Le 19 janvier dernier, le Parlement européen a adopté une proposition de résolution « sur les facteurs externes faisant obstacle à l’entrepreneuriat féminin européen ».
Cette résolution intervient alors que le constat sur l’identité des créateurs d’entreprise montre que les femmes ont un train de retard sur les hommes dans ce domaine. Des études sur le sujet menées par l’institut OpinionWay pour l’APCE mais aussi lors des assises de l’entrepreneuriat en 2013 pour le MEDEF et l’INSEE ont montré qu’en France en 2013, les femmes représentaient 30% des créateurs d’entreprise.
Alors que 69% des femmes considèrent que la création d’entreprise est plus épanouissante que le salariat, le pourcentage de celles qui souhaitent ou sont en train de créer leur entreprise chute à 18%.
On peut donc faire le constat suivant consistant à remarquer que les femmes bien que portées par les mêmes envies et motivations que les hommes pour créer leur entreprise, sont pourtant beaucoup moins nombreuses à franchir le pas.
Des initiatives ont pourtant été prises par exemple en France où les femmes se regroupent en associations. Le but affiché de ces dernières est de faire se rencontrer et s’entraider des entrepreneures ou des femmes projetant de lancer leur activité.
Ces initiatives isolées mises bout à bout permettent de faire progresser la part des femmes dans la création d’entreprise … Mais cela apparaissant insuffisant, c’est la raison pour laquelle le Parlement européen a pris la Résolution dont nous parlons dans cet article.
Ce texte, que vous pouvez retrouver ici par ses nombreux « Considérant » détaille largement les raisons pour lesquelles il serait utile et même urgent de s’engager pour soutenir les femmes entrepreneures dans tous les aspects qui peuvent les freiner.
Au delà de ce texte, il me paraît intéressant de se pencher sur la valeur juridique d’une Résolution du Parlement européen.
Quelle est la valeur juridique d’une résolution du Parlement européen ?
Avant de répondre à cette question, un bref rappel afin de bien comprendre la nécessité d’avoir des instruments juridiques contraignants pour les Etats membres permettant ainsi d’étoffer le droit de l’Union européenne (appelée UE désormais) et donc de renforcer son poids dans les législations nationales.
Le droit de l’Union européenne qui a primauté sur le droit national (même le droit constitutionnel des Etats membres) est allé en s’agrandissant à mesure que les Institutions communes ont renforcé leur pouvoir. Les droits nationaux des Etats membres sont harmonisés dans un grand nombre de domaines dans le cadre des politiques communes.
L’article 288 du Traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE) prévoit 5 instruments juridiques mis à la disposition des organes de l’UE compétents que sont les Parlement européen et le Conseil européen - étant entendu que ces derniers n’ont pas tous la même incidence dans les systèmes juridiques des Etats membres- :
- Le règlement : de portée générale et obligatoire dans tous ses éléments, il est applicable directement dans tout Etat membre. Il fait donc naître sans besoin de transposition des droits et obligations pour les citoyens de l’Union européenne. On peut dire que c’est la « loi européenne ».
- La directive: Elle lie les Etats membres par rapport au résultat à atteindre. Les directives nécessitent d’être transposées donc intégrées aux droits nationaux mais la forme et les moyens employés sont quant à eux laissés à la discrétion des instances de chaque pays et ce dans un temps donné sous peine de sanctions.
- La décision: elle a un caractère obligatoire pour les destinataires indiqués seulement. Elle prend effet au moment de sa communication et non de sa publication au Journal Officiel.
Cet article mentionne également deux autres instruments juridiques non contraignants qui participent des objectifs des politiques communes.
- La recommandation: le Conseil et la Commission peuvent suggérer aux destinataires un certain comportement ou exposer les buts d’une politique commune
- L’avis: il est là pour apprécier une situation actuelle ou certains faits dans l’UE ou dans les Etats membres.
Au delà de ces 5 instruments juridiques, le Conseil et le Parlement européen peuvent adopter des résolutions. Les résolutions sont non contraignantes et suggèrent une volonté politique d’agir dans un domaine défini.
La valeur juridique d’une résolution est donc limitée à son pouvoir de transcription d’une volonté d’agir.
Elles forment un point de mire permettant aux institutions européenne d’agir dans le même sens et ne sont constitutives d’aucunes obligations juridiques pour les destinataires.
Tous ces instruments sont publiés au Journal officiel de l’Union européenne.
La résolution européenne en droit français
Dans notre droit français, ce sont les articles 88-4 et 88-6 de la Constitution qui précisent que les résolutions européennes sont adoptées sans navette entre l’Assemblée nationale et le Sénat.
L’article 88-4 de la Constitution dispose que "Le Gouvernement soumet à l'Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de l'Union européenne, les projets d'actes législatifs européens et les autres projets ou propositions d'actes de l'Union européenne. Selon des modalités fixées par le règlement de chaque assemblée, des résolutions européennes peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, sur les projets ou propositions mentionnés au premier alinéa, ainsi que sur tout document émanant d'une institution de l'Union européenne. Au sein de chaque assemblée parlementaire est instituée une commission chargée des affaires européennes."
L’article 88-6 de la Constitution ajoute que "L'Assemblée nationale ou le Sénat peuvent émettre un avis motivé sur la conformité d'un projet d'acte législatif européen au principe de subsidiarité. L'avis est adressé par le président de l'assemblée concernée aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission européenne. Le Gouvernement en est informé. Chaque assemblée peut former un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité. Ce recours est transmis à la Cour de justice de l'Union européenne par le Gouvernement. À cette fin, des résolutions peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, selon des modalités d'initiative et de discussion fixées par le règlement de chaque assemblée. À la demande de soixante députés ou de soixante sénateurs, le recours est de droit."
Avec cette résolution prise par le Parlement européen le 19 janvier, l’accent a été mis sur l’entrepreneuriat au féminin qui doit donc devenir un axe d’action pour les Etats membres de l’Union européenne.
C’est maintenant à la France d’adopter cette résolution visant à faciliter la création d’entreprise par les femmes, afin que ce voeu pieux n’en reste pas un mais devienne une réalité de plus en plus prégnante !