’interdiction du harcèlement sexuel à l’encontre des salariés, en reprenant la définition du code pénal (art. L. 1153-1).
A la différence de ce qui résultait des anciens textes, le harcèlement sexuel à l’égard d’un salarié n’est plus sanctionné par le code du travail, puisque la sanction est prévue par le code pénal. L’article L. 1155-2 du code, prévoyant les sanctions pénales, ne fait ainsi plus référence à l’article L. 1153-1 (ni même à l’article L. 1152-1 sur le harcèlement moral, dont la répression par le code du travail faisait aussi doublon avec le code pénal).
L’article L. 8112-2 du code du travail a en outre été complété pour permettre aux inspecteurs du travail la constatation des délits de harcèlement sexuel ou moral prévus par les articles 222-33 et 222-33-2 du code pénal dans leur nouvelle rédaction issue de la loi.
Ces modifications permettent par ailleurs de sanctionner à nouveau de façon spécifique, en application des dispositions de l’article L. 1155-2 qui ont été réécrites à cette fin, les discriminations intervenant dans le cadre du travail à la suite d’un harcèlement sexuel.
Sont protégés à la fois, en application de l’article L. 1153-2, le salarié qui a été victime du harcèlement et, en application de l’article L. 1153-3, celui qui a témoigné sur ces faits.
Les discriminations commises à la suite d’un harcèlement moral sont de même sanctionnées.
Les peines prévues par l’article L. 1155-2 sont un an d’emprisonnement et 3750 euros d’amende, comme c’était le cas avant la recodification de 2007.
De la même façon que ce qui est désormais prévu par le code pénal, la discrimination est punissable même si elle fait suite à un acte unique de harcèlement.
Il convient de préciser que les comportements discriminatoires dans les relations de travail sont précisées par l’article L. 1153-2 qui interdit que le salarié soit sanctionné, licencié ou qu’il fasse l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat.
Les plus graves de ces discriminations sont déjà réprimées par les articles 225-1-1 et 225-2 du code pénal : il s’agit du licenciement ou de la sanction de la personne. Dans ces hypothèses, c’est évidemment la qualification la plus sévèrement sanctionnée, celle du code pénal, qui doit être retenue en cas de poursuites.
Les dispositions du code du travail ne s’appliqueront que dans les autres cas, par exemple en cas de mutation ou de refus de promotion intervenant à la suite d’un harcèlement sexuel.
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Il convient enfin de préciser que les articles L. 1155-3 et L. 1155-4 du code du travail qui prévoyaient la possibilité pour le tribunal correctionnel, en cas de poursuites engagées sur le fondement de l’article L. 1155-2, d’ajourner le prononcé de sa décision avant une éventuelle dispense de peine, ont été abrogés, car ils ne faisaient que rappeler les dispositions générales du code pénal en la matière et qu’ils étaient donc juridiquement inutiles. Cette abrogation ne signifie dès lors pas que l’ajournement n’est plus possible dans le cadre de telles poursuites.
Il faut en dernier lieu préciser que les nouvelles dispositions introduites dans le code du travail ont été reprises à l’identique par les articles 9 et 11 de la loi dans le code du travail applicable à Mayotte et dans la loi n° 52-1322 du 15 décembre 1952 instituant un code du travail dans les territoires et territoires associés relevant des ministères de la France d'outre-mer, applicable à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
III. Modifications concernant la répression du harcèlement moral et des discriminations commises en raison de l’identité sexuelle de la victime
3.1. Aggravation des peines du harcèlement moral
Lorsque le délit de harcèlement moral dans les relations de travail a été inséré dans le code pénal par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, les peines ont été fixées à un an d’emprisonnement et à 15 000 euros d’amende, comme l’étaient alors les peines du délit de harcèlement sexuel.
Les peines du harcèlement sexuel ayant été élevées, il a paru nécessaire, dans un souci de cohérence de l’échelle des peines s’agissant d’infractions très proches, de porter également à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende les peines encourues en matière de harcèlement moral.
L’article 222-33-2 du code pénal a donc été modifié à cette fin par l’article 2 de la loi.
Il convient par ailleurs de rappeler, comme indiqué au 2.2 ci-dessus, que le harcèlement moral dans les relations de travail est désormais uniquement sanctionné par les dispositions de l’article 222-33-2 du code pénal, et non plus par celles de l’article L. 1155-2 du code du travail, ce dernier réprimant désormais les discriminations dans le travail commises à l’égard d’un salarié qui a subi ou refusé de subir un harcèlement moral ou qui a témoigné sur de tels faits.
3.2. Consécration législative de la répression des discriminations et des autres infractions commises en raison de l’identité sexuelle de la victime
Les débats tant devant le Sénat que l’Assemblée nationale concernant la détermination des circonstances aggravantes du harcèlement sexuel ont mis en évidence que les personnes homosexuelles, transsexuelles ou transgenres étaient fréquemment les victimes de ces actes, comme elles font souvent l’objet de comportements violents ou discriminatoires.
Le législateur n’a pas jugé opportun de prévoir une circonstance aggravante spécifique dans cette hypothèse, toutes les victimes de harcèlement, quel que soit leur sexe ou leur orientation sexuelle devant être placées sur un même niveau d’égalité, correspondant à leur égale citoyenneté.
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Il a en revanche considéré qu’il était souhaitable de modifier l’article 225-1 du code pénal énumérant les critères de discrimination, pour ajouter, à côté des discriminations commises en raison de l’orientation sexuelle de la victime, celles qui sont commises en raison de son identité sexuelle, afin de mettre clairement en évidence que ces dispositions s’appliquaient non seulement aux personnes homosexuelles, mais également aux personnes transsexuelles ou transgenres.
Les termes « orientation sexuelle » qui figuraient dans l’article 225-1 du code pénal ont ainsi été remplacés par l’article 4 de la loi par les termes « orientation ou identité sexuelle ».
Cette modification a également été faite dans toutes les dispositions législatives qui utilisaient l’expression orientation sexuelle, notamment celles des articles 132-77, 221-4, 222-3, 222-8, 222-10, 222-12, 222-13, 222-18-1, 222-24, 222-30, 226-19, 311-4 et 312-2 du code pénal prévoyant les circonstances aggravantes commises en raison de l’orientation sexuelle de la victime, et celles des articles 24, 32, 33 et 48-4 de la loi sur la presse réprimant les provocations, diffamations et injures commises en raison de cette orientation sexuelle.
Il a clairement été indiqué que ces ajouts ne modifiaient pas le fond du droit, les juridictions ayant déjà considéré par le passé, notamment dans l’hypothèse de violences aggravées parce que commises en raison de l’orientation sexuelle de la victime, que ces dispositions concernaient également les transsexuels, mais qu’ils avaient pour seul objectif de rendre notre droit pénal plus explicite.
IV. Renforcement de la prise en compte des droits des victimes de harcèlement sexuel.
Le renforcement des droits des victimes de harcèlement sexuel, outre celui qui découle de l’élargissement des contours de cette infraction, résulte également des dispositions de la loi concernant les associations de défense des victimes (1).
Les magistrats du parquet devront toutefois également veiller au respect des droits des victimes de ces infractions, qui méritent une attention toute particulière, notamment dans l’application des dispositions concernant l’accès à l’aide juridictionnelle (2), l’indemnisation des victimes par l’Etat (3), et l’interdiction de diffuser sans leur accord leur identité dans les médias (4).
La prise en compte des droits des victimes appelle par ailleurs des précisions s’agissant de l’application dans le temps des nouvelles dispositions, et de la situation toute particulière des personnes victimes de fait commis avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, pour lesquelles le législateur a prévu une disposition de droit transitoire (5).
4.1. Droits des associations de défense des victimes
4.1.1. Modification de l’article 2-2 du code de procédure pénale
L’article 5 de la loi a modifié l’article 2-2 du code de procédure pénale permettant aux associations de lutte contre la violence sexuelle d’exercer les droits reconnus à la partie civile en cas d’infractions sexuelles afin de permettre l’exercice de ces droits aux associations dont les statuts sont plus restreints et prévoient uniquement la lutte contre le harcèlement sexuel.
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Cette modification consacre l’importance du rôle des associations spécialisées dans la lutte contre le harcèlement sexuel et l’assistance aux victimes de ces actes.
Bien évidemment, ces associations, dès lors qu’elles auront reçu l’accord de la victime, pourront se constituer parties civiles dans les procédures ouvertes du chef de harcèlement sexuel, mais également si d’autres qualifications sont retenues, comme celle d’agression sexuelle.
4.1.2. Modification de l’article 2-6 du code de procédure pénale
L’article 6 de la loi a actualisé et complété l’article 2-6 du code de procédure pénale qui autorise toute association déclarée depuis au moins cinq ans, se proposant de combattre les discriminations fondées sur le sexe ou les mœurs, à exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les discriminations prohibées commises à raison du sexe, de la situation de famille ou des mœurs de la victime.
Il a substitué à la référence de l’ancien article L. 123-1 du code du travail, qui prohibait toute discrimination à l’embauche ou dans le déroulement de carrière fondée sur le sexe, la situation de famille ou la grossesse, les références comparables figurant aux articles L. 1146-1 et L.1155-2 du nouveau code du travail; le premier sanctionne la méconnaissance des dispositions relatives à l’égalité professionnelle ; le second sanctionne les discriminations commises à la suite d’un harcèlement moral ou sexuel.
Dans le deuxième alinéa, qui subordonne la recevabilité de l’action des associations à l’accord écrit de la personne intéressée, il a précisé que cette exigence doit s’appliquer dans les affaires concernant « les discriminations commises à la suite d’un harcèlement sexuel », substituant une règle générale à des références obsolètes ou insuffisamment complètes et précises, notamment une référence à la loi de 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires qui ne comporte pourtant pas de dispositions pénales.
Enfin, il a complété la liste des discriminations prohibées en ajoutant à celles fondées sur le sexe ou les mœurs, celles fondées sur l’« orientation ou l’identité sexuelle » de la victime.
4.2. Indemnisation des victimes par le fonds de garantie
Il convient de rappeler que le harcèlement sexuel n’est pas visé par le deuxième alinéa du 2° de l’article 706-3 du code de procédure pénale énumérant les infractions donnant droit à l’indemnisation intégrale de la victime, quelles que soient ses ressources.
Toutefois, il importe de souligner que ces faits sont parfois susceptibles de provoquer une très grave altération de la santé de la victime.
Une telle altération ne constitue pas un élément constitutif du délit. Elle sera susceptible d’être prise en compte comme élément de preuve de l’infraction et d’appréciation de sa gravité, et donc pour déterminer la sévérité de la sanction et l’importance des dommages et intérêts. En outre, elle pourra avoir des conséquences juridiquesen ce qui concerne l’octroi des indemnités allouées par les commissions d’indemnisation des victimes.
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En effet, si la victime du harcèlement sexuel a subi une incapacité de travail égale ou supérieure à un mois, elle aura droit à l’indemnisation intégrale de son préjudice en application du premier alinéa du 2° de l’article 706-3 du code de procédure pénale
Par ailleurs, si, sans subir une incapacité d’au moins un mois, la victime ne peut obtenir à un titre quelconque une réparation ou une indemnisation effective et suffisante de son préjudice, et qu’elle se trouve de ce fait dans une situation matérielle ou psychologique grave, elle pourra également être indemnisée par la CIVI si ses ressources sont inférieures au plafond de l’aide juridictionnelle, en application du dernier alinéa de l’article 706-14 de ce code.
Lorsque les bureaux d’aide aux victimes auront connaissance de telles situations, ils devront rappeler leurs droits aux victimes de harcèlement sexuel.
4.3. Interdiction de publier l’identité des victimes dans les médias
Il convient de rappeler que l’article 39 quinquies de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 punit de 15 000 euros d’amende la diffusion par les médias de l’identité et de l’image des victimes « d’agressions ou d’atteintes sexuelles », si cette diffusion se fait sans leur accord écrit.
Dans la mesure où le harcèlement sexuel fait partie des agressions sexuelles (il figure dans la section 3 du code pénal intitulée « Des agressions sexuelles », terme générique qui inclut le viol, les agressions sexuelles stricto sensu, l’exhibition sexuelle et le harcèlement sexuel), ces dispositions sont également applicables aux victimes de harcèlement sexuel.
En conséquence, les parquets ne devront pas hésiter, si les victimes mises en cause le leur demandent, à engager des poursuites sur le fondement de ces dispositions lorsque des médias ne respecteront pas l’anonymat des victimes de harcèlement, dès lors que celles-ci n’auront pas renoncé préalablement et par écrit à cette protection.
Ils devront surtout, si cela paraît nécessaire, rappeler aux médias l’interdiction prévue par l’article 39 quinquies de la loi de 1881, afin de prévenir de telles atteintes à la vie privée des victimes de harcèlement sexuel, qui ne peuvent qu’amplifier le préjudice déjà subi par ces dernières. Ils pourront rappeler aux journalistes leur possibilité de désigner la victime par des initiales, ou en changeant son prénom.
4.4. Droits des victimes et application dans le temps des nouvelles dispositions
4.4.1. Non rétroactivité des dispositions nouvelles
Comme cela a été rappelé lors des débats, les nouvelles dispositions, de par leur nature plus sévère, ne peuvent évidemment s’appliquer de façon rétroactive à des faits commis avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi.
Elles ne peuvent donc s’appliquer qu’à des faits de harcèlement ou de discriminations faisant suite à des harcèlements commis à compter du 8 août 2012, jour suivant la publication de la loi au Journal Officiel.
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Il convient toutefois d’observer que, s’agissant du délit de harcèlement prévu par le I de l’article 222-33 et qui exige des actes répétés, il suffit, conformément à la jurisprudence traditionnelle relative aux délits d’habitude, qu’un des actes exigés par la loi ait été commis à partir du 8 août pour que l’infraction soit caractérisée.
Par ailleurs, s’agissant des délits de discrimination en raison de faits de harcèlement sexuel, l’élément constitutif de l’infraction consiste dans le comportement discriminatoire, tel le refus d’embauche ou le licenciement, et non dans les actes de harcèlement eux-mêmes qui, pour ces délits, s’analysent en des éléments préalables de l’infraction. Les nouvelles dispositions sont ainsi applicables à des discriminations commises à partir du 8 août, même si elles étaient motivées par des harcèlements commis avant cette date.
4.4.2. Situation des personnes victimes de faits commis avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi
a) Rappel de la nécessité d’examiner la possibilité de requalification
Il convient de rappeler que, si une juridiction d’instruction ou de jugement a été saisie avant la décision du Conseil constitutionnel du 4 mai 2012 de poursuites engagées sur le fondement de l’article 222-33 du code pénal, l’éventuelle requalification des faits, si cette requalification s’avère juridiquement possible, constitue non pas une possibilité mais un devoir pour la juridiction.
Sous peine de déni de justice, celle-ci est en effet tenue, du fait du principe de saisine in rem des juridictions, de rechercher et de retenir la qualification la plus adéquate, sans être liée par celle de la prévention. En particulier, les juridictions correctionnelles ne peuvent prononcer une décision de relaxe qu'autant qu'elles ont vérifié que les faits dont elles sont saisies ne sont constitutifs d'aucune infraction (Crim. 28 février 2001, n°00-82548 ; Crim. 28 mars 2000, Bull. n° 138, p. 40). Cette requalification peut intervenir en première instance comme en appel, y compris à la suite d’un renvoi après cassation. Elle peut conduire la juridiction, qui avait mis le jugement en délibéré, à ordonner la réouverture des débats afin de respecter le principe du contradictoire. Elle peut enfin amener la juridiction à ordonner une expertise en application de l’article 706-47-1 du code de procédure pénale si la qualification d’agression sexuelle est envisagée.
C’est donc uniquement dans le cas où les faits dont elle a été saisie ne peuvent constituer aucune autre infraction pénale, comme par exemple des violences, du harcèlement moral ou des tentatives d’agression sexuelle, que la juridiction doit constater l’extinction de l’action publique.
b) Affaires ayant donné lieu à enquête ou à instruction et ne pouvant faire l’objet d’une requalification : nécessité d’informer les victimes de la possibilité de saisir le juge civil.
Dans les affaires ayant donné lieu à enquête ou instruction et où, en l’absence de possibilité de requalification, une décision de classement sans suite ou de non-lieu s’impose, il conviendra que les magistrats du ministère public informent les victimes de leur possibilité de demander réparation devant les juridictions civiles sur le fondement de l’article 1382 du code civil.
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En effet, la disparition temporaire de l’infraction n’a pas supprimé le caractère nécessairement fautif des actes de harcèlement sexuel, au sens de l’article 1382 du code civil, en application duquel les auteurs de ces actes demeurent donc tenus de réparer le dommage qu’ils ont causé par leur faute.
En cas de classement sans suite, cette information devra figurer dans l’avis de classement personnalisé qui devra être adressé à la victime ou au plaignant.
Il pourra être donné à la victime des indications pratiques sur les démarches à suivre, sur sa possibilité de demander l’aide juridictionnelle, sur sa possibilité d’être assistée par des associations spécialisées.
Cette information pourra le cas échéant se faire par l’intermédiaire des bureaux d’aide aux victimes.
En cas de non-lieu, le parquet pourra demander au juge d’instruction, de procéder à cette information, le cas échéant en l’insérant dans l’ordonnance de non-lieu, et à défaut il appartiendra au parquet d’y procéder lui-même.
Compte tenu du caractère sans précédent de la situation, obligeant des victimes, en raison d’une malfaçon législative de la loi pénale, à engager une procédure devant les juridictions civiles, il conviendra d’appeler l’attention des bureaux d’aide juridictionnelle afin qu’ils puissent, en application de l'article 6 de la loi du 11 juillet 1991, accorder à ces personnes l'aide juridictionnelle à titre exceptionnel, quelles que soient leurs ressources, du fait que leur situation « apparait comme particulièrement digne d'intérêt ».
c) Disposition de droit transitoire permettant aux juridictions correctionnelles déjà saisies d’allouer des dommages et intérêts sur le fondement du code civil
L’article 12 de la loi prévoit une règle de droit transitoire permettant d’éviter aux personnes victimes de faits de harcèlement pour lesquels les juridictions correctionnelles avaient déjà été saisies, de reprendre à zéro une procédure devant les juridictions civiles afin d’obtenir réparation de leur préjudice.
Cet article dispose que lorsque, en raison de l’abrogation de l’article 222-33 du code pénal résultant de la décision du Conseil constitutionnel n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012, le tribunal correctionnel ou la chambre des appels correctionnels constate l’extinction de l’action publique, la juridiction demeure compétente, sur la demande de la partie civile formulée avant la clôture des débats, pour accorder, en application des règles du droit civil, réparation de tous les dommages résultant des faits qui ont fondé la poursuite ainsi que le paiement d’une somme qu’elle détermine au titre des frais exposés par la partie civile et non payés par l’État.
Il s’agit en réalité d’une extension, dans l’hypothèse très spécifique de l’extinction de l’action publique résultant de la décision du Conseil, des dispositions de l’article 470-1 du code de procédure pénale, actuellement applicables aux seuls cas de relaxe concernant des délits non intentionnels.
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Il doit être toutefois souligné que les conditions restrictives de l’article 470-1, exigeant que le tribunal ait été saisi par le parquet ou le juge d’instruction, ne sont pas ici reprises. Cette disposition s’applique donc également en cas de citation directe délivrée par la partie civile, dès lors que les poursuites ont été engagées avant la décision du Conseil constitutionnel du 4 mai 2012.
Le représentant du ministère public ne devra pas hésiter, s’il estime que des faits de harcèlement ont bien été commis, à rappeler à l’audience à la partie civile sa possibilité de demander l’application de cette disposition, qui, comme l’actuel article 470-1, s’applique en première instance comme en appel, y compris le cas échéant après cassation, et qui est justifiée à la fois par la nécessité de préserver les droits de la victime et le souci de la bonne administration de la justice.
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La décision du Conseil constitutionnel du 4 mai 2012 a provoqué pendant trois mois un vide juridique qu’il était indispensable de combler aussi rapidement que possible, afin de préserver et de rétablir les droits des victimes d’actes qui ne peuvent être tolérés dans une société respectueuse des valeurs de dignité et de respect de la personne.
C’est dans cet esprit qu’il conviendra que les magistrats du parquet mettent en œuvre les nouvelles dispositions réprimant les faits de harcèlement sexuel et les discriminations qui peuvent en résulter, en prenant en compte, à tous les stades de la procédure, les droits des victimes de ces infractions.
Je vous serai obligée de bien vouloir veiller à la diffusion de la présente circulaire aux magistrats du siège et du parquet des juridictions de votre ressort et de m’informer, sous le timbre de la direction des affaires criminelles et des grâces, des éventuelles difficultés susceptibles de résulter de son application.
La Garde des Sceaux, ministre de la justice
Christiane TAUBIRA