Cour de cassation, Chambre civile 1, 28 juin 2018, n° 17-28.924
Par voie contractuelle, une société concède à une société de production le droit de produire l’émission télévisée « Tout le monde en parle (TLMP) », tout en conservant une partie des droits d'exploitation de l'émission.
La société de production exporte et exploite à l’étranger le format de l’émission. A cette occasion, la société de production choisit de ne pas rémunérer la société cédante, concernant l’exploitation à l’étranger de l’émission.
La société cédante assigne la société de production devant le Tribunal de commerce de Paris. Le cédant allègue ne pas avoir perçu de rémunération, malgré des droits d’exploitation qu’elle détenait toujours. Elle soutient en effet, avoir la qualité de copropriétaire des droits à hauteur de 50%, en se basant sur des accords écrits et oraux et le comportement constant de la société de production.
La société cédante soulève une exception d’incompétence du Tribunal de commerce de Paris, au profit du Tribunal de Grande Instance – en se prévalant de l’article L211-10 COJ et de l’article L331-1 du Code de Propriété Intellectuelle, alinéa premier, lequel dispose :
« Les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire. » [Ces TGI à compétence spéciale sont énumérés au Décret n° 2009-1205 du 9 octobre 2009 ; le TGI de Paris est inscrit à la liste].
La demande d’exception d’incompétence est accueillie par le Tribunal de commerce, qui délègue le contentieux au TGI de Paris.
La société de production forme un contredit (80, CPC).
La société de production défend que cette requête n’entre pas dans le champ de compétence prévu par l’art. L331-1 CPI puisqu’elle ne porte pas sur l’application du droit de la propriété intellectuelle, mais sur la responsabilité contractuelle relative à des droits d’exploitation, justifiant la compétence du tribunal de commerce.
Le Tribunal de Grande Instance rejette le contredit de la société de production. Sur appel, interjeté par la société de production, la Cour d’appel de Paris confirme le jugement pour rejeter le contredit. Elle se pourvoit en cassation.
La cour de cassation rejoint la décision des juges du fonds pour admettre la compétence des juridictions civiles, au détriment des juridictions commerciales :
« Mais attendu qu’aux termes de l’article L. 331-1, alinéa 1er, du code de la propriété intellectuelle, les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire ; que les actions engagées sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun relèvent de la compétence de ces tribunaux, lorsque la détermination des obligations de chacune des parties contractantes et de leurs éventuels manquements impose à la juridiction saisie de statuer sur des questions mettant en cause les règles spécifiques du droit de la propriété littéraire et artistique ».
Ainsi, lorsqu’un requérant demande de constater sa qualité de copriétaire, ou de co-titulaire, des droits d’exploitation d’une émission télévisée, les TGI énumérés par le décret 2009-1205 ont une compétence exclusive pour ce type de contentieux.
Autrement dit, les droits d’exploitation d’une émission télévisuelle relève du droit de la propriété intellectuelle, car il s'agit une œuvre protégeable par le droit d’auteur.
Or, selon la jurisprudence, pour savoir si une émission relève du DPI il faut procéder à l’examen du détail de la mise en forme de son format, et de son originalité.
En l’espèce, la Cour de cassation retient que dès lors que sont mises en cause, les règles du droit de la propriété littéraire et artistique, ceci justifie la compétence spéciale des TGI listés.
Il ressort de la doctrine une impression de faible protection du DPI aux émissions télévisées, ceci pourrait expliquer pourquoi la société de production a été jusqu’à se pourvoir en cassation pour tenter de faire droit à son contredit (RLDI 2012 n°88, Théo Hassier).
- Confirme la jurisprudence
CA Paris, 27 mars 1998, Divertissimo
« un projet de jeu télévisé qui ne se limite pas à poser une règle de jeu abstraite, définie comme l’affrontement de deux équipes à travers les épreuves d’adresse et de mémoire mais s’attache à décrire une règle précise décrivant l’atmosphère et la philosophie du jeu, ainsi que son déroulement, la comptabilisation des points, la teneur des questions et leur formulation et la nature des épreuves sportives, constituant un assemblage original d’éléments connus en eux-mêmes qui révèlent l’activité créatrice de ses auteurs, est protégeable sur le fondement du livre I du Code de la propriété intellectuelle ». = Le format de l’émission doit s’inscrire dans une forme originale.
- Contra
Cass. Commerciale, 7 nov 2006, n°05-16843
Action en concurrence déloyale et parasitisme (fondée sur la responsabilité civile délictuelle [anc 1382, nouv 1240 code civil] à un programme télévisé