Dans un arrêt rendu le 12 février 2014 (pourvoi n° 12-23051), la Cour de cassation rappelle qu'aucune circonstance ne peut écarter la reconnaissance d'une situation de harcèlement moral dès lors que les agissements répondent à la définition qui en est donnée.
Dans cette affaire, la salariée avait refusé une modification de son contrat de travail (changement de lieu de travail). S'en était alors suivi un certain nombre d'agissements de la part de l'employeur et répondant à la définition du harcèlement moral telle qu'elle résulte de l'article L. 1152-1 du Code du travail (en l'espèce, attitude méprisante de la part de son directeur ainsi que divers faits ayant porté sans plus d'égard une atteinte à sa santé, tels qu'une interdiction faite à ses collègues de lui parler aux fins de la pousser à la faute, une critique de sa vie privée, le non-versement de salaire aux fins de la contraindre à démissionner, la résiliation de sa ligne téléphonique, une absence de transmission de consigne malgré ses demandes, un retrait de dossiers, une mise à l'écart et une absence de réponse de la direction à tous ces faits dénoncés par courriels).
L'employeur estimait pour sa part que les agissements invoqués, qu'il ne contestait pas, n'avaient été que de courte durée puisque la salariée avait été licenciée moins d'un mois après, et qu'en outre, ces agissements avaient débuté après la naissance du différend relatif à la modification du contrat de travail. Pour lui, ils ne pouvaient donc pas être qualifiés de harcèlement moral.
L'employeur a été suivi par les juges d'appel qui ont considéré que "c'est le refus opposé par la salariée de venir travailler à Fontenay-sous-Bois qui a créé au sein de l'entreprise des tensions et qu'ainsi, par son attitude personnelle ayant alors changé à l'égard de son employeur, elle a elle-même contribué à sa propre mise à l'écart, tandis que les faits dénoncés et à tort argués de harcèlement moral se sont produits sur une période de moins d'un mois avant le licenciement, ce qui exclut le caractère répété desdits agissements exigé par la loi, alors surtout que le différend était déjà né entre la salariée et son employeur à propos du lieu d'exercice du travail".
Sans surprise, la Cour de cassation censure cette décision en retenant que d'une part que la salariée était en droit de refuser la modification de son contrat de travail que lui imposait l'employeur, et que d'autre part la double circonstance que les faits invoqués par l'intéressée s'étaient déroulés sur une période de moins d'un mois et que le différend était déjà né avec son employeur, était sans emport sur l'existence de faits de harcèlement moral qui ouvraient bien droit au salarié à l'octroi de dommages et intérêts.
Le mérite de cet arrêt du 12 février 2014 est donc de rappeler qu'aucune circonstance ne peut « justifier » des agissements de harcèlement moral de l'employeur qui doit, s'il estime le salarié fautif, non pas l'isoler mais prononcer une sanction disciplinaire, à supposer bien sûr que celle-ci repose sur des faits réels et établis.
Jean-Philippe SCHMITT
Avocat à DIJON (21)
Spécialiste en droit du travail
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