~~Parce que le recours à CDD est strictement encadré par la loi (motifs limités de recours), le Code du travail prévoit une indemnité au profit du salarié en cas de requalification d’un CDD en CDI par le juge prud'homal.
La question posée dans cet arrêt rendu par la Cour de cassation le 19 février 2014 était de savoir si cette indemnité de requalification était due en cas de poursuite de la relation de travail, c'est-à-dire d'embauche sous la forme d'un CDI après le CDD en cause ?
Rappelons d'abord que l’article L. 1251-41 (pour le contrat de mission intérim) et l'article L.1245-2 (pour le CDD) retiennent qu'en cas de requalification, l'indemnité ne peut être inférieure à un mois de salaire.
Dans cette nouvelle affaire, l’employeur pensait échapper au paiement de cette indemnité de requalification du fait de la poursuite de la relation de travail par un contrat à durée indéterminée. Il avait été suivi par la Cour d'appel qui avait considéré qu’aucune interruption de la rémunération n’avait eu lieu entre la fin des contrats de mission et la poursuite des relations dans le cadre de ce CDI, laissant ainsi entendre que le salarié n'avait subi aucun préjudice.
Or, les juges d'appel avaient omis le fait que l’indemnité prévue à l’article L. 1251-41(et L. 1245-2) ne se conçoit pas comme une indemnisation du préjudice subi par le salarié, mais comme une sanction à l’encontre de l’employeur qui a imposé un contrat de travail précaire (CDD ou contrat de mission) en dehors des cas prévus par la loi.
En l'espèce, le salarié ayant été embauché pendant 3 années successives en intérim pour accroissement temporaire d'activité alors qu'il s'agissait s'occuper un poste permanent et durable, la requalification des missions intérimaires en un CDi, peu importe qu'un CDI avait suivi les 3 années d'intérim, devait emporter le versement d'une indemnité d'au moins un an (soc. 19 février 2014 n° 12-24929).
Il faut dire que cette décision n'est pas nouvelle car dans un arrêt du 29 juin 2011, la Cour de cassation avait déjà fait droit au versement d’une indemnité de requalification malgré la poursuite des relations de travail, requalification résultant en l'occurrence d’une “irrégularité du contrat à durée déterminée initial”.
Il s’agit donc bien d’une sanction et il importe peu que le salarié n’est subi (en apparence) aucun préjudice financier telle qu'une perte de salaire par exemple. La nature de l’indemnité de requalification explique donc bien le caractère automatique de la condamnation de l’employeur. Dans plusieurs décisions, il a d'ailleurs été précisé que le juge doit l’accorder d’office dès lors qu’il prononce la requalification d’un CDD ou d’un contrat de mission, et donc y compris dans le cas où le salarié aurait omis d’en faire la demande (Cass. soc. 19 janvier 1999 n° 96-44954 ; Cass. soc. 4 juin 2003 n° 01-40584 ; Cass. soc. 16 septembre 2009 n° 07-45613 ; Cass. soc. 30 mars 2011 n° 10-10.879).
Jean-Philippe SCHMITT
Avocat à DIJON (21)
Spécialiste en droit du travail
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